La reconstruction de Mann figure dans le rapport de l'AR4 au côté de tous les autres efforts de quantification développés depuis le TAR.
Il y a principalement 2 types de problèmes :
1) obtenir des reconstructions de température locale à partir de différents proxies et déterminer la fiabilité de ces reconstructions (signal annuel ou saisonnier? validité de la calibration obtenue sur la période instrumentale auparant? artefacts à l'échelle de plusieurs siècles? effets combinés précipitations / température?);
2) agglomérer de manière intelligente ces reconstructions locales pour estimer une température moyenne d'une grande zone (continents de l'hémisphère nord, hémisphère, globe).
Je pense que Mann a fait un travail pionnier à partir des données disponibles à la fin du 20ème siècle, et qu'il a fait un travail soigneux d'estimation de la barre d'erreur.
Le travail de Moberg est loin d'être abouti, c'est plutôt une tentative assez astucieuse de combiner des proxies qui n'ont pas une résolution annuelle mais pour lesquels on estime qu'ils préservent bien les varaitions lentes de la température (ex : données lacustres, paléocéanographiques) avec des proxies à résolution annuelle (ex : cernes). Le jeu de données utilisées dans son article de Nature est biaisé vers le secteur "Atlantique nord".
Pour ma part, je pense qu'il faut obtenir de meilleures reconstructions climatiques locales, dans de grandes régions pour améliorer notre compréhension de l'amplitude des changements climatiques passés. Nous manquons de reconstructions quantitatives en région tempérée (où la dendrochronologie classique fonctionne mal car plusieurs facteurs affectent la croissance du bois), et surtout en région tropicale, pour le dernier millénaire. Le dernier rapport du GIEC illustre cela en montrant la carte des différentes archives utilisées pour le dernier millénaire pour différents intervalles de temps...
Je souhaite également qu'on se débarrasse une fois pour toutes des idées reçues "européo-centriques" sur le "Petit Age de Glace" ou "l'Optimum médiéval", car ces termes suggèrent que les changements sont similaires à toutes les latitudes ("global") ce qui n'est pas systématiquement le cas. On a ainsi détecté (dans la limite de nos proxies) une période chaude "médiévale" en Antarctique mais ~150 ans après la période chaude "médiévale" du secteur nord atlantique.
En ce qui concerne la cause des variations climatiques au dernier millénaire, 3 facteurs se superposent :
- facteurs anthropiques (usage des sols, aérosols, gaz à effet de serre) qui deviennent dominants depuis qq décennies en terme de forçage radiatif, sans ambiguité;
- facteurs radiatifs naturels (forçage solaire, volcanique); le forçage solaire a été récemment revu à la baisse par le groupe de J. Lean à l'échelle séculaire (fonctionnement étoiles); on observe une relation nette mais complexe entre éruptions volcaniques majeures et températures (complexe = différente selon les régions et les saisons);
- variabilité interne du système climatique (couplage océan-atmosphère).
Plusieurs efforts de construction de nouvelles séries de forçages et de nouvelles séries de reconstructions sont en cours (voir par ex PAGES Newsletter sur les forçages, sur le climat en Amérique du sud par ex). En France J. Guiot (CEREGE) coordonne un gros projet ANR dans cette direction.