Tempête tropicale Enok (Océan Indien)

[florent76]

Enok baptisée dans la confusion

Le suivi du système né au large des côtes malgaches a une nouvelle fois mis en lumière les différences d’appréciation entre le Centre des cyclones tropicaux de La Réunion et la station météorologique mauricienne de Vacoas. Hier soir, la forte tempête tropicale se trouvait à 645 km au nord-nord-est de La Réunion.

10 février 2007

Un système dépressionnaire chasse l’autre. Hier soir, Dora n’était plus qu’une dépression extra-tropicale et avait été en quelque sorte débaptisée par le Centre des cyclones tropicaux de La Réunion. Elle se trouvait à plus de 800 km au sud-est de La Réunion et continuait de s’éloigner à la vitesse de 22 km/h vers le sud-ouest. En revanche ce que nous annoncions dans notre édition d’hier s’est confirmé. Le système né au large de la côte est malgache a continué à se creuser. À 10 heures hier matin « 08-20062007 », huitième système de la saison, n’était qu’une perturbation tropicale (1 000 hPa). C’est dans l’après-midi que les choses se sont gâtées entre le Centre des cyclones tropicaux de La Réunion et la station météorologique mauricienne de Vacoas. À 16 heures, pour les prévisionnistes de la station du Chaudron elle avait atteint le stade de dépression tropicale (998 hpa). Le phénomène se trouvait alors par 15°10 sud et 55°40 est à 640 km de nos côtes. Il se déplaçait vers l’est à la vitesse de 20 km/h. "Le système s’intensifie, indiquait le Centre des cyclones tropicaux de La Réunion. La convection présente maintenant une structure en bande incurvée. Les vents les plus se trouvent dans le demi-cercle nord en raison du flux de mousson. Les conditions sont neutres à favorables à l’intensification avec une assez bonne divergence, pas de cisaillement. Au sol, l’alimentation est bonne côté équatorial, mais assez faible côté polaire ou Dora monopolise l’alimentation par les alizés. Il n’y a pas d’alerte en cours à la Réunion. "

UNE INTENSIFICATION EXPLOSIVE

Pour les prévisionnistes mauriciens, à la même heure, on n’en était déjà plus là. "La perturbation tropicale qui évoluait près de l’île Tromelin s’est intensifiée en une tempête tropicale modérée et a été nommée Enok par les services météorologiques de Maurice." Alors, perturbation ou tempête tropicale modérée ? Ce n’est pas la première fois (voir par ailleurs) que les météorologues des deux îles ne parviennent pas à accorder leurs violons. Une cacophonie qui fait vraiment désordre alors qu’un système cyclonique rôde à 640 km de nos côtes. Finalement, Météo-France, après son bulletin de 16 heures classant le système en dépression tropicale, l’a rectifié en début de soirée, "surclassant" celui-ci en tempête tropicale modérée... et officialisant du même coup son baptême ! Au bulletin de 22 heures, Météo-France classait ensuite Enok en forte tempête tropicale. Une intensification explosive dans tous les sens du terme, l’exemple d’un système passant du stade de dépression tropicale à celui de forte tempête tropicale en 6 heures étant à coup sûr ou presque une première dans les annales. Heureusement, au-delà de la polémique, les modèles numériques s’accordent sur une trajectoire en arc de cercle qui amènerait le météore sur une course vers le sud-est puis plus progressivement en direction du sud ce qui pourrait le faire passer entre Maurice et Rodrigues. Il ne s’agit là que d’une projection dont la marge d’erreur est très importante d’où l’importance pour les stations météorologiques des deux îles de parler d’une seule voix.

Alain Dupuis

La polémique continue entre météorologues mauriciens et réunionnais

Systèmes baptisés trop tôt ou tard, erreur de positionnement de 100 km d’un phénomène évoluant à proximité immédiate des deux îles : le Centre météorologique régional spécialisé (CMRS) cyclones de La Réunion ne ménage pas ses critiques vis-à-vis de ses collègues mauriciens. Contrairement aux autres régions du monde où l’autorité des CMRS est indiscutée, le bassin sud-ouest de l’océan Indien s’illustre parfois par une cacophonie qui a pris de l’ampleur au c ?ur de la saison cyclonique 2004-2005. La dix-septième session du Comité des cyclones tropicaux dans le sud-ouest de l’océan Indien qui s’était tenue au Botswana, en octobre 2005, avait permis de mettre sur la place publique le différend. Il avait été l’occasion d’un sévère lavage de linge sale en famille entre les météorologues des deux îles. Gérard et Hennie. Ce sont les deux gouttes d’eau qui avaient fait déborder le vase des relations entre le Centre météorologique régional spécialisé cyclone (CMRS) de La Réunion et le sous-centre régional de Maurice. En février puis en mars 2005 encore, la gestion de ces deux systèmes par les météorologues réunionnais et mauriciens avait déjà fait apparaître des incohérences. L’autorité en matière de baptême des systèmes dépressionnaires est une prérogative absolue des Centres météorologiques régionaux spécialisés. Une exception toutefois : le CMRS de La Réunion. Afin de ménager les susceptibilités mauriciennes et malgaches, il a été décidé de créer au début des années 90 deux centres sous-régionaux. Les Mauriciens ont la responsabilité des baptêmes à l’est de 55° est, les Malgaches à l’ouest de 55° est. "Cette spécificité est considérée comme absurde par les spécialistes oeuvrant dans le domaine du suivi opérationnel cyclonique, relève le CMRS de la Réunion. Un ancien directeur du Centre des ouragans de Miami l’a d’ailleurs très sévèrement qualifiée."

Source : http://www.clicanoo.com/article.php3?id_article=148815

Florent.

[Sebaas]

La forte tempête Enok a frôlé Rodrigues, hier soir

Rodrigues a connu une nuit difficile, hier, avec le passage de la forte tempête tropicale Enok. Depuis hier après-midi, le temps a connu une rapide détérioration au point où la station de Météo avait émis dès le début de soirée un avertissement de 4, soit à peine quatre heures après l'avertissement de classe 3. A Rodrigues, l'on faisait remarquer, hier soir, que si Dora était un cyclone paresseux, se déplaçant comme une véritable tortue, Enok présente des caractéristiques d'un sprinter vu la vitesse de son déplacement. Par rapport à sa vitesse lorsqu'elle avait été baptisée, vendredi après-midi, la tempête Enok n'a cessé d'accélérer passant de 25 km/h à 05 h le matin pour atteindre 30 km/h à 16 h. Par moment, au cours de la journée d'hier, la station de Météo-France (Réunion) évaluait cette vitesse de déplacement à… 37 kilomètres/heure ! De mémoire de passionnés de météorologie locale, des tempêtes avec des mouvements aussi accélérés sont très rares et on ne se souvient que du cyclone Jenny en 1965 (qui se retrouva très près dans l'ouest de Maurice en moins de deux heures du fait aussi que sa formation avait été détectée assez tardivement) et du cyclone Edwige en 1996.

Les dernières informations recueillies par Week-End dans la nuit d'hier à ce matin confirme que Rodrigues était plongée dans un black-out total lors du passage d'Enok à son point le plus rapproché de l'île. Les plus fortes rafales enregistrées dans la soirée d'hier étaient de 141 km/h à Pointe-Canon dans les hauteurs de Port-Mathurin et de 122 km/h à Plaine-Corail et à Citronnelle.

Pour ce qui est de la pluviosité, un relevé de 82 mm était provisoirement constaté à Plaine-Corail en attendant confirmation officielle. Dans un premier bilan provisoire, le chef-commissaire, Johnson Roussety, faisait comprendre à Week-End peu avant minuit qu'il y avait une centaine de réfugiés dans les centres à travers l'île. "Depuis quelques minutes déjà, les fortes averses ont cessé et les rafales ont baissé d'intensité. Dès dimanche matin, les services concernés vont sillonner l'île pour collecter les informations en vue de permettre à l'Executive Council de procéder à une évaluation des dégâts et de prendre les mesures qui s'imposent", devait faire ressortir le chef-commissaire.

De petit diamètre, mais accompagnée par de larges bandes de nuages, Enok était passée très près de St. Brandon vers 5 h, hier matin, faisant souffler des rafales de l'ordre de 162 kilomètres à l'heure. Enok s'est formée, en début de semaine, près de la côte est de Madagascar, soit dans le sud-ouest de la Réunion. Elle a également, depuis, suivi une trajectoire peu commune. De manière générale, les tempêtes/cyclones tropicaux dans la région sud de l'océan Indien prennent effectivement naissance soit dans les parages de Diégo Garcia ou des îles Cocos pour ensuite se diriger vers l'ouest avant de tourner vers le sud-est pour aller se désintégrer dans les eaux froides australes. Ils se forment aussi dans le nord de Maurice, près d'Agaléga et de là, se dirigent soit vers le nord de Madagascar ou les côtes africaines, soit vers le sud de l'océan Indien. Tempêtes et cyclones peuvent aussi naître dans le Canal de Mozambique et, dans ce cas, ils vont soit vers l'Afrique, soit ils descendent le long du Canal pour ensuite pénétrer dans la partie sud de Madagascar et aller se fondre dans les eaux froides loin au sud-est de la Réunion et de Maurice. La tempête Enok, elle, a remonté entièrement la côte est de Madagascar sur une trajectoire d'abord nord, puis nord-est avant d'amorcer presqu'un demi-cercle en direction de l'est-sud-est et, puis sud-est qui l'a emmenée en plein sur Rodrigues après avoir contourné les île Tromelin et St-Brandon.

L'effet Fujiwhara

Selon M. Suresh Boodhoo, directeur par intérim de la station de météo nationale, la trajectoire atypique d'Enok sera étudiée, mais déjà il semble que cette trajectoire a un quelconque lien avec la présence encore persistante des restes de l'ex-cyclone intense Dora loin au sud-est de la Réunion. Selon une théorie dite "Effet Fujiwhara", du nom du docteur japonais qui l'a mise au point, lorsque deux tempêtes évoluent dans la même région, il y a interaction et celle qui est plus puissante entraîne l'autre dans son sillage en le faisant tourner en suivant presque sa même trajectoire. C'est ce qui se serait exactement passé entre l'intense cyclone Dora et la tempête jusqu'à l'heure moins puissante Enok.

Février propice aux cyclones

D'autre part, il faut noter que, bien que les prévisions à long terme de la station nationale avaient fait mention de la possible formation d'une dizaine de tempêtes/cyclones dans notre région durant la présente saison cyclonique, ceux-ci commençaient à se faire attendre. Si personne, bien entendu, ne priait pour la venue de ces calamités naturelles, on en était cependant, jusqu'à récemment, réduit à souhaiter qu'au moins une petite tempête se rapproche des côtes mauriciennes et rodriguaises pour y apporter de la pluie et mettre ainsi fin à une sécheresse qui devenait fort inquiétante. Mais depuis les deux dernières semaines les réservoirs du pays se sont considérablement remplis dont certains à presque 100%. Toutefois, avec Dora et Enok et un autre système dépressionnaire qui se forme lui aussi à très grande vitesse près de Diégo Garcia, il faudrait craindre que ce soit finalement la station météo nationale qui a, malheureusement, vu juste… Néanmoins, il faut relever également que, statistiquemment parlant, février a toujours été le mois le plus favorable au développement des cyclones. Cela s'expliquerait par le fait que la température sur mer et sur les terres environnantes étant la plus chaude à cette période de l'été, les conditions pour la formation de ces cyclones sont alors plus propices.

Source: le Mauricien Week end http://www.lemauricien.org/weekend/070211/ac.htm#2