TreizeVents Posté(e) 15 septembre 2014 Dax (40) Partager Posté(e) 15 septembre 2014 Je n'ai pas énormément de temps à consacrer aux analyses climatologiques et météorologiques ces temps-ci avec une passion mise un peu en dormance, mais je tenais quand même à partager les résultats de l'étude qui va suivre. Le sujet des relations entre les synoptiques hivernales en Europe et plus largement dans l'hémisphère nord et l'activité solaire a déjà fait l'objet de pas mal d'études scientifiques, mais celle qui va suivre apporte des éléments complémentaires qui ne manquent pas d'intérêt. Déjà, pour bien démarrer, rien de tel que l'abstract. Version anglaise pour les puristes : Several recent studies have found variability in the Northern Hemisphere winter climate related to different parameters of solar activity. While these results consistently indicate some kind of solar modulation of tropospheric and stratospheric circulation and surface temperature, opinions on the exact mechanism and the solar driver differ. Proposed drivers include, e.g., total solar irradiance (TSI), solar UV radiation, galactic cosmic rays, and magnetospheric energetic particles. While some of these drivers are difficult to distinguish because of their closely similar variation over the solar cycle, other suggested drivers have clear differences in their solar cycle evolution. For example, geomagnetic activity and magnetospheric particle fluxes peak in the declining phase of the sunspot cycle, in difference to TSI and UV radiation which more closely follow sunspots. Using 13 solar cycles (1869–2009), we study winter surface temperatures and North Atlantic oscillation (NAO) during four different phases of the sunspot cycle: minimum, ascending, maximum, and declining phase. We find significant differences in the temperature patterns between the four cycle phases, which indicates a solar cycle modulation of winter surface temperatures. However, the clearest pattern of the temperature anomalies is not found during sunspot maximum or minimum, but during the declining phase, when the temperature pattern closely resembles the pattern found during positive NAO. Moreover, we find the same pattern during the low sunspot activity cycles of 100 years ago, suggesting that the pattern is largely independent of the overall level of solar activity. Et version francisée par votre serviteur pour les anglophobes (avec peut-être quelques coquilles de traduction, je ne suis pas toujours un as dans la langue de Shakespeare) : Plusieurs études récentes ont démontré qu'il existait des relations entre le climat de l'hémisphère nord en hiver et certains paramètres de l'activité solaire. Mais si ces résultats indiquent de manière consistante une sorte de modulation solaire de la circulation tant troposphérique que stratosphérique et les températures de surface, les explications sur le mécanisme exact de cette influence solaire diffèrent. Sont ainsi évoqués le rôle de l'irradiance solaire (TSI), des radiations UV, des rayons cosmiques, ou encore celui des particules solaires. Bien que certains de ces éléments sont difficiles à distinguer les uns des autres car ils évoluent de manière similaire au fil des cycles solaires, d'autres présentent des différences notables dans leur évolution cyclique. Par exemple, l'activité géomagnétique liée aux particules solaires atteint son pic durant la phase déclinante des tâches solaires (SSN), à la différence de l'irradiance ou des UV qui suivent ce cycle des SSN. En utilisant 13 cycles solaires (1869-2009), nous avons étudié les températures de surface hivernales et l'oscillation nord-Atlantique (NAO) durant les quatre différentes phases du cycle des tâches solaires : minimum, ascension, maximum, déclin. Nous avons trouvé des différences significatives sur la répartition des anomalies de températures de surface durant ces quatre phases, indiquant une modulation solaire des températures en hiver. Cela étant, la corrélation la plus claire n'a pas été trouvée durant les phases de maximum ou de minimum, mais durant la phase de déclin durant laquelle la répartition des températures ressemble au schéma de NAO positive. Par ailleurs, nous avons trouvé les mêmes répartitions entre les cycles récents et ceux plus faibles datant d'il y a plus de 100 ans, suggérant que l'impact solaire est largement indépendant du niveau général de l'activité solaire. Pour bien attaquer les choses, commençons par l'analyse des relations entre l'activité solaire et l'oscillation nord-Atlantique. Pour rappel, voici la manière dont se répartissent les anomalies de température hivernale selon les phases de la NAO, positive à gauche, négative à droite : [align=center][/align] Plusieurs études ont déjà démontré qu'il existait une relation entre l'activité géomagnétique d'une part, et la circulation troposphérique et les températures de surface d'autre part. Sans rentrer trop dans des détails techniques qui n'intéresseront pas forcément la plupart d'entre vous, un afflux de particules solaires (celles là même qui génèrent les tempêtes solaires et les aurores boréales) a tendance à nettement renforcer le vortex polaire. Or, on sait que les flux de particules solaires connaissent leur pic généralement en fin de cycle solaire, quand les tâches deviennent moins nombreuses et ont tendance à se rapprocher de l'équateur solaire. Vous avez ici par exemple un graphique montrant l'évolution du flux d'électrons (rouge) en comparaison de l'indicateur traditionnel de l'activité solaire, le nombre de tâches : [align=center][/align] Comme on le voit nettement, le flux de particules a son pic nettement décalé de l'activité des tâches, atteignant son maximum quand le nombre de tâches est sur le déclin. La corrélation entre l'indice NAO et le flux de particules solaires est significative : plus ce flux est élevé, plus la NAO a tendance à être positive, et inversement. On peut s'en rendre compte avec ces deux graphiques représentant la répartition entre ces deux indices : [align=center][/align] Seules deux années sortent véritablement du rang (rond clairs), il s'agit des années 1985 et 2004. Ces deux hivers sont un peu particuliers, car marqués par des Sudden stratospheric warming (SSW) très puissants, et ont très probablement été marqués par des facteurs autres que l'activité solaire qui rendent du coup leur classement difficile. Si on fait abstraction de ces deux années, voici la corrélation obtenue entre les anomalies de température en hiver et le flux de particules solaires : [align=center][/align] On le voit nettement ici : en les comparant au flux de particules solaires, les anomalies de température présentent un schéma qui est très proche de celui de la NAO exposé plus haut. Ou de manière plus terre à terre et plus nombriliste : chez nous en Europe, un flux de particules élevés a tendance à se corréler à des températures hivernales clémentes, et inversement lorsque le flux de particules est faible. Un autre grand facteur de variabilité hivernale dans l'hémisphère nord n'est autre que la quasi-biennal oscillation (QBO), que je ne vais pas développer davantage ici car elle a déjà fait l'objet de pas mal de topics auxquels je vous renvoie. Les auteurs ont décidé de comparer les anomalies de températures, l'indice de la QBO et le flux d'électron dans le nord du Canada (gauche) et le nord de la Sibérie (droite) : [align=center][/align] L'axe des abscisses (horizontal) donne la valeur du flux d'électrons, celui des ordonnées (vertical) les températures hivernales, et selon le cycle de la QBO les années sont représentées soit par un point bleu (QBO négative) soit par un point rouge (QBO positive). On reconnaît le schéma général énoncé plus haut concernant la répartition des températures avec davantage de froid côté canadien et davantage de douceur côté sibérien lorsque le flux de particules est élevé, mais ce qui est surtout net c'est que les corrélations sont beaucoup plus fortes lorsque la QBO est négative que positive. Si vous regardez la manière dont les points sont placés, vous pouvez ainsi remarquer que les points bleus s'organisent bien davantage le long d'une "droite" que les points rouges. A ce stade, on peut donc dire qu'il existe une corrélation entre les températures hivernales et le flux de particules solaires, mais que cette corrélation est surtout très présente lorsque la QBO est négative, alors qu'elle est beaucoup plus diffuse lorsque la QBO est positive. Ce qui est par ailleurs intéressant, c'est que cette corrélation se vérifie également sur des cycles solaires très anciens (ceux de la fin du XIXè / début du XXè siècle), ce qui indique que cette corrélation n'est pas dépendante du niveau général de l'activité solaire : on l'a observée tant sur les faibles cycles des années 1900 que sur les cycles très intenses de la seconde moitié du siècle dernier. De manière générale, les auteurs n'ont pas trouvé de corrélations plus franches avec les autres indicateurs que sont l'irradiance solaire (TSI), l'indice UV, ou encore les rayons cosmiques. Ce qui semble indiquer que ce sont essentiellement les particules solaires qui joueraient un rôle dans nos hivers boréaux... Source : Spatial distribution of northern winter temperatures over the solar cycle during the last 130 years, Mursula et al, 2013 Lien à poster Partager sur d’autres sites More sharing options...
_Nico_ Posté(e) 15 septembre 2014 Saint-Denis-Lès-Bourg 235 m Partager Posté(e) 15 septembre 2014 Bonsoir Treizevents, Merci pour ce résumé, belle rédaction, c'est très intéressant A ce sujet, j'ai retrouvé la traduction d'une analyse faite par mike datant de septembre 2012 ; /topic/80478-relation-qboactivite-solaire-explication-de-son-mecanisme/'>http://forums.infoclimat.fr/topic/80478-relation-qboactivite-solaire-explication-de-son-mecanisme/ Les grands esprits se rencontrent Lien à poster Partager sur d’autres sites More sharing options...
Yves38 Posté(e) 16 septembre 2014 La Tronche (260 m) Partager Posté(e) 16 septembre 2014 Intéressant cette étude, merci TreizeVents, à noter que c'est la première fois que j'entends parler d'une corrélation prouvée entre la météo des régions tempérées et une variation de l'activité solaire mais il en existe peut-être d'autres. Lien à poster Partager sur d’autres sites More sharing options...
TreizeVents Posté(e) 5 juillet 2015 Dax (40) Auteur Partager Posté(e) 5 juillet 2015 Vu que c'est la journée des dépoussiérages, je remonte aussi ce vieux topic pour signaler une autre étude qui vient de paraître, et dont les conclusions sont assez concordantes avec les résultats déjà obtenus auparavant. L'étude précédente, présentée ci-dessus, avait démontré qu'il semblait exister une relation entre le flux de particules émis par l'activité solaire, et les conditions synoptiques générales de notre hémisphère en période hivernale (indice NAO notamment). De manière concrète, les conditions NAO+ (hivers plutôt doux et humides chez nous) semblent prévaloir quand les flux de particules sont élevés, et inversement quand ils sont réduits, sachant que les pics d'émission de ces particules sont décalés de quelques années par rapport aux cycles solaires - les pics d'émissions se produisent deux à quatre ans après le maximum solaire, et les pics de calme suivent les minimums solaires avec eux aussi deux à quatre ans de retard. La nouvelle étude que je vous présente, publiée le 22 mai dernier dans la revue scientifique ERL, vient confirmer les résultats obtenus précédemment à partir d'une méthode différente et avance même une explication physique et dynamique : L'abstract pour les puristes : Numerous studies have suggested an impact of the 11 year solar cycle on the winter North Atlantic Oscillation (NAO), with an increased tendency for positive (negative) NAO signals to occur at maxima (minima) of the solar cycle. Climate models have successfully reproduced this solar cycle modulation of the NAO, although the magnitude of the effect is often considerably weaker than implied by observations. A leading candidate for the mechanism of solar influence is via the impact of ultraviolet radiation variability on heating rates in the tropical upper stratosphere, and consequently on the meridional temperature gradient and zonal winds. Model simulations show a zonal mean wind anomaly that migrates polewards and downwards through wave–mean flow interaction. On reaching the troposphere this produces a response similar to the winter NAO. Recent analyses of observations have shown that solar cycle–NAO link becomes clearer approximately three years after solar maximum and minimum. Previous modelling studies have been unable to reproduce a lagged response of the observed magnitude. In this study, the impact of solar cycle on the NAO is investigated using an atmosphere–ocean coupled climate model. Simulations that include climate forcings are performed over the period 1960–2009 for two solar forcing scenarios: constant solar irradiance, and time-varying solar irradiance. We show that the model produces significant NAO responses peaking several years after extrema of the solar cycle, persisting even when the solar forcing becomes neutral. This confirms suggestions of a further component to the solar influence on the NAO beyond direct atmospheric heating and its dynamical response. Analysis of simulated upper ocean temperature anomalies confirms that the North Atlantic Ocean provides the memory of the solar forcing required to produce the lagged NAO response. These results have implications for improving skill in decadal predictions of the European and North American winter climate. Pour les anglophobes, l'abstract version traduction pas toujours juste de Treize () De nombreuses études suggèrent l'existence d'un impact du cycle solaire de 11 ans sur l'oscillation de l'Atlantique Nord (NAO) en hiver, avec une augmentation des tendances positives du signal de la NAO durant les périodes de maximum solaire - et inversement pour les périodes de minimum solaire. Les modèles climatiques parviennent à reproduire avec succès cette modulation de la NAO par les cycles solaires, mais avec une intensité de ce phénomène considérablement moindre qu'il ne l'est dans les observations. L'un des principaux acteurs avancé pour expliquer ce mécanisme de l'influence solaire sont les ultraviolets (UV) qui génèrent de une variabilité dans le réchauffement de la haute stratosphère des régions tropicales, et par voie de conséquence des gradients de température et des vents zonaux. Les simulations des modèles montrent ainsi [suite à ce réchauffement de la haute stratosphère] une anomalie des vents zonaux stratosphériques qui se décale vers le pôle, et se propage par interactions dans les couches inférieures de l'atmosphère (troposphère) en générant un signal similaire à celui de la NAO. Des analyses récentes ont montré que le lien entre les cycles solaires et la NAO devenait plus clair environ trois ans après les maximums et minimums solaires. Les modélisations réalisées jusqu'à présent ont été incapables de reproduire cette réponse retardée avec son intensité observée. Dans cette étude, l'impact du cycle solaire sur la NAO a été étudié en utilisant un modèle spécifique couplé océan - atmosphère, et en réalisant des simulations sur la période 1960-2009 incluant les différents forçages climatiques à partir de deux scénarios : une avec irradiation solaire constante, et l'autre avec une irradiation oscillante. Le modèle a reproduit des réponses de la NAO significatives quelques années après les extrêmes du cycle solaire, réponses persistantes parfois même durant le retour du cycle solaire en phase neutre. Ce qui confirme la suggestion d'une influence solaire directe via le réchauffement de la haute atmosphère et la réponse dynamique qui lui est associée sur la NAO. L'analyse du comportement des températures simulées dans l'océan supérieur (couches peu profondes) confirme que l'océan Nord Atlantique conserve la trace du forçage solaire nécessaire à la réalisation de cette réponse retardée de la NAO. Ces résultats vont avoir des implications sur l'amélioration des résultats des prévisions hivernales à l'échelle décadaire en Europe et en Amérique du Nord. L'abstract résume assez bien les choses donc il n'y a guère d'éléments à rajouter, je peux compléter cependant avec cette image qui indique la corrélation entre les géopotentiels et l'activité solaires de l'année du pic solaire jusqu'à quatre ans après ce pic : [align=center][/align] [align=center](cliquez pour agrandir)[/align] On décèle clairement la marque traditionnelle de la NAO+ 2 à 4 ans après un maximum solaire, matérialisée par la présence renforcée de dépressions islandaises et de conditions anticycloniques sur les Açores - et les flux d'ouest doux et humides circulant entre les deux. Comme toujours pour ceux qui voudraient creuser davantage le sujet, je vous donne l'étude complète : [align=center]/applications/core/interface/file/attachment.php?id=21741'>Andrews et al.pdf[/align] Andrews et al.pdf Lien à poster Partager sur d’autres sites More sharing options...
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