Ced30 Posté(e) 10 mars 2004 Partager Posté(e) 10 mars 2004 L'addresse pour voir les graphs : etude Si vous avez du temps ... La conclusion est interessante , elle montre que les plantes sont + resistantes que les hommes face aux variations climatiques ( cf. été 2003 ) Etude menée par des chercheurs du CEFE de MONTPELLIER Les écosystèmes forestiers méditerranéens face aux changements climatiques Corine Hoff et Serge Rambal CEFE/CNRS Route de Mende. 34033 Montpellier Cedex -------------------------------------------------------------------------------- Pourquoi étudier les effets de changements climatiques sur les écosystèmes méditerranéens ? Le doublement du CO2 atmosphérique pour les années 2030-2050 est maintenant admis. Ce doublement est en train d'affecter le climat du globe et d'influer sur le fonctionnement de la biosphère terrestre. Les impacts attendus seront d'autant plus critiques que la végétation considérée subit des contraintes climatiques importantes. C'est le cas des écosystèmes méditerranéens qui font face à des sécheresses estivales plus ou moins prononcées. Nous allons dans un premier temps décrire les grandes caractéristiques de ces écosystèmes et de leur environnement climatique. Nous nous intéresserons ensuite aux changements climatiques qui sont en cours ou attendus en région méditerranéenne et aux impacts possibles sur les écosystèmes. Généralités sur le cadre d'étude H. Le Houérou du Centre d'Ecologie Fonctionnelle et Evolutive (CEFE) de Montpellier évalue la surface de la zone méditerranéenne française à 18 % du territoire national soit 87000 km2. Le relief est très présent avec des altitudes qui varient entre 0 et 1500 m (Mont-Aigoual 1567 m). Nous excluons de ce développement les zones de moyenne montagne, la zone littorale et les régions de montagnes faisant l'objet de chapitres séparés. Les températures dépendent largement de l'altitude, de la latitude et de la continentalité. La moyenne annuelle peut aller de 4,3°C au Mont-Aigoual à 15,3°C à Toulon avec une température moyenne journalière durant les mois de juillet et août qui atteint 23,8°C à Perpignan (normales climatologiques 1931-1960). Une des composantes extrêmement importante du climat méditerranéen est son régime pluviométrique avec les précipitations survenant principalement en hiver. La bande littorale connaît des précipitations annuelles inférieures à 600 mm (Marseille 533 mm). A l'intérieur des terres ce total dépasse 800 mm et culmine à 2282 mm au Mont-Aigoual (normales climatologiques 1951-1970). La forêt méditerranéenne représente deux millions d'hectares soit un septième de la forêt française. Elle est constituée principalement de chênes sempervirents : vert (Quercus ilex), liège (Quercus suber) ou décidu : blanc (Quercus pubescens) et de pin d'Alep. Les ressources de cette forêt sont le bois mais aussi le pâturage par les animaux : herbe, fruits et feuilles des arbres. La végétation actuelle est le résultat d'interactions complexes entre la flore, le climat, les conditions édaphiques et la nature et la fréquence des perturbations d'origine anthropiques. Les facteurs climatiques qui déterminent sa structure et son fonctionnement sont principalement de nature hydrique : les précipitations et leur distribution annuelle, la température et l'évapotranspiration potentielle (ETP) et leurs relations avec les précipitations. Le facteur édaphique principal est la géologie qui conditionne en grande partie l'ampleur du réservoir-sol. Les perturbations d'origine anthropique ayant un impact notable sur la dynamique de la végétation sont les coupes de bois, le pâturage et le feu. La modification de l'utilisation des terres conditionne pour partie le développement actuel des écosystèmes naturels. Alors que dans plusieurs pays du sud du bassin méditerranéen nous assistons à une augmentation des cultures au détriment de ces derniers, il n'en est pas de même en Europe où la tendance est à un abandon des terres et une reprise de la forêt. En zone méditerranéenne française, le pourcentage en surface de forêts et zones arbustives a augmenté de 23 % entre 1965 et 1985. Durant cette même période, H. Le Houérou montre que la régression des cultures a été comprise entre 7 et 9 % alors que par comparaison les zones non-agricoles (industrie, zones urbaines, réseaux de communication) ont augmenté de 15 %. Ayant défini les conditions actuelles et montré l'importance croissante que prend la forêt dans le paysage méditerranéen, nous allons nous intéresser maintenant à la perspective des changements climatiques. Le climat méditerranéen : chronique de changements annoncés L'augmentation en cours de la température L'utilisation de modèles Les modèles de circulation générale (MCG) sont actuellement les meilleurs outils pour mettre en évidence d'éventuelles modifications du climat. Le doublement de la concentration de CO2 atmosphérique envisagé pour le milieu du XXIe siècle a été utilisé pour de nombreuses simulations climatiques. Le rapport de l'European Climate Support Network de 1995 montre les résultats de différents modèles européens. Ceux-ci s'accordent pour donner un réchauffement global moyen compris entre 1,3 et 1,9 °C. Nous avons analysé les résultats de la simulation UKTR du modèle couplé océan-atmosphère du Hadley Centre (Royaume-Uni). Cette simulation prend en compte une augmentation progressive du CO2 atmosphérique de 1 % par an sur 75 ans correspondant au scénario d'évolution proposé par le GIEC en 1992 sous l'hypothèse du maintien d'un développement planétaire économique et démographique fort. Nous allons présenter les tendances issues de cette simulation pour la maille du modèle centrée sur la région Languedoc-Roussillon. Cette maille représente une zone rectangulaire de 250 sur 300 km. La différence entre l'expérience de contrôle sans doublement de CO2 et l'expérience avec modification de la concentration de CO2 permet d'évaluer les tendances des paramètres climatiques. L'analyse de tendance conduite pour la température montre un accroissement moyen annuel significatif de +0,039 °C, soit +2,9 degrés sur 75 ans, pour le mois de janvier et +0,083 °C, soit +6,2 degrés sur le même horizon de simulation pour le mois de juillet (figure 1). Figure 1 : Analyse de tendance pour la simulation UKTR des anomalies de température pour le mois de janvier (en haut) et le mois de juillet (en bas) sur la maille du modèle de Hadley Centre centrée sur la région Languedoc-Roussillon. Les changements observés Des variations ont déjà été décelées sur les observations de température à l'échelle globale. Plusieurs études ont montré un réchauffement marqué en 1940, des conditions stables pour les années 1970 et un accroissement de température plus rapide ensuite avec les records des années 1980, 1981, 1983, 1990 et 1994. L'année 1995 a été la plus chaude au niveau global (+0,4 degré par rapport aux normales 1961-1990). Ces tendances dégagées à partir des observations sont de même signe et de même amplitude que celles obtenues par les MCGs. Des augmentations significatives de la température de la mer Méditerranée ont également pu être mises en évidence à des profondeurs réputées pour leur stabilité thermique : +0,4 °C à 80 m de profondeur entre 1973 et 1987, +0,12 °C pour les profondeurs supérieures à 400 m entre 1959 et 1989. Des indicateurs biologiques contribuent à valider l'hypothèse d'un réchauffement. Des espèces marines thermophiles (algues, oursins, étoiles de mer, soléidés...) ont été observées récemment en Méditerranée. Vers une baisse limitée du cumul de précipitation estivale ? Résultats des modèles Plusieurs simulations climatiques indiquent un accroissement des précipitations en hiver de 0,2 à 0,4 mm/jour ou 6 à 12 mm/mois sur le bassin méditerranéen alors que les quantités de précipitation en été changent peu. Ces tendances sont confirmées par le rapport de l'European Climate Support Network en 1995. L'analyse des tendances pour la simulation UKTR du Hadley Centre sur la maille Languedoc-Roussillon montre une diminution très faible des cumuls annuels de 0,43 mm/an et une diminution des précipitations de 0,24 mm/an pour la période mai-août (figure 2). La période mai-août a été retenue ici car elle donne une quantification réaliste de la sécheresse pour le climat méditerranéen. Evolution observée des précipitations Dégager une tendance sur les précipitations à partir des observations est plus difficile en raison de leur imprévisibilité. Cette imprévisibilité que l'on peut caractériser par la variabilité interannuelle atteint pour les zones isoclimatiques méditerranéennes 30 % de la moyenne. Elle n'est qu'au maximum 18 % pour les autres climats. L'analyse de longues séries climatiques reste toutefois la méthode la plus sûre. L'analyse des précipitations annuelles et saisonnières pour 1500 stations dans le monde sur une période de référence démarrant au milieu du XIXe siècle a montré pour l'Europe une augmentation des précipitations annuelles qui est due en grande partie à l'augmentation des pluies d'hiver alors que les accroissements sont plus faibles pour le printemps et l'automne. Une légère tendance à la raréfaction des pluies est détectée en été. En ce qui concerne le nord de l'Afrique, il y a une diminution des précipitations surtout en été et en automne. Les régions à climat méditerranéen que nous étudions se placent schématiquement à l'interface entre ces deux zones ayant des tendances évolutives opposées. De longues séries (plus de cent ans) sont disponibles à plusieurs endroits du bassin méditerranéen comme Padoue et Rome en Italie, Marseille en France. C'est le cas de Montpellier où l'analyse de tendance conduite sur les séries mensuelles de quantités de précipitation de la période 1835-1995 montre une très faible diminution des pluies annuelles (-0,03 mm/an) et une diminution significative de 0,46 mm/an des pluies de mai à août (figure 3) sensible depuis les années 1880. Ces tendances mettent en évidence la situation de transition du climat méditerranéen. Ces tendances sont du même ordre que celles que l'on obtient des simulations de MCGs. Elles ne sont pas dues à des problèmes instrumentaux et ne sont pas locales car elles se retrouvent en d'autres lieux autour du bassin Méditerranéen (Séville en Espagne par exemple : données non présentées ici). Ceci est confirmé par l'examen des répartitions spatiales des quantités de précipitations. Pour la période critique (mai à août), les isohyètes ont été cartographiées à partir des données de 75 stations météorologiques autour du Golfe du Lion. La figure 4 montre clairement qu'il y a une avancée de l'isohyète 150 mm de 35 km vers l'intérieur des terres entre les deux périodes d'étude 1851-1900 et 1959-1994. Figure 2 : Analyse de tendance pour la simulation UKTR des anomalies de précipitation annuelles (en bas) et cumulées sur la période mai-août (en haut) sur la maille du modèle de Hadley Centre centrée sur la région Languedoc-Roussillon. Figure 3 : Précipitation annuelles (en haut) et cumulées sur la période mai-août (en bas) pour Montpellier. L'analyse de tendance a été conduite sur la période 1835-1995 mais des données existent depuis 1762. Figure 4 : Structures spatiales du cumul de précipitations sur la période mai-août dans la région localisée encadrée sur la carte du haut. Les structures obtenues avec les données de la période 1851-1900 (figure du milieu) peuvent être comparées avec celles de la période 1959-1994 (figure du bas). Quelles sont les modifications attendues du régime des précipitations ? Pour des concentrations plus importantes de gaz à effet de serre dans l'atmosphère, les simulations climatiques des MCGs ont mis en évidence une augmentation de la fréquence des pluies convectives intenses alors que les pluies convectives de faible intensité ou les pluies de grande échelle diminuent. En utilisant le MCG australien CSIRO4, différents auteurs ont noté une augmentation de la pluie annuelle (+8,1 %) et une diminution du nombre de jours de pluie (-3,5 %) pour les latitudes moyennes (40°). Or cette diminution du nombre de jours pluvieux est associée avec une diminution du nombre de jours avec une pluie faible. Ceci signifie qu'il devrait y avoir des périodes sèches plus fréquentes et une occurrence plus grande de fortes pluies. Nous observons une augmentation similaire de la fréquence des pluies convectives pour les classes de pluie supérieures à 5 mm en analysant les précipitations journalières de la simulation UKTR du modèle du Hadley Centre sur la maille centrée sur le Languedoc-Roussillon. Cette augmentation est aussi visible sur les pluies associées aux phénomènes de convection simulées par le MCG (figure 5). Une étude menée par I. Parra en 1994 sur la ville de Barcelone (Espagne), c'est à dire sur un site géographiquement et climatiquement proche de notre maille d'étude, a montré que les précipitations convectives dépendaient largement de la température de la mer. Une augmentation d'un degré de cette température provoquerait un accroissement de 5 % de la part des précipitations convectives. Ceci est à rapprocher de l'observation de l'augmentation de la température de la mer Méditerranée que nous avons présentée plus haut. Une telle modification est difficile à mettre en évidence dans les observations actuelles car elle peut être associée à des classes de pluie ayant des fréquences d'apparition faibles. Cependant, même des modifications modestes du climat peuvent être associées à des changements majeurs de l'amplitude et à la fréquence d'événements comme les inondations et les sécheresses extrêmes. Conséquences de changements climatiques sur le fonctionnement des écosystèmes méditerranéens Les tendances du climat détectées dans les résultats de simulation des modèles de circulation générale et dans les observations sont donc en bon accord. Au XXIe siècle, les écosystèmes méditerranéens auront à faire face à des températures et un régime de précipitations différents des conditions actuelles et nous allons maintenant voir quel peut être l'impact de ces variations sur leur fonctionnement. Figure 5 : Comparaison des fréquences relatives de la pluie journalière totale (en haut) et convective (en bas) pour la simulation UKTR sur la maille du modèle du Hadley Centre centrée sur la région Languedoc-Roussillon. La définition de pluie convective est relative aux paramétrisations physiques que le modèle de climat utilise pour décrire les phénomènes de convection. La pluie totale est la somme de la pluie convective et de la pluie de grande échelle. Vers un déplacement des limites de végétation ? L'évapotranspiration potentielle (ETP) est un des facteurs qui détermine le bilan hydrique de la végétation méditerranéenne. Le rapport des précipitations P et de l'ETP annuelles peut constituer en quelque sorte un bon indice de sécheresse. Par exemple, il est égal à 0,7 pour la région de Montpellier dont l'ETP est de l'ordre de 1000 mm. Nous allons étudier l'impact d'une variation de température sur les écosystèmes méditerranéens au travers de ce paramètre. Une augmentation de température provoque un accroissement de l'ETP qui varie suivant la méthode de calcul utilisée. Pour la même augmentation de température, l'évapotranspiration potentielle serait augmentée de 50 à 150 mm selon la formule de calcul. Si la valeur de l'ETP était inchangée, la diminution du rapport P/ETP équivaudrait à une perte de 35 à 95 mm de la pluie annuelle. Ces résultats sont comparables à ceux obtenus par H. Le Houérou pour une augmentation de température de 3°C appliquée sur la totalité du bassin méditerranéen. La limite pluviométrique inférieure des zones arbustives sclérophylles est actuellement de 350-400 mm. Avec ce schéma, elle pourrait se situer à 385-435 mm, voire 445-495 mm. Ceci provoquerait à long terme une contraction de ces zones de végétation à cause d'une aridité croissante. L'augmentation de température en elle-même contribue directement à ces déplacements. Une variation de température de +2 °C cause en principe un déplacement des zones de végétation de 2 °C x 100 m / 0,55 °C soit environ 366 mètres en altitude. Pour les zones où la disponibilité en eau est faible et limite le développement des plantes, la décroissance du rapport P/ETP entraînerait une décroissance de la productivité. L'impact d'une hausse de température sur l'ETP met en évidence des modifications possibles dans les limites géographiques de la végétation. Ces modifications ne peuvent toutefois être perçues qu'à long, voire très long terme. Nous allons maintenant voir l'impact direct de modifications climatiques sur le fonctionnement des écosystèmes. Les changements climatiques en cours modifient-ils la structure et le fonctionnement des écosystèmes forestiers ? Pour quantifier les échanges d'énergie, d'eau et de carbone entre la canopée et l'atmosphère, l'indice foliaire (LAI) est souvent utilisé. La photosynthèse, la transpiration et l'interception du rayonnement solaire sont toutes reliées au LAI. Une des plus importantes sources de régulation du LAI est la disponibilité en eau. De ce fait, l'indice foliaire constitue un bon indicateur des changements qui affectent à court terme le fonctionnement des écosystèmes en terme de cycles de l'eau et du carbone sans pour autant affecter significativement sa composition floristique. En utilisant la modélisation, nous allons quantifier l'évolution de ce paramètre-clé dans le cas où les quantités de précipitations et les températures sont modifiées avec une tendance évolutive du même ordre que celle qui se met en place actuellement. L'étude du cas d'un écosystème à chêne vert Différents modèles de simulation des flux d'eau et de carbone au sein des écosystèmes forestiers ont été proposés dans la littérature. Ainsi le modèle PnET développé par J. Aber du Complex Systems Research Center, Etats-Unis, en 1992 peut être utilisé au niveau régional pour simuler ces flux à l'échelle mensuelle. Il a été validé pour un écosystème à chêne vert caractéristique de la région nord-montpellieraine. Les données météorologiques en entrée du modèle PnET sont les moyennes mensuelles de température minimale et maximale, les précipitations et le rayonnement solaire mensuels. Les données de pluies proviennent de la série historique de Montpellier (1835-1995). Cette série montre une diminution significative de la pluie estivale qui a déjà été évoquée. La variation de température qui a été appliquée à la série observée est égale à +0,7 °C/100 ans. Elle est similaire à la tendance au réchauffement mise en évidence sur des données au niveau global de la période 1861-1984. Le rayonnement solaire a été supposé inchangé dans cette simulation. La valeur moyenne de LAI simulé par le modèle PnET est très proche de celle mesurée sur le même site par R. Joffre (CEFE) en juillet 1993. Cette valeur est représentative des écosystèmes de chênes verts poussant sur des sols à faibles réserves en eau. L'évolution du LAI (figure 6) montre la superposition de deux tendances : la première est une tendance à long terme (-5 %/100 ans) qui est le résultat de la diminution des pluies d'été signalée précédemment, la seconde reflète le comportement de l'écosystème face à l'alternance des années sèches et humides qui provoque des fluctuations du LAI entre 2,0 et 3,1. Ces fluctuations sont très importantes du point de vue écologique car elles représentent l'ajustement de la végétation aux ressources en eau. En réduisant la surface transpirante, la transpiration et le stress hydrique sont réduits ainsi que corrélativement les risques d'inflammabilité. Les variations de LAI ne sont toutefois pas assez importantes pour accroître sensiblement le rayonnement photosynthétiquement actif atteignant le sol et permettre le développement des espèces végétales de sous bois ou la régénération de cet écosystème par semis. L'écosystème à chênes vert simulé avec le modèle PnET montre donc un équilibre stable. Les ajustements observés autour de la valeur moyenne d'indice foliaire révèlent les possibilités d'adaptation de l'écosystème face aux variations aléatoires et souvent importantes des apports d'eau par les précipitations, qui semblent exclure l'embranchement vers une nouvelle dynamique végétale. Figure 6 : Evolution de l'indice foliaire pour l'écosystème de chênes verts simulé par le modèle PnET en utilisant les données mensuelles de pluie de Montpellier de 1835 à 1995. Conséquences de changements climatiques sur la fréquence des perturbations Les modifications du régime pluviométrique rendent plus probables les perturbations majeures Des changements dans la variabilité du climat peuvent avoir des effets bien plus significatifs qu'une modification des valeurs moyennes. Ceci a été montré pour les cultures par de nombreux auteurs mais cela reste aussi valable pour les écosystèmes naturels. Après nous être intéressés au comportement des écosystèmes méditerranéens face à des changements de la valeur moyenne de température et des quantités de précipitation, nous allons maintenant montrer l'impact que peut avoir un changement de régime pluviométrique. L'utilisation de modèle qui simule à la fois les composantes du bilan hydrique (transpiration, évaporation du sol nu, drainage au-delà de la zone racinaire) et l'état hydrique des végétaux permet de quantifier le comportement de l'écosystème face à la sécheresse. Le scénario de modification du régime des précipitations qui a été adopté ici modifie la durée de retour de certaines classes de précipitations journalières et est cohérent avec les résultats obtenus pour les latitudes moyennes à l'aide du MCG CSIRO4 déjà cité. Pour les classes de fortes pluies la fréquence d'occurrence a été augmentée d'environ 100 %. La classe 20 mm qui est compatible avec l'intensité de 12 mm/h pouvant caractériser les pluies de type convectif reste inchangée. La fréquence des pluies de grande échelle est diminuée. Pour caractériser le degré de stress de la plante, la valeur de potentiel hydrique de -4,2 MPa a été choisie comme seuil critique et correspond à une perte de conductivité hydraulique du chêne vert de 90 %. Le nombre moyen de jours par an durant lesquels le potentiel hydrique de la plante est inférieur au seuil est égal à 57±16 pour les 11 années de la simulation de référence (1983-1994). Il augmente jusqu'à 66±16 avec le scénario choisi pour la pluie (figure 7). Ce résultat est obtenu avec une diminution du cumul annuel de précipitation faible et égale à 3 % ce qui est en accord avec les scénarios des MCGs. Cette diminution faible provoque également des diminutions sensibles du drainage au-delà de la zone racinaire et donc de la ressource en eau qui sont montrées également par S. Rambal du CEFE en utilisant un scénario similaire. La modification de la variabilité du climat a donc des conséquences non négligeables et bien plus contraignantes qu'un changement dans la valeur moyenne des paramètres météorologiques. Les écosystèmes peuvent réagir différemment à l'allongement de la période de stress hydrique montrée ici. Ainsi il est observé que les pins réduisent très tôt leurs besoins en eau en bloquant leurs activités physiologiques alors que les travaux de C. Damesin au CEFE mettent en évidence le maintien des activités physiologiques des chênes vert et blanc jusqu'à des niveaux de sécheresse extrêmes. Mais cette plus longue période de stress peut rendre les écosystèmes plus sensibles à des perturbations comme les incendies. Perturbations : pression démographique, feux, dégradation du paysage et événements extrêmes Après avoir examiné l'impact de modification du climat sur les écosystèmes méditerranéens, nous allons nous intéresser aux perturbations qui les affectent. En effet, la fréquence de ces perturbations et les conditions favorables à leur déclenchement seront modifiées par les changements climatiques. Depuis 30 ans, l'abandon de l'exploitation des terres (cultures, coupes de bois) a provoqué un accroissement annuel de 0,7 % de la surface de forêts. Cette modification de l'occupation des terres a un impact sur le bilan hydrique et sur les ressources en eau. S. Rambal a montré que l'augmentation de la surface Figure 7 : Le graphe de gauche représente les valeurs de précipitations annuelles pour le scénario de modification du régime de pluie utilisé en fonction des précipitations actuelles. A droite le nombre de jours avec un potentiel foliaire inférieur à -4,2 MPa a été tracé de la même façon. de forêts entre 1946 et 1979 sur le bassin du Lamalou situé à 25 km au nord de Montpellier a provoqué une diminution de 11 % de l'écoulement moyen pour des précipitations annuelles moyennes de 1200 mm. L'augmentation de la surface forestière et l'allongement de la période de stress hydrique (lié par exemple à une modification du régime des précipitations) augmentent d'autant la période favorable au déclenchement des incendies. La végétation méditerranéenne a une combustibilité élevée et le déclenchement du feu est favorisé par une inflammabilité importante (sauf pour le chêne blanc). L'anticipation de la dynamique de la végétation après-feu n'est pas un exercice simple. Trois modèles sont proposés qui permettent de donner un diagnostic pour une gestion écologique durable (tableau 1). La reconstitution d'un écosystème mature après incendie dépend de la végétation considérée et peut se faire soit par semis en une quarantaine d'années pour les pins soit par rejet de souche en plus de 70 ans pour les chênes. Dans ce dernier cas, les phénomènes mis en jeu lors d'un feu restent complexes. La vitesse de reconstitution dépend de l'état des réserves carbonées dans la souche après l'incendie et ces réserves dépendent largement de la date et de l'intensité de celui-ci. L'érosion des sols résultant d'un feu ou d'une mauvaise gestion des terres peut accroître le ruissellement des eaux de pluies, l'appauvrissement des sols et conduire à une augmentation de l'aridité. La figure 8 résume les interactions possibles entre les facteurs climatiques, géomorphologiques et humains qui peuvent conduire l'écosystème à subir des perturbations comme les incendies de plus en plus fréquentes et/ou à évoluer vers une aridité croissante. Les périodes de sécheresse sont également à l'origine d'effets indirects importants sur la forêt : incendies, perte de croissance mais aussi attaques d'insectes ravageurs. Plus qu'une période de sécheresse, c'est la succession d'anomalies climatiques qui met la forêt méditerranéenne en situation de faiblesse. Ainsi la période de sécheresse pendant les trois années 1989, 1990, 1991 faisant suite au froid important de janvier 1985 a provoqué une mortalité et des symptômes de dépérissement plus ou moins accentués. Il est important de souligner l'impact à long terme de ces crises pour la sélection et l'adaptation aux conditions climatiques méditerranéennes. Mais des phénomènes météorologiques ponctuels peuvent également avoir des conséquences directes sur les écosystèmes méditerranéens. Des vitesses exceptionnelles de vent peuvent provoquer des chablis. Les 6, 7 et 8 novembre 1982 aux Aresquiers près de 70 % des pins d'Alep ont été abattus lors d'une tempête. Les événements extrêmes du fait de leur intensité et de leur faible fréquence sont difficiles à prévoir. De plus, ils sont souvent très localisés dans l'espace et le temps. Ceci n'est pas compatible avec les résolutions des modèles de climat et il n'est donc pas possible de donner une évaluation de ces phénomènes dans l'hypothèse d'un changement climatique. Les événements rares représentent tout de même la frontière entre l'adaptation ou la disparition de l'écosystème et il faut prendre en compte leur éventualité dans une prospective à long terme. Figure 8 : Résumé des interactions entre les processus climatiques et humains pouvant amener les écosystèmes dans des états critiques telle une augmentation de l'aridité ou accroître les risques de perturbations comme les incendies (redessiné à partir du travail de Perez-Trejo,1994) Type de modèle Expansion Résistance Stabilisation Exemples pin d'Alep, pin chêne vert, chêne pubescent mésogéen, pin pignon, chêne-liège cèdre Biologie Fertilité précoce Fertilité tardive Fertilité très tardive (10-20 ans) (40-60 ans) (70-80 ans) Production Production Production de graines importante irrégulière et faible irrégulière et faible Ecologie Indifférent au substrat Sols évolués Sols bruns forestiers et sol ou semi-évolués Stress hydrique toléré Stress hydrique toléré Stress hydrique toléré 1-6 mois 1-6 mois 1-2 mois Dissémination Très forte (vent) Faible Faible Compétition Faible Forte Forte interspécifique Valeur forestière Pré-forêt Pré-forêt, forêt Forêt Croissance rapide Croissance lente Croissance assez rapide Production Production Production de biomasse : grande de biomasse : faible de biomasse : bonne Inflammabilité Très élevée Elevée Faible sauf le cèdre Combustibilité Elevée Elevée Elevée Régénération Semis Rejet de souche Rejet de souche après feu Reconstitution 40-50 ans 70-80 ans 90-100 ans Table 1 : Caractéristiques essentielles de trois grands modèles dynamiques forestiers en région méditerranéenne (d'après Barbéro et al., 1991). Conclusions Plusieurs études, basées sur différents types de données (MCG, longues séries, indices biologiques), s'accordent pour mettre en évidence des modifications dans le climat pour la région méditerranéenne au cours du XXIe siècle. Les écosystèmes naturels de cette région devront y faire face. Toutefois il a été montré que cette végétation était déjà bien adaptée aux sécheresses extrêmes du climat méditerranéen. Son adaptation à la disponibilité en eau se fait par des ajustements de la surface foliaire autour d'un état d'équilibre. Une modification de la variabilité du climat semble avoir des conséquences sur les écosystèmes bien plus importantes et contraignantes qu'un changement dans la valeur moyenne des paramètres météorologiques. Ainsi la modification du régime de précipitation pourrait être associée à l'allongement de la période de stress hydrique amenant un risque de feu accru et/ou à des phénomènes de fortes précipitations provoquant une dégradation des écosystèmes. Nous avons également mis en avant les impacts que pouvaient avoir les événements extrêmes sur les écosystèmes méditerranéens. Alors que le phénomène de déprise agricole provoque l'augmentation des surfaces de forêts dans la région méditerranéenne française, l'étude de l'impact de changements climatiques sur les écosystèmes devient de plus en plus importante. La modification du bilan hydrique en liaison avec l'augmentation de la couverture végétale peut rendre critiques les changements climatiques en accentuant le phénomène de sécheresse et les risques d'incendies. Les changements climatiques sont envisagés au XXIe siècle en liaison avec l'augmentation de la concen- tration de CO2 atmosphérique. Or les plantes réagissent aussi à l'augmentation du CO2 en diminuant leur conductance stomatique. C. B. Field du Carnegie Institution of Washington, (Etats-Unis) a montré en 1995 que cette diminution de la conductance avait pour effet une baisse de l'évapotranspiration et donc un maintien des réserves en eau du sol à un niveau élevé. Ceci pourrait permettre de limiter le déficit des précipitations envisagé dans le cadre d'une modification du climat. Il n'est donc pas impossible que les impacts des changements climatiques sur les écosystèmes méditerranéens décrits précédemment soient tempérés par les réactions de la végétation à l'augmentation du CO2 atmosphérique. Remerciements Les données de précipitations et de température mensuelles des 75 ans de la simulation de contrôle et de la simulation avec doublement progressif du CO2 atmosphérique du modèle du Hadley Centre ont été fournies par le Climate Impact LINK Project sous les auspices de l'UK Meteorological Office. Nous remercions Dr D. Viner du Climate Research Unit, School of Environmental Sciences, University of East Anglia, Norwich, UK et Dr. J. Aber du Complex Systems Research Center, Institute for the Study of Earth, Oceans and Space, University of New Ham****re, Durham, USA pour avoir mis à notre disposition les données du MCG et le modèle PnET respectivement. Nous remercions également METEO-FRANCE pour les données climatiques sur la France. Ce travail a été financé par le ministère de l'Environnement français pour le programme « Régionalisation des effets climatiques ». Faute de place, il n'a pas été possible à l'éditeur d'inclure la liste des références bibliographiques relatives à ce texte. Nous nous en excusons auprès des différents auteurs et tenons cette liste à la disposition des lecteurs intéressés. Lien à poster Partager sur d’autres sites More sharing options...
Invité Guest Posté(e) 10 mars 2004 Partager Posté(e) 10 mars 2004 Merci d'avoir posté cette belle étude... Lien à poster Partager sur d’autres sites More sharing options...
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