Tornade à La Rochelle (17)

[Nicolas 17/69]

Bon et bien quand je vois les vagues "florentines" qui inondent la rubrique Evts violents (pour notre plus grand plaisir ! ), ce serait temps que je m'y mette moi aussi ! Sans vous mettre bien sûr la totalité des cas enregistrés dans ma bdd, j'ai pensé utile de vous faire à mon tour une petite sélection.

Alors pour commencer, voici l'une des F4 enregistrées en France.

La Rochelle en 1971 (F4)

« Un mort, dix blessés, quarante-six sans abri, des voitures endommagées en quelques secondes à La Pallice, la tornade a tué. » (L'Aurore, Mardi 26 Janvier 1971)

SITUATION GENERALE

:

Une tempête sévit sur le Nord-Ouest. Dans le Bordelais également, l’article signale durant ces jours des pointes de 180 à 200 kilomètres-heure (dégâts à Bègles). « Le mauvais temps sévissait sur toute la côte depuis le milieu de la nuit, avec des grains fréquents et de violentes rafales de vent. » (Le Monde, Mercredi 27 Janvier 1971)

Dans ce contexte, le 25 janvier 1971 vers 9 h 10, une trombe marine s’est formée à proche distance du port de La Pallice et a gagné le port en inondant les quais. Devenue tornade, elle a semé la désolation sur une largeur de 50 m et une longueur d’environ 3 km. L’ampleur des dégâts causés l’a fait classer F4 sur l’échelle de Fujita.

DEGATS ET TEMOIGNAGES

« Des témoins ont dit avoir vu une colonne nuageuse pendant sous le cumulo-nimbus, animé d'un mouvement tourbillonnaire provoquant une gerbe d'écume au contact de la surface de la mer. »

(station météo de LR)

« Les dégâts sont […] très importants dans un quartier périphérique de La Rochelle, près de La Pallice. On les chiffre au bas mot à 5 millions de francs pour l'instant […] En outre, et c'est le plus grave, il y a un mort et dix blessés dont trois sont dans un état grave, et une centaine de sinistrés dont quarante-six sont sans abri.

[…]Une vingtaine de maisons et une dizaine d'entreprises ont eu leur toiture arrachée. Le foyer des Compagnons de Saint-Antoine et un restaurant ont considérablement souffert. Une centaine de voitures en stationnement ont souvent été déplacées de plusieurs mètres sous l'effet du vent et certains de ces véhicules, plaqués contre des murs, ont été littéralement laminés. Un pylône d'une trentaine de mètres de haut a été proprement décapité dans une usine. Et hier, en fin de matinée, l'avenue Jean-Guitton, sur 500 mètres environ, offrait un extraordinaire spectacle de désolation : tuiles, moellons, tôles tordues voisinaient avec des arbres déracinés, des poteaux téléphoniques et télégraphiques arrachés.

Témoin direct de la catastrophe, M. Antoine Schafer qui dirige une atelier de carrosserie a vu mourir sous ses yeux M. André Drapeau, un ferrailleur de 58 ans.

- Je me trouvais devant mon portail, raconte-t-il, lorsque la tornade est arrivée. J'étais sorti de mon atelier pour voir si la chute de grêlons qui s'était produite quelques instants auparavant n'avait pas fait trop de dégâts. M. Drapeau était venu me rejoindre. Et puis soudain, tout s'est déclenché. Un bruit infernal, une sorte de gigantesque mugissement, et le souffle tout de suite après. Happé par le tourbillon, M. Drapeau a été soulevé comme un fétu de paille, il s'est élevé à plusieurs mètres avant de retomber brutalement. Moi, j'avais eu la chance de pouvoir m'agripper à un poteau. Je le sentais vibrer entre mes bras et je crois que si la tornade avait duré quelques secondes de plus il aurait été emporté et moi avec. Et brusquement tout a été terminé. Plus un souffle de vent. Je me suis précipité vers M. Drapeau. Son crâne avait été fracassé.

- Quand je suis retourné au bureau, j'ai vu ma femme agenouillée. Elle était folle de peur et ma fille Valérie, qui a deux ans, ne cesse de pleurer depuis. La toiture de mon atelier s'est effondrée et j'aurai au moins pour 40000 francs de réparations.

Peu après la catastrophe M. Philippe Dechartre, secrétaire d'Etat au Travail s'est rendu sur les lieux. Il était accompagné du maire de La Rochelle, M. Salardaine, qui a promis de faire reloger rapidement les onze familles sinistrées. En attendant, elles seront hébergées dans des hôtels. »

(L'Aurore, Mardi 26 Janvier 1971)

« Une trombe a été aperçue sur le bassin de La Pallice. Le buisson d'écume a été aperçu sous la trombe tant qu'elle était en mer; en arrivant sur terre il y a eu inondation des quais. Le bruit ressemblait à celui d'un train emballé et on apercevait dans le tourbillon des matériaux divers. Les dégâts se sont produits sur une bande de 2.9 kilomètres sur 50 mètres, orientée Ouest-Est. »

(témoignage mairie de LR)

« Les témoins éloignés de la trajectoire perçurent surtout un bruit "comme celui d'un train emballé" et témoignent aussi de la grande quantité de matériaux et de terre qui matérialisaient le tourbillon. Pour ma part, j'ai pu observer […] de nombreux objets divers tels que tôles, lattes de bois, etc... pris dans un tourbillon ascendant (qui m'a paru être cyclonique) à une hauteur de 80 à 100 mètres. Ces éléments ne présentaient alors aucune tendance à la chute. »

« Dans la plupart des cas, les bâtiments touchés le sont surtout par les toitures. C'est ainsi que le bâtiment des "Salines de l'Ouest" vaste bâtiment construit en voûte, ne présentant aucune structure interne a été entièrement détruit. Les personnes présentes à l'intérieur ont vu l'ensemble de ce bâtiment d'environ 50m x 30 m se soulever en bloc, de plus d'1 mètre avant de retomber en volant en éclats. Même remarque en ce qui concerne le toit d'une véranda attenant à un petit restaurant. » (station météo de LR)

QUELQUES ELEMENTS METEOROLOGIQUES

Le seul élément qui a pu être enregistré est la variation de la pression barométrique (variations entre 3 et 6 mb).

La trombe a été précédée d’une forte chute de grêle - gros grêlons, difformes, d'environ 1 cm de diamètre - puis d‘un violent coup de tonnerre. »

(extraits du rapport de la station météorologique de La Rochelle)

Géopotentiel du 25 janvier 1971 :

2 AUTRES TORNADES LE LENDEMAIN

Au lendemain de la F4 de La Rochelle, 2 autres tornades ont frappé :

L’une à St Fort/Gironde sur les bords de l’estuaire : toitures envolées et dégâts notamment sur une usine d’agglomérés, tracteurs et autres engins fortement endommagés.

Et l’autre dans les Deux-Sèvres, à Aigonnay à l’est de Niort : alors justement qu’ils regardaient à la télé aux infos les dégâts de la F4 de La Rochelle, les agriculteurs d’Aigonnay ont eux-mêmes subi une trombe dans leur village.

AUTRES CAS SUR LA ROCHELLE

1669 : Une trombe parmi celles de l’outbreak français de 1669 qui aurait concerné la France de la Charente Maritime jusqu’au bassin parisien (source Torro et Wikipédia). Force inconnue.

1863 : Dans un contexte tempétueux « une trombe venant de la mer a détruit, sur son passage, toutes les baraques en bois des bains […].Morceaux, jetés dans différentes directions, et retrouvés à une distance de 100 m. Cheminées, toitures de magasin renversées... ». Recensée. F1.

1989 : Une tornade vue sur le parking et les pistes de l’aéroport : 2 avions retournés, barrières emportées… . F1 ?

1995 : tornade possible lors d'un très violent orage avec énorme averse de grêle (jusqu’à 50 cm dans certaines rues). Dégâts très localisés dont un mur abattu par le vent.

2006 : Estofex a répertorié une petite tornade F0 le 19 février, sans plus de précision sinon que la source de l'info serait un organisme météo (MF ?). Un tuba a été photographié ce même jour. Deux évènements séparés, ou même évènement aperçus à différents stades de son évolution ? - F0

[Nicolas 17/69]

Au fait, j'y pense, y avait pas déjà un topic ancien sur cette tornade ?

Si c'est le cas, évidemment faudrait supprimer le doublon s'il existe encore. Et quitte à en supprimer un, vaut mieux supprimer l'ancien et garder ce présent topic.

Merci et millexcus !

[Invité Guest]

merci Nicolas dossier tres interessant

[Adept2Rock]

Ouaow...La Pallice je connais trés bien!Une F4 là bas truc de ouf!

[Nicolas 17/69]

Oui et je trouve bien dommage que cette F4 (l'avant-dernière en date après celle de Leviers en 1982) n'ait pas été étudiée plus précisément dans son contexte météo.

Car, outre la violence et le caractère bien sûr exceptionnel de toute F4 en soi, celle-ci possède en plus une particularité : celle d'être la seule F4 ayant eu lieu en plein hiver . En effet, parmi ses consoeurs, seules deux ont eu lieu en automne au mois d'octobre (à Sète en 1884 et à Montcetz-l'Abbaye en 1874), toutes les autres ont eu lieu en été.

De plus, deux autres tornades, parfaitement inconnues des recenseurs celles-là, auraient eu lieu le même jour et le lendemain dans le même coin.

Et enfin je fais remarquer que sur les Charentes, les très grosses tornades du recensement ont toutes eu lieu en automne bien avancé ou en hiver.

Autant dire que y aurait vraiment de quoi creuser en matière de situation météo et contexte climatologique en général.

L'étude que mène en ce moment Sam49 sur les tornades charentaises et du centre ouest semble vouloir démontrer que la situ-type d'hiver favorisant les tornades reste le ciel de traîne post tempête/ligne de grains en flux de Sud ouest avec un jet puissant.

Mais y a tornade et tornade. Quelle serait donc cette situation hivernale capable de nous pondre des F3 ou des F4 en plein mois de janvier, alors qu'il est communément admis que ces dernières ne peuvent être produites que par des orages eux-mêmes exceptionnels, voire supercellulaires ? ...