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Il y a 210 ans jour pour jour... Le debut de la retraite de Russie!


Hugo_HK
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Alors que 2022 marque le retour de la guerre sur le continent Européen, on commémore aujourd’hui les 210 ans du debut de la retraite de Russie, le 18 Octobre 1812.

 

Voici le récit de cette opération militaire désastreuse, qui enclenche les mécanismes qui vont mettre fin au règne de Napoleon sur l’Europe (un an et demi plus tard), avec des observations météorologiques incluant des relevés de temperatures reportées dans les travaux de Minard et d’Arago, puis surtout des relevés de TM de l’observatoire de Vilnius qui m’ont été envoyé par Arunas Bukantis, professeur de l’université de Vilnius.

 

 

La décision de quitter Moscou est prise debut Octobre par Napoleon, après l’échec de tentatives de negotiations avec le Tsar Alexandre puis des ravitaillements de la ville en vivres pour passer l’hiver, et les premieres troupes quittent la ville le 18 Octobre. Napoleon quitte Moscou le 19 Octobre, avant que la ville ne se vide progressivement de troupes Francaises jusqu’au 23 Octobre.

 

Arago parle dans ses oeuvres de chutes de neige mi Octobre (premiere neige le 13 Octobre), cependant, a regarder les relevés de Vilnius, qui indiquent une TM de 11 a 14 degres entre les 10 et 16 Octobre, j’ai du mal a y croire. Dans ses travaux, Minard parle d’une temperature a 0 degres le 18 Octobre le jour du depart des premieres troupes Francaises, ce qui semble en revanche possible: la TM atteint 9 degres a Vilnius les 17 et 19 Octobre et 8 degres le 18, donc un peu plus froid a Moscou 800km plus a l’Est semble probable.

 

 

29/10: Campement sur le champs de bataille de Borodino.

 

La grande armée arrive sur le champs de bataille de Borodino, toujours jonché de cadavres la ou les Francais avaient battus les russes au mois de Septembre. La découverte du champ de bataille de Borodino, où ils avaient combattu deux mois auparavant, porte un coup au moral des soldats de la Grande Armée raconté ici par un certain Sergeant Bourgogne: « On voyait sortir de terre des jambes, des bras et des têtes ; presque tous ces cadavres étaient des Russes, car les nôtres, autant que possible, nous leur avions donné la sépulture. Mais comme tout cela avait été fait à la hâte, les pluies qui étaient survenues depuis en avaient mis une partie à découvert. Rien de plus triste à voir que tous ces morts qui, à peine, conservaient une forme humaine. Lorsque nous fûmes arrêtés, nous nous occupâmes de nous abriter, afin de passer la nuit le mieux possible. Nous fîmes du feu avec les débris d'armes, de caissons, d'affûts de canon ; nous fûmes embarrassés, car la petite rivière qui coulait près de notre camp, était remplie de cadavres en putréfaction. »

 

 

Du coté Russe, on se pose alors la question de savoir comment annihiler l’armée française. Le Maréchal Koutusov préfère l’option de la poursuite parallèle, préférant  des embuscades sur les longues colonnes de la grande armée, plutôt que d’engager l’armée Francaise en bataille rangée. Le général Benigsen, soutenu par d’autres généraux Russes, voudrait au contraire attaquer de front ce qu’il reste de la grande armée.

 

D’un point de vue météo, un redoux tres prononcé survient fin Octobre, avec des TM a 11-14 degrés a Vilnius (nuit douces + après midi autour de 14-17 degres) a ce moment la.

 

 

Debut Novembre: une premiere attaque Russe, puis l’arrivée de l’Hiver

 

Koutuzov ordonne a ses troupes de s’attaquer au corps d’armée du prince Eugene, et l’armée Russe engage la bataille de Vyazma le 3 Novembre. Ce dernier est sur le point de succomber mais son groupe d’armée est sauvé in extremis par les troupes des maréchaux Davout et Ney arrivant en renforts. Les assaillants lâchent prise et laissent ainsi la voie libre a la grande armée pour se retirer sur Smolensk.

 

La temperature se refroidit tres rapidement a la fin du mois d’Octobre, et la TM de Vilnius baisse pour atteindre 5 degrés  les 28-29 Octobre, puis 3 degrés le 30, 1.5 degrés le 31, -1 degrés le 1er Novembre, -2 degrés le 2/11.

 

3 et 4 Novembre: Dans la soiree du 3/11 commencent de fortes chutes de neige par un fort vent de Nord, forçant l’armée a ralentir son allure at a abandonner de plus en plus de materiel (artillerie, chariots, baggages). Le blizzard est tres éprouvant pour les troupes Francaises, et aurait été accompagne de temperatures légèrement negatives (TM autour de 0 degrés a Vilnius, sans doutes nettement moins avant Smolensk).

 

 

 

 

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5 Novembre: alors qu’un observateur de l’époque cité par Minard et Arago parle d’une chute brutale de la temperature pour atteindre -12 degrés, la TM remonte a Vilnius pour rester a 2-3.5 degres entre les 4 et 8 Novembre (plus de discussions la dessus plus bas dans la partie dédiée a la climatologie)

 

7 Novembre: Un observateur de l’armée parle d’une température de -22 degrés alors que les premieres troupes Francaises arrivent a Minsk, mais la TM a Vilnius ce jour la n’est que de 2.3 degrés. Mon avis est que ces journées de debut Novembre auraient pu être largement plus froides vers Smolensk que vers Vilnius (Smolensk étant 450km vers l’Est tout de meme), mais il est tres peu probable qu’on soit descendu en dessous de -20 (plus de details dans la partie climato)

 

Les témoignages expliquent que la retraite se transforme alors en cauchemar avec l’intensification du froid et le harcèlement des cosaques Russes. Un officier du nom de Barrau écrit:

 

Le soldat, accablé par la neige et le vent qui venaient sur lui en forme de tourbillon, ne distinguait plus la grande route des fossés et souvent s'enfonçait dans ces derniers qui lui servaient de tombeau ; les autres, pressés d'arriver, se traînant à peine, mal chaussés, mal vêtus, n'ayant rien à manger, rien à boire, gémissaient en grelottant et ne donnaient aucun secours ni marque de pitié à ceux qui, tombés en défaillance, expiraient autour d'eux. Combien de ces infortunés, mourant d'inanition, luttaient d'une manière terrible contre les angoisses de la mort ! On entendait les uns faire de touchants adieux à leurs frères, à leurs camarades ; d'autres, en poussant le dernier soupir, prononçaient le nom de leur mère et du pays qui les vit naître : bientôt la rigueur du froid, qui saisissait leurs membres engourdis, se glissait jusque dans leurs entrailles. Étendus sur les chemins, on ne les distinguait plus qu'aux tas de neige qui recouvraient leurs cadavres et qui, sur toute la route, formaient des ondulations semblables à celles des cimetières. Des nuées de corbeaux, en passant sur nos têtes, poussaient des cris sinistres et des troupeaux de chiens venus de Moscou et des campagnes, ne vivant que de nos débris ensanglantés, venaient hurler autour de nous comme pour hâter le moment où nous devions leur servir de pâture

 

 

8 Novembre: L’armée arrive enfin a Smolensk

 

Arrivée de l’armée Francaise a Smolensk, suivie de de l’empereur le lendemain par une température d’environ -15 degrés selon Arago. Sur les plus de 100,000 hommes partis de Moscou mi Octobre, il ne reste alors plus que 40,000 hommes environs en état de combattre: Napoleon espère donc pouvoir reposer ses trouves quelques jours a Smolensk ou il avait fait ordonner de stocker des vivres. Malheureusement, la ville avait été détruite lors de sa prise durant l’été, et les partisans Russes ont empêché tous ravitaillements de grande ampleur sur Smolensk durant l’automne: la grande armée ne trouve que peu de vivres dans cette ville. Vers le Nord Ouest, l’armée Russe met sous pression les troupes du maréchal Oudinot, alors qu’au Sud les Russes avancent sur Minsk.

 

La encore il y a un désaccord entre les temperatures observées a Vilnius et celles reportées par l’Armee Francaise, puis la TM de Vilnius atteint 2.5 degres le 8/11, 0 degres le 9/11, 2 degres le 10 et 2.6 degres le 11/11.

 

14-17 Novembre: l’Armée quitte Smolensk

 

La grande armée reprend sa marche et quitte la ville de Smolensk en direction d’Orcha puis de Borissov ou elle devra traverser la Berezina pour éviter l’encerclement, alors que les Russes avancent au Sud et au Nord Ouest. Selon les témoignages d’époque et les travaux de Minard ou d’Arago, l’hiver atteint son premier pic de froid avec des observations reportées a -26 degrés ou -28 degrés au moment de quitter la ville… La encore il me semble probable que les temperatures soient plutôt exagérées, puisque la TM a Vilnius atteint -8 degres le 13/11, -10 degres le 14/11 et -6 degres le 15/11, ce qui laisse plutôt entendre des TN autour de -10 a -15 pour ces journées la. Ceci, les témoignages sur le froid sont poignants, et donc il y devait y avoir a mon avis un fort contraste entre le temps a Vilnius et celui a Smolensk (bien plus froid autour de cette dernière - voir la rubrique climato plus bas)

 

Mr de Segur écrit par exemple dans ses témoignages sur la campagne:

 

“Pendant que le soldat s’efforce pour se faire jour au travers de ces tourbillons de vent et de frimas, les flocons de neige, pousses par la tempête, s’amoncellent et s’arrêtent dans toutes les cavités; leur surface cache ses profondeurs inconnues qui s’ouvrent profondément sous nos pas. La, le soldat s’engouffre, et les plus faibles s’abandonnant, y restent ensevelis. Ceux qui suivent se détournent, mais la tourmente leur fouette au visage la neige du ciel et celle qu’elle enlève a la terre. L’hiver Moscovite, sous cette nouvelle forme, les attaque de toute parts: il pénètre au travers de leur levers vêtements et de leurs chaussures déchirées. Leurs habits mouillés se gèlent sur eux; cette enveloppe de glace saisit leurs corps et raidit tous les membres. Un vent aigu et violent coupe leur respiration; il s’en empare au moment ou ils l’exhalent, et en forme des glaçons qui pendent par leur barbe autour de leur bouche. Les malheureux se trainent encore jusqu’a ce que la neige, qui s’attache sous leurs pieds en forme de pierre, quelques debris, une branche ou le corps de l’un de leurs compagnons les fasse trébucher et tomber. La, ils gémissent en vain; bientôt la neige les couvre; de légères eminences les font reconnaitre: voila leur sepulture! La route est toute parsemée de ces ondulations comme un champs funéraire. Les plus intrépides et les plus indifférents s’affectent: ils passent rapidement en détournant leurs regards. Mais devant eux, autour d’eux, tout est neige: leur vue se perd dans cette immense et triste uniformité. Les seuls objets qui s’en détachent, ce sont se sombres sapins, des arbres de tombeaux avec leurs funèbres verdure, et la gigantesque immobilité de leurs noires tiges, et leur grande tristesse qui complete ces aspect désolé d’un deuil general, d’une nature sauvage et d’une armée mourante au milieu d’une nature morte.”

 

 

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15-18 Novembre: bataille de Krasnoie sur la route de Orcha.

 

Dans des conditions toujours tres hivernales, l’armée Francaise affamée se déplace désormais tres lentement, ce qui donne le temps aux Russes de se regrouper pour passer a l’attaque sur la route de Orcha. Apres quelques escarmouches a la sortie de Smolensk les 15 et 16 Novembre, Koutuzov demande a un de ses maréchaux d’attaquer a nouveau le corps du prince Eugene, qui ne compte alors plus que 6,000 hommes, dans le but de couper en deux et d’encercler une partie de l’armée française, le 16 Novembre. Apres de lourdes pertes, le groupe d’armée du prince Eugene arrive finalement a perce vers le village de Krasnoe en flammes, puis le maréchal Davout profite d’un repli temporaire des Russes pour faire passer le Dniepr a ses 10,000 hommes le 17 Novembre. En revanche, e maréchal Ney, dont les troupes ont quitte Smolensk en dernier pour couvrir la retraite de l’armée, arrive sur Krasnoie plus tard, et les Russes ont alors reçu des renforts. S’engagent alors de violents combats qui durent jusqu’a la tombée de la nuit. Les Russes décident alors d’attendre le lendemain avant de repasser a l’attaque, laissant au maréchal Ney et ses troupes la possibilité de s’échapper en traversant le Dniepr gelé a pied pendant la nuit.

 

La bataille de Krasnoe reste une déroute militaire d’une rare ampleur pour Napoleon, pourtant un tacticien militaire tres reconnu…

 

Les Positions françaises en bleu, encerclées par les russes (verts)

 

 

Les positions Francaises en bleu, encerclées par les Russes en vert:

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Tableau représentant le maréchal Ney a la bataille de Krasnoe:

 

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D'autres representations artistiques de la bataille de Krasnoe:

 

https://imgur.com/a/73ESBst

 

19-25 Novembre: la marche vers la Berezina.

 

L’armée Francaise continue sa longue marche vers l’Ouest dans des conditions de plus en plus difficiles, alors que l’hiver devient de plus en plus rude après un bref dégel autour des 18-20 Novembre. Le maréchal Ney et ses 1200 soldats restants sur les 10,000 qui constituaient l’arrière garde, parvient a rattraper l’empereur a Orcha le 19 Novembre, ou il est accueillit par un Napoleon heureux de le revoir: l’empereur le croyait perdu. Ney se voit a nouveau confier la tache de protéger les arrières de l’armée. Napoleon mène l’armée entre Orcha et Borissov entre les 20 et 25 novembre, dans des conditions toujours tres difficiles: après le court dégel survenu autour de la bataille de Krasnoe, les soldats sont trempes de la tete au pied par la neige fondante et une brume humide, puis le froid revient:

 

Températures a Vilnius: TM de 3 degres le 18/11 pendant la bataille de Krasnoe, idem le lendemain, puis on repasse dans le négatif ls 20/21 Novembre, et la TM atteint -5.9 degres le 22 et -5.2 degres le 23/11.

 

 

25 au 29 Novembre: La Berezina.

 

Le 24 Novembre, Napoleon, alors a une trentaine de kilometres de Borissov, recoit une série de mauvaises nouvelles: l’armée Russe a atteint la Berezina en premier, elle occupe le pont de Borissov qui devait permettre a l’armée française de s’échapper a pied, et la rivière n’est pas suffisamment gelée pour être traversée a pied. TM Vilnius: 0.4 degres ce jour la.

 

 

Le 25 Novembre, les forces des maréchaux Oudinot et Victor arrivent a reprendre Borissov aux Russes, mais ces derniers brulent le pont, détruisant ainsi le seul moyen de passer le fleuve.

 

Toutes les conditions semblent réunies pour permettre aux Russes de remporter une victoire totale: l’amiral Tchichatkov contrôle la rive droite du fleuve en aval et en amont de Borissov, le general Wittgenstein menace le flanc Nord de la Grande Armée, alors que le maréchal Koutuzov remonte par le Sud et que les generaux Miloradovitch et Platov avancent sur les talons des Francais. La Grande armée est en passe de se faire encercler, et le general Russe Vorontzov s’exprime: ‘Je doute que ce monstre de Bonaparte puisse éviter la mort ou la captivité’

 

Par un coup de chance, un des généraux français aux commandes d’une unité de cavalerie légère a découvert un guet plus au Nord ou la rivière est peu profonde, et d’une largeur de 40 a 50m environ. Napoleon organise alors une diversion vers son flanc Sud, et envoie le general Eble et ses pontonniers bâtir deux ponts au niveau du village de Studienka pour permettre a l’armée de traverser le fleuve.

 

Ordre de bataille de la Berezina:

 

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Les 400 pontonniers du general Eble se jettent alors a l’eau dans l’après midi du 25 Novembre, bravant l’eau glacée et les icebergs charriés par le fleuve, pour bâtir deux ponts. La TM a Vilnius est de -0.8 degres ce jour la.

 

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D'autres images de l'armée traversant la Berezina lords cette fameuse bataille:

 

https://imgur.com/a/y5N6bMj

 

Malgré le sacrifice héroïque des troupes françaises, les Russes avancent vers les berges du fleuves, et dans la soiree du 28, Napoleon ordonne au maréchal Mortier de faire bruler les ponts a l’arrière a l’aube le lendemain, chose qui sera faite autour de 9h du matin. Le spectacle est tragique: il restait encore quelques 10,000 trainards sur la rive Est du fleuve dont certains tentent de traverser le fleuve a la nage pour fuir les charges des Cosaques Russes.

 

Selon les témoignages, Le grand froid qui était revenu la veille, atteint une nouvelle apogee ce jour la avec une temperature autour de -25 degrés, et la Berezina fumait sous l’effet du froid, tout en charriant de larges blocks de glace. La TM a Vilnius chute effectivement de manière brutale, jusqu’a -8.5 degres ce jour la, ce qui est loin de presager d’une temperature de -25 degres cependant. Encore une fois, pas impossible qu’il ai fait plus froid plus a l’Est, mais on est alors qu’a 300km de Vilnius, donc la marge d’erreur se réduit…

 


Le désastre de la Berezina reste dans l’Histoire, mais c’est finalement une victoire stratégique Francaise: L’empereur et son état major sont saufs, et Koutuzov loupe sa chance d’anéantir totalement l’armée française, ce qui poussera un des ennemis de l’empereur, le general et théoricien militaire Prussien Von Clausewitz, a dire que Napoleon avait à la Bérézina non seulement ‘sauvé son honneur, mais acquis une nouvelle gloire’. La victoire a un cout: seuls 6 des 400 pontonniers survivront jusqu’a la Pologne, le general Eble lui meme mourra a Konigsberg, et l’arrière garde Francaise subit a nouveau de lourdes pertes.

 

 

30 Novembre au 13 Décembre: La marche vers le Niemen

 

La longue marche de la grande armée, dont il ne reste plus que des vestiges, continue vers l’Ouest, avec pour prochaine étape la ville de Wilna, désormais appellee Vilnius, la capitale Lithuanienne. Selon les récits d’époques et les travaux de Arago ou de pinard, L’hiver atteint alors son plus froid, avec -30 degrés le 3 Décembre, et -37.5 degrés relevés le 6 Décembre alors que l’armée se trouve a Molodeczno, au NO de Minsk en Biélorussie aujourd’hui, puis -32.5 degres le 7/12

 

L’observatoire de Vilnius reporte quand a lui les TM suivantes:

 

1/12: 1.1 degres

2/12: 0.4 degres

3/12: -3.8 degres

4/12: -6.9 degres

5/12: -12.1 degres

6/12: -19.4 degres

7/12: -23.9 degres

8/12: -21.2 degres

9/12: -15.8 degres

10/12: -17.6 degres

11/12: -14.7 degres

12/12: -23.1 degres

13/12: -8.9 degres

 

Des representations de la marche de l'Empereur a travers la steppe Russe :

 

https://imgur.com/a/5GA0CjL

 

Les effets du grand froid endure par l’armée Francaise, pas du tout équipée pour ce genre de frimas, est décrite de manière precise par Mr R Bourgeois, chirurgien avec l’armée:

 

“On était obligé de s’entourer les pieds de chiffons, de morceaux de couvertures, de peaux d’animaux, qu’on attachait avec des liens de paille et de ficelle, et qui ne garantissait que faiblement l’impression du froid. Malgré ce qu’on faisait pour mitiger les effets du froid, en s’entourant de ce qui pouvait servir de vêtements, peu de monde échappa a la congelation et chacun en fut frappe dans quelques parties du corps. Heureux ceux q ui elle n’atteignit que le bout du nez, les oreilles et une partie des doigts. Ce qui rendait les ravages encore plus funestes, c’est qu’en arrivant près des feux, on y plongeait imprudemment les parties refroidies qui, ayant perdu leur sensibilité, n’étaient plus susceptibles de ressentir l’impression de la chaleur qui les consumait. Bien loin d’éprouver le soulagement que l’on recherchait, l’action subite du feu donnait lieu a de vives douleurs et déterminait promptement la gangrene. Toute les facultés étaient anéanties chez la plupart des soldats, et la certitude de la mort les empêchait de faire aucun effort pour s’y soustraire: se croyant hors d’état de supporter la moindre fatigue, ils refusaient de continuer leur route et se couchaient a terre pour y attendre la fin de leur deplorable existence. Un grand nombre etait dans un veritable état de démence, le regard fixe, l’oeil hagard; ils marchaient comme des automates dans le plus profond silence. Les outrages, les coups meme étaient incapables de les rappeler a eux memes. Le froid excessif, auquel il etait impossible de resister, acheva de nous détruire. Chaque jour il moissonnait un grand nombre de victimes, les nuits surtout étaient tres meurtrières: la route et les bivouacs que nous quittions étaient jonches de cadavres. Pour ne pas succomber, il ne fallait rien moins qu’un exercice continuel qui tint constamment le corps dans un état d’effervescence et repartit la chaleur naturelle dans toutes les parties. Si, abattu par la fatigue, vous aviez le malheur de vous abandonner au sommeil, les forces vitales n’opposant plus qu’une faible resistance, l’équilibrerait s’établissait bientôt entre vous et les corps environnants, et il fallait bien peu de temps pour que, d’après l’acceptation rigoureuse du language physique, votre sang se glace dans vos veines. Quand, affaisse sous le poids des privations antérieures, on ne pouvait surmonter le besoin du sommeil, alors la congelation faisait de rapides progrès, s’étendait a tous les liquides, et l’on passait, sans s’en apercevoir, de cet engourdissement léthargique a la mort. Heureux ceux dont le réveil etait assez prompt pour prévenir cette extinction totale de vie! Les jeunes soldats qui venaient de rejoindre la grande armée, frappes tout a coup par l’action subite d’un froid au quel ils n’avaient point encore ete exposes, succombèrent bientôt a l’excès des souffrances aux quelles ils étaient livres. Ceux ci ne périssaient ni d’épuisement, ni d’inaction, et le froid seul les frappait de mort. On les voyait d’abord chanceler pendant quelques instants et marcher d’un pas mal affermi comme des hommes ivres. Il semblait que tout leur sang fut refoule vers leur tete, tant ils avaient la figure rouge et gonflée. Bientôt ils étaient entièrement saisi et perdaient toutes leurs forces. Leurs membres étaient comme paralyses; ne pouvant plus soutenir leurs bras, ils les abandonnaient a leur propre poids et les laissaient aller passivement: leurs fusils s’échappaient alors de leurs mains, leurs jambes fléchissaient sous eux, et ils tombaient enfin après s’être épuisés en efforts impuissants. Au moment ou ils sentaient défaillir, des larmes mouillaient leurs paupières, et quand ils étaient abattus, ils se relevaient a diverses reprises pour regarder aisément ce qui les environnait; ils paraissaient avoir perdu entièrement le sens, et ils avaient u air étonné et hagard; mais l’ensemble de leur physionomie, la contraction forcée des muscles de la face offraient des traces non équivoques des cruelles douleurs qu’ils ressentaient. Les yeux étaient extrêmement rouges et tres souvent le sang transsudait a travers les pores et s’coulait par gouttes au dehors de la m’embrela qui recouvre le dedans de paupières.”

 

 

Les témoignages sont effroyables: les soldats sont obligés de coucher a l’intérieur des carcasses de chevaux pour échapper au froid par exemple, et le capitaine Francois écrit dans son journal intime: « Ceux qui n'avaient ni couteau, ni sabre, ni hache et dont les mains étaient gelées ne pouvaient manger (...) J'ai vu des soldats à genoux près des charognes mordre dans cette chair comme des loups affamés »

 

Témoignage de Nicolas Oudiette, sergent - Major dans un regiment de fusiliers grenadiers, écrit après avoir passe la Berezina:

 

« Je marchai longtemps, au milieu de la cohue, sur un verglas qui, à chaque instant, me faisait tomber. La nuit me surprit au milieu de toutes ces misères. Le vent du nord avait redoublé de furie… Bientôt je me trouvai seul, n’ayant plus pour compagnons de route que des cadavres qui me servaient de guides… ». Oudiette tente, à l’aide d’une petite hache, de découper un morceau de cheval mort, mais il ne le peut « tellement il était durci par la gelée ». Il en est réduit à briser la neige glacée imprégnée du sang de l’animal, il en mange quelques morceaux qui lui « rendirent un peu de force ».

 

On reporte meme des cas d’autophagie ou de cannibalisme: le chef d’escadron Eugene Labaume écrit: « Les uns avaient perdu l'ouïe, d'autres la parole et beaucoup par excès de froid, étaient réduits à un état de stupidité frénétique qui leur faisait rôtir des cadavres pour les dévorer ou qui les poussait à se ronger les mains et les bras »

 

 

L’armée Francaise arrive enfin a Vilnius le 9 Décembre, avec l’armée Russe sur ses talons, mais elle ne trouve pas le refuge espère: la ville, deja saccagée a l’allé, n’a que peu de vivres a offrir aux soldats. Alors, c’est l’émeute: on sort les sabres et les baïonnettes, et les soldats s’entretuent pour de maigres stocks de nourriture.

 

Deux jours plus tard, les avant gardes Cosaques arrivent dans les faubourgs de Vilnius, mettant ainsi en fuite les restes de l’armée française. Les trainards qui s’attardent trop dans la ville sont massacres par les Cosaques, si bien que les autorités Russes mentionnent près de 26,000 cadavres lors de la reprise de la ville, morts de faim, de froid, de fatigue, de maladie ou achevés par les Russes. La grande armée franchit enfin la Niemen le 13 décembre pour se réfugier en Pologne après avoir échappé a de nouvelles embuscades Russes le long de la route. L’état major s’installe enfin a Konigsberg, aujourd’hui Kaliningrad alors que le general Murat, sensé commander l’armée après que Napoleon ai du rentrer expressément sur Paris pour affronter une tentative de coup d’état, abandonne lâchement ses soldats malgré les supplications de ses généraux, et fuie a travers la Pologne puis l’Allemagne.

 

Enfin arrivé en sécurité, le sergent Oudiette écrit:

 

« On nous donna un billet de logement pour nous 5, et nous eûmes une chambre bien chaude et de la paille… Je fus voir dans la ville, si nous ne trouvions pas quelque chose à acheter. Le hasard me conduisit dans une maison où je rencontrai un chirurgien-major de mon pays (Nogent-sur-Seine). Il était logé avec 2 officiers et 3 soldats, reste du régiment. Ils étaient dans un état pitoyable, ils avaient presque tous perdu les doigts des pieds et des mains… ».

 

 

Il ne reste alors que 25,000 a 30,000 Francais, alors que certains corps d’armée ont perdu près de 100% de leurs hommes. Au total, environ 70-80k hommes reviennent de Russie (en comptant les corps d’armée plus au Nord qui se replient également en Pologne) sur un total d’environs 500,000 a 600,000 qui ont participé a la campagne: les pertes humaines s’eleveraient donc a 400,000 ou 500,000 hommes cote Francais, contre 300,000 du cote Russe.

 

Le sergent Oudiette ajoute a ses notes que, lorsqu’il parvient a Elbina le 22 Decembre, des 217 officiers, sous-officiers et soldats composant la 1ère compagnie du 1er régiment de fusiliers-grenadiers, 22 seulement ont survécu. En plus d’une trentaine de tues au combat, 168 hommes de sa compagnie sont ‘restes en arrière’ et ont ainsi disparu entre le 15 Novembre et la mi Décembre, morts de froid, de faim, de fatigue ou achevas par les Cosaques.

 

 

Les Russes reprennent la ville de Brest Litovsk le 26 Decembre 1812, puis c’en est fini de la Grande Armée. Berthier, ministre de la guerre sous Napoleon, conclut son rapport pour Napoleon: La Grande Armée n’existe plus…

 

Le Calvaire n’est pas encore terminé pour les rescapés: les blessés encombrent les hôpitaux de l’Est de la Pologne jusqu’au Sud de la France, et le docteur Mauricheau-Beaupré résume les maux dont souffres les soldats restants ainsi : "Des mutilations aux pieds et aux mains, la perte du nez, d'une oreille, la faiblesse de la vue, la surdité complète ou incomplète, des névralgies, des rhumatismes, des paralysies, des diarrhées chroniques, des affections de poitrine, rappellent plus vivement encore, à ceux qui portent ces douloureux souvenirs, les horreurs d'une pareille campagne".

 

 

Carte de la retraite:

 

https://imgur.com/a/EwAxa4l

 

 

La suite: guerre de la 6e coalition, chute de l'empire

 

Au final, la retraite de Russie condamne l’empire et l’empereur.

 

Tout d'abord, elle montre aux nations Européennes que Napoleon n'est pas invincible. Jusque la, Napoleon a vaincu 4 coalitions de nations européennes, et 55 batailles sur les 60 ou il était le commandant en chef sur le champs de bataille, ce qui lui octroie une reputation de génie militaire. Apres cette deroute, les nations Européennes voient une nouvelle chance de vaincre L'empereur de France, et forment une nouvelle coalition seulement 2 mois après la fin de la retraite, qui inclura cette fois la Grande Bretagne, la Prusse, la Russie, l'Autriche, certains duchés Allemands et la Suede. 

 

La retraite de Russie décime toutes les meilleures unites de l'armée Francaise, y compris la garde de l'empereur par exemple, ainsi que le materiel de campagne militaire: chariots pour le ravitaillement, pieces d'artillerie etc... On voit donc une vraie similitude avec la perte de la 6e armée Allemande lors de la bataille de Stalingrad, puisque cette armée comprenait également toutes les meilleures unites de le Wehrmacht difficilement remplaçable. 

 

Lors le la guerre de la 6e coalition qui se déclenche en 1813, Napoleon remporte bien quelques victoires militaires, mais il connait deux défaites importantes a l'automne 1813 a Leipzig et Kulm, qui galvaniseront les puissances européennes pour lancer une dernier assaut sur le Nord de la France lors de l'hiver 1813/14. Napoleon est finalement vaincu en Mars 1814, et exile a l'Ile d'Elbe. 

 

 

DISCUSSION SUR L'INFLUENCE DE L'HIVER SUR CETTE CATASTROPHE MILITAIRE:

 

L'hiver a certes été tres rude, mais il n'est pas la premiere cause de la déroute. Comme pour Hitler en 1941, la cause principale provient du fait que Napoleon a massivement sous estimé son adversaire, et la volonté des Russes a résister a la volonté de Napoleon. 

 

Le plan de Napoleon était initialement d'engager les Russes dans une ou deux batailles décisives, de les vaincre a plate couture, de capturer Moscou puis de forcer le Tsar a faire la paix sur des termes favorables a la France. Les choses sont difficiles des le debut lorsque les Russes brulent les stocks de nourriture et de vivres, ce qui cause de la malnutrition parmi les troupes françaises. Napoleon n'en revient pas lorsque les Russes incendient Moscou, détruisant ainsi tous stocks de nourriture et 90% des bâtiments de la ville. Il est alors debut Octobre, Napoleon est coince a Moscou et l'armée Francaise n'a plus suffisamment de vivres ou de logis pour passer l'hiver au chaud alors que l'armée Russe attend a la sortie de la ville et que les partisans russes attaquent toutes les tentatives de ravitaillement Francais. Il est donc force de se replier sur Smolensk, ou la non plus les ravitaillements n'ont pas réussi a atteindre la ville. Il est alors force de se retirer vers l'Ouest avec une armée affamée qui n'a plus le moral. 

 

La geography Russe (territoire énorme a une époque ou l'armée se déplace a pied, il y a plus de 1000km entre la frontière polonaise et Moscou) ainsi que la météorologie enfoncent le clou dans le cercueil. Finalement, Napoleon a fait la meme erreur qu'Hitler 130 ans plus tard. 

 

En revanche, le debut d'hiver tres froid, notamment au mois de Décembre, transforme la retraite en veritable déroute historique, et acheve de nombreux soldats (sans doute plusieurs dizaines de milliers de morts de froid). Les survivants sont par la suite hors d'état de combat du aux sequels. Ainsi, l'hiver rigoureux contribuer a annihiler la Grande Armée, et a prive Napoleon de ses meilleures unités qui lui avaient permis de gagner tant de batailles auparavant. 

 

 

 

DISCUSSION CLIMATOLOGIQUE:

 

Il y a effectivement des désaccords entre les valeurs de froid reportées par les contemporains de la Grande Armée ou celles avancées par Arago et Minard puis reprises par la majorité des Historiens. Lorsque je m’étais penché sur l’hiver 1941/42 sur le front de l’Est, j’avais deja remarqué des rapports de généraux Allemands a l’état major faisant état de températures proches de -50 degres, bien plus froides que celles réellement observées (plutôt autour de -25 a -35 pendant les périodes les plus froides).

 

Par chance, un chercheur de l’université de Vilnius m’a envoyé les relevés de temperatures moyennes journalières pour l’observatoire de Vilnius pour cet automne / hiver, ce qui permet de determiner ce qui c’est réellement passe lors de cette fin de campagne de Russie.

 

Voici a quoi ressemble la chronologie des événements superposée aux observations de TM a Vilnius (pres de 800km plus a l’Ouest par rapport a Moscou, et 450km a l’Ouest de Smolensk).

 

echelle a gauche en dixièmes celsius. les valeurs en bleu sont les valeurs reportées par Minard et Arago dans leurs travaux.

 

image.thumb.png.b50a065afad1101c3e5764d8bd295ac0.png

 

A noter que ces valeurs sont les TM et non pas les TN, qui auraient été plus froides.

 

Clairement, meme en tenant en compte que les observations de la campagne étaient faites plus a l’Est ou il aurait pu faire plus froid de plusieurs degres, les contemporains, puis les scientifiques tels que Arago ou Minard, ont amplifié le mythe en exagérant quelques peu l’intensité du froid.

 

1/ Les chutes de neige lorsque l’armée française quitte la ville de Moscou étaient tout a fait possibles, cette ville se situant tout de meme 800km a l’Est par rapport a Vilnius. Minard indique une temperature alors autour de 0 degres, donc plusieurs jours avec des chutes de neige tenant parfois au sol, dans une situation avec un blocage et une goutte froide se baladant sur la Russie, semble probable, d’autant que les sources s’accordent toutes a parler de neige tenant au sol a cette période.

 

2/ Meme en prenant en compte quelques degrés de moins pour Smolensk, il est tres peu probable que la temperature ai atteint -20 degrés debut Novembre, et peu probable mais pas impossible d’avoir atteint les -15 degrés, compte tenu des TM observées a Vilnius

 

Ceci dit, en regardant les valeurs du 20e siècle pour novembre, finalement on se rend compte que, meme si ces valeurs sont sans doute un peu exagérées, il est plausible que l’ordre de grandeur soit correct:

 

 

 

TN Smolensk (dps 1946)

30/11/1992

-248

22/11/1998

-231

30/11/1998

-219

28/11/1957

-214

27/11/1989

-205

26/11/1999

-204

24/11/1998

-201

25/11/1999

-198

28/11/1967

-197

18/11/1965

-195

25/11/1965

-195

22/11/2001

-194

24/11/1965

-190

25/11/2004

-190

22/11/1946

-189

23/11/1998

-189

12/11/1951

-188

21/11/1998

-188

20/11/1993

-187

26/11/1989

-186

17/11/1965

-185

29/11/1992

-184

16/11/1951

-182

29/11/1989

-182

24/11/1988

-181

15/11/1968

-180

 

 

 

TN Vilnius dps 1900

19/11/1919

-225

21/11/1998

-197

22/11/1998

-194

15/11/1908

-186

30/11/1909

-181

9/11/1901

-180

16/11/1908

-176

26/11/1989

-174

23/11/1998

-174

17/11/1968

-173

21/11/1993

-170

18/11/1919

-169

14/11/1919

-165

28/11/1922

-163

30/11/1998

-160

 

On voit qu’a Vilnius, on a eu des coups de froid mi novembre en 1919, 1908 ou 1901 qui ont vu des TN pas loin de -20. Plus a l’Est, a Smolensk, ou l’armée se trouvait, on n’a pas de données pour ces années la, mais les mois de Novembre 1998 et 1989, qui avaient vu des TN similaires au mi-novembre de 1919, 1980 ou 1901 a Vilnius, ont effectivement connu des TN inférieures a -20 a Smolensk, avec les mi Novembre 1965 et 1951 pas loin derriere pour Smolensk toujours

 

 

D’un point de vue synoptique pour 1812, si il y avait effectivement eu de fortes chutes de neige qui ont tenu au sol vers Smolensk mais pas a Vilnius, lors d’une situation de conflits de masses d’air avec une depression bien creuse bloquée sur la Biélorussie ou la Lithuanie par exemple, alors une ou deux pointes en dessous de -15 ne seraient pas impossibles meme debut novembre du fait de l’effet d’une forte couche de neige sur les temperatures.

 

Je ne crois absolument pas aux -26 a -28 degrés au moment de quitter Smolensk mi Novembre, mais je veux bien croire qu’il ait fait tres froid, avec des valeurs a -20 degrés tout a fait possible (cf les TNN de Smolensk depuis 1946 en Novembre données plus bas). Un autre indice interessant est que le maréchal Ney a réussi a faire passer ses 1200 troupes sur le Dniepr gelé, preuves que les temperatures dans cette region étaient effectivement plus froides qu’a Vilnius. Le Dniepr fait environ une centaine de metres de large tout de meme au niveau de Orsha, donc il a bien du y avoir plusieurs jours de grads froid pour le faire geler en profondeur….

 

De manière générale, je dirais que  l’hypothèse d’un blizzard debut Novembre fait sens pour moi, avec le scenario expliqué ci dessus d’un redoux arrivant par l’ouest avec une depression qui reste bloquée sur la Biélorussie ou la Lithuanie, garantissant de fortes chutes de neige sur Smolensk par des temperatures bien plus froides que le redoux observe a Vilnius. Des TN a -15 ou meme -20 entre debut et mi Novembre auraient été probables, et les differences de temperatures entre Smolensk et Vilnius auraient été assez fortes par de telles conditions.

 

3/ Je ne me prononcerai pas sur les -25 degres du lendemain de la Berezina (cette journée etait aussi tres froide a Vilnius, et il est possible qu’une nuit claire 300km plus a l’Est ai donne une temperature bien plus glaciale a cette période de l’année).

 

4/ Si je pense que les valeurs proche de -40 degres sont peu probables debut Decembre, on ne devait pas en être tres loin non plus si on considère les temperatures légèrement au dessus du sol (et pas sous abris). Pour une estimation des  T2m, les -30 degres localement ne font guère de doute pour moi, vue les TM a -20 ou -24 degres dans le centre de Vilnius. Rappelons qu’en hiver, les temperatures peuvent varier grandement selon la couche neigeuse ou couverture nuageuse, et donc meme si je ne pense pas qu’on ai atteint -40 degres a 2m du sol sous abris, des -40 degres a 50cm du sol par nuit claire ne peuvent pas êtres exclus.

 

5/ la TM pour ce mois atteint -12.2 degrés a Vilnius, ce qui est environ 10 degrés en dessous des normes actuelles et plus de 8 degrés en dessous des normes de l’époque. Effectivement, les données journalières montrent que le froid extrême persiste jusqu’a la fin Décembre a Vilnius. Ces relevés sont valides par d’autres TM mensuelles en Europe, dont voici un resume avec le classement de Décembre 1812 au rang des plus froids:

 

Vilnius: TM -12.2 degrés, 8-9 degrés en dessous des normes, classement indisponible.

Copenhague: TM -3.4 degres, 2e Dec le plus froid depuis 1800.

Stockholm: TM -6.5 degres, 7e plus froid depuis 1756

Berlin: TM -7.3 degres, 3e Dec le plus froid depuis 1750

Munich: TM -5.8 degres, 12e Dec le plus froid depuis 1780

Stuttgart: TM -4.5 degrés, 3e Dec le plus froid depuis 1792

Prague: TM -7.3 degres, 9e December le plus froid depuis 1775

Vienne: TM -4.8 degrés, 10e Dec le plus froid depuis 1775

Bale: TM de -4.7 degrés, 8e Dec le plus froid depuis 1755

Strasbourg: TM -5.0 degres, 2e plus froid derrière 1879 et a égalité avec 1890!

De bilt: TM -2.3 degres, 10e Dec le plus froid

Paris: TM -1.0, 10e Dec le plus froid depuis 1757

Edinbourg: TM 1.6 degrés, froid mais pas exceptionnel.

 

Le pic de froid en Europe aurait donc été pour les regions allant de la Russie a la Scandinavie et le Nord de l’Europe Centrale (exceptionnel a Berlin, Stuttgart et Strasbourg, mais il l’est moins a Munich, Prague, Vienne, ou plus a l’ouest a De Bilt et Paris

 

Dans tous les cas, le mois de Décembre 1812 fut l’un des mois de Décembre les plus froids de ces derniers siècles en Europe de l’Est jusqu’a l’Est de la France, donc imaginer des conditions hivernales tres difficiles dans la steppe Russe n’est pas non plus un grand pas a franchir.

 

 

6/ Etude plus détaillée sur les TNN récentes dans les regions en question:

 

 

A regarder les TNN les plus basses pour les villes de Vilnius et Smolensk (depuis 1900 et 1946 respectivement), on retrouve pas mal de valeurs du meme acabit:

 

DATE

TN Vilnius

1940 01 10

-372

1940 01 17

-372

1940 01 16

-362

1956 02 01

-358

1956 01 31

-351

1929 02 08

-349

 

DATE

TN Smolensk

1956 01 31

-379

1956 02 01

-368

1956 02 06

-367

1959 12 07

-352

1978 12 31

-351

1978 12 30

-344

1956 01 30

-335

1987 01 06

-330

 

A noter qu’Il manque donc les données de 1942 a Vilnius, ainsi que celles des hivers records 1940, 1942, 1935 et 1929 a Smolensk par exemple.

 

Je ne trouve plus les valeurs pour Minsk mais cette ville aurait atteint -40.2 degrés en Janvier 1940 par exemple.

 

En ce qui est de la saison, on peut remarquer que la plupart des valeurs records ci dessus ont été atteintes au coeur de l’hiver, et non pas debut Decembre. Cependant on a tout de meme un -35 degrés a Smolensk le 7/12/1959. Si le tres grand froid est rare en Europe fin Novembre / au debut du mois de Decembre, il faut noter qu’il reste tout a fait possible, comme l’on montré les hivers 1788/89 (-16 degrés a Paris fin Novembre), Decembre 1871 (-21 a Paris debut Decembre), 1879/80 (-23.9 a Paris debut Decembre), 1890/91 (-14 degrés a Paris fin Novembre)…

 

En fait, la rareté vient de deux choses: les reserves d’air tres froid en Siberie et Arctique sont bien moins importantes que plus tard dans l’hiver, et le vortex polaire est en moyenne hyper concentre en Novembre /Decembre, limitant les situation synoptiques pouvant apporte un tel froid par rapport au milieu ou surtout a la fin de l’hiver (le mois de Mars est finalement le plus propice aux synoptiques extremes a VDF en Europe).

 

Ceci dit, quand ca fait mouche, le potentiel est tout a fait aussi important qu’en milieu d’hiver, et 1812 fut a mon avis un de ces exemples. Ajoutons a ca qu’on se trouvait alors au coeur du PAG, donc facile d’imaginer 1-2 degrés en moins par rapport aux valeurs du 20e siècle.

 

 

Regardons les TM maintenant, avec les 20 journées les plus froides depuis 1900 (1942 manquantes)

 

DATE

Vilnius TM DPS 1900

19400116

-336

19560131

-319

19410103

-303

19400109

-300

19400110

-290

19410102

-289

19560201

-288

19290209

-283

19781230

-283

19410101

-282

19400117

-279

19540131

-271

19560208

-270

19290206

-268

19870111

-268

19400108

-267

19410104

-264

19540130

-264

19070121

-262

19290207

-262

19870107

-261

19400206

-260

19420124

-260

19420122

-259

19560130

-259

19870105

-258

19870110

-258

20030107

-257

19290210

-251

19400107

-251

20060120

-251

19410121

-250

 

On voit donc que les TM les plus froides de 1812 n’auraient pas atteint le top 20 depuis 1900. Il est donc peu probable que les T2m relevées dans des conditions d’aujourd’hui seraient tombées en dessous de -30 a l’observatoire de Vilnius.

 

 

Maintenant les 20 journées les plus froides depuis 1946 et jusqu’a 2009: les valeurs les plus froides de Dec 1812 auraient été au niveau de la 20e valeur en gros.

 

 

Vilnius TM DPS 1900

31/1/1956

-319

1/2/1956

-288

30/12/1978

-283

31/1/1954

-271

8/2/1956

-270

11/1/1987

-268

30/1/1954

-264

7/1/1987

-261

30/1/1956

-259

5/1/1987

-258

10/1/1987

-258

7/1/2003

-257

20/1/2006

-251

11/2/1956

-249

31/12/1978

-248

26/1/1951

-246

27/12/1996

-246

18/1/1963

-243

30/1/1970

-243

11/2/1985

-243

7/2/1956

-240

 

En revanche, lorsqu’on regarde le top 20 des journées les plus froides a Smolensk depuis 1946, on voit que les journées y sont plus froides qu’a Vilnius: la temperature moyenne des 20 journées les plus froides a Smolensk est plus froide d’environ 3 degres que celle de Vilnius. C’est une observation importante pour estimer les conditions debut Novembre et mi Novembre au moment de quitter la ville: les temperatures ont clairement été plus froides vers Smolensk que vers Vilnius, et a mon avis la difference était meme plus forte que 3 degres.

 

DATE

TG

19560131

-343

19781231

-330

19560206

-322

19781230

-320

19560130

-309

19591207

-307

19500110

-295

19560201

-294

19591206

-291

19560205

-288

20060119

-287

19870106

-285

19680109

-279

20060120

-277

19500108

-276

19870108

-273

19670123

-272

19500111

-270

19660204

-268

20030107

-267

 

 

7/ Les observations des effets du froid.

 

-10 a -15 degrés, c’est largement suffisant pour causer une hécatombe de morts par hypothermie pour un groupes d’hommes épuisés, pas nourris etc… Mais en lisant les observations des médecins de la campagne, les observations de perte des facultés auditives ou visuelles semblent indiquer un froid largement plus intense. La perte de la vue et la description des yeux ensanglantes, c’est en gros parce que le froid a gelé les vaisseaux sanguins et la cornée. Il faut donc une exposition longue dans des conditions vraiment exceptionnelles. A mon avis ca renforce la probabilité de temperatures extremes

 

 

 

 

CONCLUSIONS PERSONNELLES:

 

Mes conclusions personnelles sur les situations météorologiques et synoptiques qui aurait pu concerne Napoleon et sa Grande Armée lors de la retraite de Russie en 1812:

 

Si les observations sont bien sur largement moins précises de manières générales par rapport a ce dont on dispose aujourd’hui, je pense qu’elles permettent tout de meme de se faire une idée plutôt precise de ce qui a pu se produire:

 

-Une premiere descente froide mi Octobre avec des chutes de neige jusqu’a Moscou, ce qui n’est pas si rare, surtout au debut du 19e siècle.

 

-Puis un redoux typique de la Rasputitsa d’automne a la fin du mois d’Octobre, avec une fonte de la neige et des températures tres clémentes.

 

-Une forte tempête de neige le 3/4 Novembre, avec pas mal de vents de Nord a Est, et suivie a l’arrière par une premiere période froide durant la quelle il est probable que les temperatures soient descendues en dessous de -10, possiblement plus bas que -15 degres, mais pas sur qu’on ai atteint les -20 degres et impossible d’avoir atteint les -26 degres contrairement aux récits d’époques. En tout cas c’était suffisant pour geler le Dniepr vers Orcha…

 

-Un redoux bref de quelques jours a la fin de la 2e decade de Novembre juste avant l’arrivée a la Berezina, avant un nouveau refroidissement progressif lors de la bataille de la Berezina. Les temperatures tombent rapidement le 29 Novembre, possiblement jusqu’a -15 ou -20 degrés.

 

-Un gros refroidissement debut Decembre, ou les temperatures seraient presque assurément descendues autour de -30 degres, possiblement moins. Le blocage perdure pendant tout le repli vers Konigsberg et meme jusqu’a la fin Decembre, et impacte cette fois ci toute l’Europe jusqu’a la France.

 

 

D’un point de vue synoptique, La VDF de Novembre/Dec 1812 fut sans doute une synoptique classique des grands hivers, avec un anticyclone sur la mer de Barents qui pilote les masses d’air de Siberie vers l’Est de l’Europe, avec plusieurs intrusions froides debut / mi Novembre puis fin Novembre / debut Decembre. Ces doublets ne sont pas si rares: 1956, 1985, 1987, 1940, 1942, 1929 ont toutes connu au moins deux pics de froids exceptionnels a l’Est par exemple. Des hautes pressions forment ensuite un blocage sur le Nord de l’Europe et le temps froid perdure plusieurs semaines en Décembre avant un redoux en toute fin de mois.

 

C’est donc toute l’Europe qui a grelotte en cette fin d’année 1812, dans un episode de froid peu commun pour la saison meme en plein coeur du PAG, avec les anomalies les plus fortes de la Russie a l’Est de la France.

 

 

 

 

 

Modifié par Hugo_HK
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  • Hugo_HK changed the title to Il y a 210 ans jour pour jour... Le debut de la retraite de Russie!

Salut a tous, j'ai édité le titre du topic, puis le contenu pour faire part de ma dernière etude sur la retraite de Russie. En plus d'observations relatées dans les travaux d'Arago dans ses oeuvres completes, et de Minard, un ingénieur Francais, en 1869, un professeur de l'université de Vilnius a partage les relevés de TM de l'observatoire de Vilnius pour cet automne / debut d'hiver 1812 ce qui permet d'estimer les valeurs de températures rencontrées et peut être meme les synoptiques qui ont du se produire a l'epoque. 

 

J'ai mis les observations météos en couleur, il y a une partie intitulée 'CLIMATOLOGIE' a la fin ou je discute des valeurs reportées, de leur crédibilité et des temperatures qu'on aurait pu observer avec les normes d'aujourd'hui. K'ai aussi inclus des representations artistiques (tableaux etc) du 19e siècle retraçant les batailles et la retraite dans les conditions tres difficiles (plus de tableaux sur les liens imgur). 

 

Bonne lecture!

  • Merci 2
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Posté(e)
Avroult à 15 km au SW de St Omer - 145 m d'altitude

bonjour

 

très intéressante analyse de l'impact du climat sur l'histoire

bravo pour ce travail

Napoléon avait toutes les chances de perdre, j'ai lu que son armée vivait de razzia  et de pillage alors que l'intendance était réduite au minimum

les Russes le savaient et ont organisé la politique de la terre brulée

il faut y ajouter les distances immenses à parcourir à pied  pour la plupart des soldats, en pleine vague de froid précoce,  et l'intelligence du Général Koutousov  du harcèlement des troupes Françaises 

j'ai lu également que Napoléon n'était pas très motivé et intéressé par les conditions météorologiques quand il faisait campagne , en Russie çà ne pardonne pas..
 

on voit bien que dans ce cas, il a clairement manqué de lucidité et a fait tout à l'envers

et en plus il s'est payé un début d'hiver précoce et très froid ..

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27 minutes ago, Ghislain62 said:

bonjour

 

très intéressante analyse de l'impact du climat sur l'histoire

bravo pour ce travail

Napoléon avait toutes les chances de perdre, j'ai lu que son armée vivait de razzia  et de pillage alors que l'intendance était réduite au minimum

les Russes le savaient et ont organisé la politique de la terre brulée

il faut y ajouter les distances immenses à parcourir à pied  pour la plupart des soldats, en pleine vague de froid précoce,  et l'intelligence du Général Koutousov  du harcèlement des troupes Françaises 

j'ai lu également que Napoléon n'était pas très motivé et intéressé par les conditions météorologiques quand il faisait campagne , en Russie çà ne pardonne pas..
 

on voit bien que dans ce cas, il a clairement manqué de lucidité et a fait tout à l'envers

et en plus il s'est payé un début d'hiver précoce et très froid ..

 

Oui effectivement, mais c'était le cas de beaucoup d'armees a l'époque. Les Britanniques faisaient pareil par exemple.

 

En fait il était impossible de transporter suffisamment de nourriture pour 500,000 hommes sur 1000km avec les moyens de l'époque... Donc ils en transportaient un peu mais c'était loin d'être assez, et pour le reste ils achetaient ou pillaient. c'était meme deja un problème des le mois de Juillet!

 

Pendant les campagnes militaires en Inde par exemple, les Indiens (Mahrattas, Mysoriens, Mughals) ont aussi pratique la terre brûlée, mais pas avec beaucoup de succès. A noter que les armées Indiennes, elles aussi, pillaient les paysans du coin...

 

 

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