Alain Coustou Posté(e) 11 juin 2008 Partager Posté(e) 11 juin 2008 Une éruption gazeuse récente : celle du lac Nyos en 1986 Le 21 août 1986, dans l'ouest du Cameroun, une éruption de gaz carbonique avait tué en quelques minutes mille sept cent quarante six personnes dans la région du lac Nyos, dont les eaux profondes sursaturées en CO2 étaient brutalement remontées à la surface à la suite d’un dégazage spontané, jaillissant jusqu’à cent vingt mètres de hauteur et libérant un nuage composé essentiellement de gaz carbonique pur. On a ultérieurement estimé qu’à la profondeur du lac – deux cent dix mètres – chaque mètre cube d’eau avait pu dissoudre de cinq à quinze mètres cubes de CO2 d’origine géologique ainsi que du méthane et un peu d’hydrogène sulfuré avant que la saturation entraîne le dégazage qui avait fait se retourner les eaux du lac. Ce nuage de gaz mortel avait représenté un volume de l’ordre de cent millions de mètres cubes, soit environ un dixième de kilomètre cube. Après avoir tué tous les riverains, le nuage avait dévalé la pente – le lac Nyos est un lac de cratère situé à moyenne altitude et le dioxyde de carbone est plus dense que l’air – anéantissant humains et animaux jusqu’à vingt-trois kilomètres de là. Les habitants de quatre villages avaient perdu la vie tandis que huit cent soixante quatorze autres personnes avaient été plus ou moins sérieusement intoxiquées par les franges du nuage de gaz et avaient dû être hospitalisées avec des symptômes d’œdème du poumon et de conjonctivite. On s’est alors souvenu qu’un événement du même type s’était déjà produit au Cameroun deux ans auparavant, à une trentaine de kilomètres de Nyos, quand le petit lac Monoun avait lui aussi connu une éruption gazeuse qui avait entraîné la mort de trente-quatre personnes. Je dirigeais à cette époque le Centre Universitaire de Douala, à la création duquel j’avais participé quelques années auparavant, et je me souviens parfaitement de l’émotion et des interrogations que ces deux dramatiques événements avaient alors soulevé. Reste la question : Un retournement des eaux comparable à ces deux événements mortels mais limités est-il possible à plus ou moins longue échéance dans d’autres lacs, voire dans certains secteurs océaniques ? La réponse est oui, sans le moindre doute, en ce qui concerne certains lacs tels que le lac Kivu (entre la RD du Congo et le Rwanda), une partie des lacs de cratére et plusieurs des lacs qui parsèment le rift africain. On doit être plus circonspect en ce qui concerne l’océan, mais le risque vaudrait la peine qu’on se penche sur lui dans les zones où la concentration des eaux en CO2 et/ou en CH4 est susceptible d’atteindre le point de saturation. Ce pourrait être le cas si un gisement de clathrates venait à se déstabiliser sous la montée en température des océans. Cela s’est probablement déjà produit à plusieurs reprises dans le passé géologique de la Terre et nous sommes peut-être de moins en moins à l’abri de la réapparition d’un tel événement. Alain Lien à poster Partager sur d’autres sites More sharing options...
madème Posté(e) 18 juin 2008 Partager Posté(e) 18 juin 2008 Une éruption gazeuse récente : celle du lac Nyos en 1986 Reste la question : Un retournement des eaux comparable à ces deux événements mortels mais limités est-il possible à plus ou moins longue échéance dans d'autres lacs, voire dans certains secteurs océaniques ? Comment retourner les eaux de l'océan? Le réchauffement climatique n'a-t-il pas pour conséquence d'augmenter la stratification de celui-ci? Ou alors est-ce que le gradient géothermique chaufferait- il le fond plus que le réchauffement la surface? Lien à poster Partager sur d’autres sites More sharing options...
Alain Coustou Posté(e) 19 avril 2010 Auteur Partager Posté(e) 19 avril 2010 Une éruption gazeuse récente : celle du lac Nyos en 1986 Reste la question : Un retournement des eaux comparable à ces deux événements mortels mais limités est-il possible à plus ou moins longue échéance dans d'autres lacs, voire dans certains secteurs océaniques ? Comment retourner les eaux de l'océan? Le réchauffement climatique n'a-t-il pas pour conséquence d'augmenter la stratification de celui-ci? Ou alors est-ce que le gradient géothermique chaufferait- il le fond plus que le réchauffement la surface? J'avais perdu de vue ce topic, notamment parce que j'ai eu alors de sérieux ennuis de santé.La stratification des eaux n'est en aucune manière une garantie contre leur retournement éventuel en cas de saturation gazeuse, bien au contraire. Si le lac Nyos et le lac Monoun ont connu un tel mortel événement, c'est bien parce que leur stratification était très grande et que la saturation en CO2 a donc pu atteindre un point critique en profondeur, au lieu de se diluer dans la masse des eaux de ces lacs et de rester modérée par diffusion dans l'atmosphère. Si la stratification des océans s'aggravait et que les émanations de CH4 se multipliaient, le même phénomène pourrait en théorie apparaitre localement. Mais j'avoue avoir actuellement des doutes sur la réalité de ce risque, tout simplement parce qu'on a constaté au cours de l'été 2009 qu'une (petite) partie du gaz issu des panaches de méthane au large de la Sibérie arrivaient jusqu'à la surface. On a donc peut-être l'équivalent d'une soupape de sécurité. Mais jusqu'à quel point? Je ne peux pas me prononcer... Les lacs Nyos et Monoun sont maintenant bien contrôlés, grâce aux aménagements qui ont été réalisés à la suite de l'expertise de ces lacs par feu le grand volcanologue Haroun Tazieff. Reste au moins un troisième (et bien plus grand) lac africain susceptible de connaître un jour le même événement : le lac Kivu. Lien à poster Partager sur d’autres sites More sharing options...
marcc Posté(e) 26 avril 2010 Partager Posté(e) 26 avril 2010 J'avais perdu de vue ce topic, notamment parce que j'ai eu alors de sérieux ennuis de santé. La stratification des eaux n'est en aucune manière une garantie contre leur retournement éventuel en cas de saturation gazeuse, bien au contraire. Si le lac Nyos et le lac Monoun ont connu un tel mortel événement, c'est bien parce que leur stratification était très grande et que la saturation en CO2 a donc pu atteindre un point critique en profondeur, au lieu de se diluer dans la masse des eaux de ces lacs et de rester modérée par diffusion dans l'atmosphère. Si la stratification des océans s'aggravait et que les émanations de CH4 se multipliaient, le même phénomène pourrait en théorie apparaitre localement. Mais j'avoue avoir actuellement des doutes sur la réalité de ce risque, tout simplement parce qu'on a constaté au cours de l'été 2009 qu'une (petite) partie du gaz issu des panaches de méthane au large de la Sibérie arrivaient jusqu'à la surface. On a donc peut-être l'équivalent d'une soupape de sécurité. Mais jusqu'à quel point? Je ne peux pas me prononcer... Les lacs Nyos et Monoun sont maintenant bien contrôlés, grâce aux aménagements qui ont été réalisés à la suite de l'expertise de ces lacs par feu le grand volcanologue Haroun Tazieff. Reste au moins un troisième (et bien plus grand) lac africain susceptible de connaître un jour le même événement : le lac Kivu. Bonjour, Ce phénomène, qui semble encore mal connu, existe-t-il ailleurs dans le monde? En particulier, je me demande si les lacs de type "maar", comme le lac Pavin, en Auvergne, ne seraient pas susceptibles de subir de telles remontées. Lien à poster Partager sur d’autres sites More sharing options...
Alain Coustou Posté(e) 9 mai 2010 Auteur Partager Posté(e) 9 mai 2010 La rareté du phénomène de retournement des eaux d'un lac (deux cas connus seulement en un demi-siècle et tous deux au Cameroun pendant que j'étais en poste dans ce pays, drôle de coïncidence...) tend à laisser supposer que les conditions pour que survienne un tel événement sont assez drastiques. Il faut d'abord un lac très profond (pour garantir une forte pression en profondeur). Il faut ensuite des émanations gazeuses en profondeur(CO2 ou CH4) très fortes ou continues, donc probablement un lac de cratère (Nyos et Monoun en sont des exemples) ou de faille (Lac Kivu). Il faut de plus et surtout une très forte stratification des eaux empêchant tout brassage et donc toute diffusion progressive des gaz vers la surface. Il existe peut-être d'autres conditions, mais je ne les connais pas. Entéka, le Québec n'a, à première vue, très probablement rin à redouter de cet ordre. Le grand, l'immense spécialiste en la matière (le volcanologue Haroun Tazieff) aurait pu apporter une réponse beaucoup plus solide et complète à cette question. Mais il est décédé voici plus de dix ans, quelques années après que le "Tartarin de la climatologie" (comme Alain CIROU, directeur de la revue Ciel et Espace qualifie Claude Allègre avec un humour féroce et fort judicieux) l'aie révoqué de son poste de directeur de recherche au CNRS sous un obscur et bas prétexte. Cette infamie avait été commise par le "Tartarin" quelques mois après la polémique qu'Allègre avait lui-même provoquée à propos du volcan la Soufrière (polémique qui avait fait éclater l'incompétence scientifique d'Allègre dans son propre domaine (la géologie) dès que ce monsieur si imbu de ses diplômes et si méprisant pour autrui sortait de la théorie pour se confronter aux faits, par rapport à l'expérience et à la compétence prouvée une fois de plus d'Haroun Tazieff). Je n'ai jamais digéré cette injustice commise petitement contre Haroun Tazieff (qui était pour moi un peu un modèle (j'ai lu tous ses livres et une grande partie de ses articles et j'ai pu le rencontrer au Cameroun quand il est venu expertiser le lac Nyos) et la question posée ici me l'a remémorée. D'où cette réaction un peu épidermique, ce qui n'est guère dans mes habitudes... Ceci dit, il y a toujours des volcanologues très compétents en ce qui concerne les lacs de cratère, mais je n'ai pas fait de recherches sur leurs travaux. Alain Lien à poster Partager sur d’autres sites More sharing options...
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