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Situation météo de l'épisode méditerranéen de Septembre 2002


Lou13
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Compte-rendu issue du site "Météonew"

INTRODUCTION

Du 8 au 9 septembre 2002, un épisode de pluies diluviennes frappe le Languedoc, dans le Sud de la France. Dans la nuit du 8 au 9, des pluies violentes et abondantes gonflent les cours d'eau qui débordent rapidement, provoquant des inondations, des coulées de boue, et des dégâts d'une ampleur exceptionnelle. Le département du Gard est cruellement touché, ainsi qu'une partie de l'Hérault et du Vaucluse. Quelques jours plus tard, l'état de catastrophe naturelle est déclaré pour ces départements sinistrés.

Durant cette nuit du 8 au 9 septembre, la pluie atteint son paroxysme : sur le flanc des montagnes cévenoles et de l'Aigoual, la catastrophe prend une ampleur tout à fait exceptionnelle. Dans le Gard, il est tombé jusqu'à 687 mm à Anduze en 24h à peine (1 mm de pluie est équivalent à 1 litre d'eau par m²). Des rivières au débit habituellement faible se métamorphosent en véritables torrents causant des crues meurtrières : les inondations ravinent les routes, emportent les ponts, les lignes de chemin de fer ; les coulées de boue envahissent les maisons, les usines...

La presse témoigne de ce qui devient vite une véritable catastrophe nationale ; les gros titres sont on ne peut plus évocateurs : "La tragédie" pour le Midi Libre, ou encore "Déluge meurtrier" pour La Provence.

Ce dossier a pour but de vous faire comprendre ce qui s'est passé ces 8 et 9 septembre 2002, au travers des valeurs mesurées et d'une analyse de la situation météorologique. Nous verrons si le phénomène avait été prévu et dans quelle mesure, ainsi que les enseignements que l'on peut en tirer. Bonne lecture !

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1 - LES VALEURS DE PRECIPITATIONS RELEVEES ET LES FAITS

Des épisodes de pluie surabondantes par leur intensité, leur extension, leur durée ou leur succession rapprochée affectent régulièrement le pourtour méditerranéen. C'est ainsi que 119 épisodes (Corse exceptée) produisant au moins 190 mm en 24h ont été répertoriés entre 1958 et 1994. Antérieurement à 1958, il faut citer l'épisode de pluies intenses du 16 au 20 octobre 1940 qui dévasta le Roussillon et une partie de la Catalogne espagnole. Cet épisode totalisa 1930 mm en 5 jours, avec un record national de pluie en 24h de 1000 mm enregistrés le 17 octobre 1940 à La Llau.

Concernant le Gard et durant ces 100 dernières années, on retiendra la catastrophe de Nîmes le 3 octobre 1988 avec 420 mm, l'automne 1958 avec la succession de 2 épisodes pluvieux intenses en quelques jours faisant 35 à 40 victimes, la nuit tragique du 5 au 6 novembre 1963 où de fortes pluies se sont abattues 5 jours seulement après un épisode cévenol ayant eu lieu à la Toussaint (près de 700 mm sur le Massif de l'Aigoual), et sans oublier le record historique de 950 mm du 29 septembre 1900 à Valleraugue au pied du Mont Aigoual.

De tels épisodes de pluies intenses ont généralement comme origine des situations de vents de sud provoquant des remontées d'air méditerranéen chaud et humide. Ces situations sont, suivant leurs caractéristiques (position de la dépression), qualifiées ou non d'épisodes cévenols.

Historiquement, l'expression "épisode cévenol" se dit d'une situation météorologique caractérisée par des vents de sud chargés d'humidité, soufflant pendant une longue période vers les versants sud du Massif Central au voisinage desquels se déversent de grandes quantités d'eau. Ces précipitations sont le plus souvent d'intensité modérée mais compte tenu de leur durée, elles génèrent des cumuls importants sur les départements du Languedoc. Par extension, le terme épisode cévenol est employé pour désigner les situations à fortes précipitations dans le Sud-Est du pays, précipitations provoquées la plupart du temps par des orages violents, parfois localisés, sans qu'il y ait eu forcément influence directe du relief cévenol.

Ci-dessous un tableau résumant les événements majeurs de ce dernier siècle dans le Gard et le Sud-Est.

Quelques épisodes majeurs ayant touché le Gard dans le passé

20 et 21 septembre 1890

Gard, Lozère

A Valleraugue, au pied du massif de l'Aigoual, l'observateur a relevé 828 mm en 24h.

29 septembre 1900

Gard, Hérault

Fin septembre 1900, les régions méridionales ont été touchées par un épisode pluvieux très actif, qui sur les Cévennes a connu son paroxysme les 28 et 29. A Valleraugue (au pied du Mont-Aigoual) le 29 septembre un terrible orage déverse 950 mm en environ 10h

. Débordement historique de l'Hérault.

Automne 1958

Gard, Hérault, Ardèche, Vaucluse

2 épisodes successifs (les 29/30 septembre et les 3/4 octobre) ont donné chacun de 200 à 300 mm en 24h.

Automne 1963

Ardèche, Lozère, Gard

Du 30 octobre au 5 novembre, on a relevé plus de 500 mm dans ces 3 départements, avec 832 mm au Mont-Aigoual (1567m) dont 621,1 mm en 24h !

3 octobre 1988

Gard

Catastrophe de Nîmes. 420 mm en 6h

.

6, 7 et 8 novembre 1982

Languedoc-Roussillon, PACA et Corse

Catastrophe majeure dans le Sud-Est. 300 à 400 mm dans le Gard, plus de 600 mm sur les Pyrénées Orientales, plus de 500 mm sur les Cévennes. Tempête en Méditerranée, la plus forte des 30 dernières années.

21 septembre 1992

Gard, Hérault, Ardèche, Drôme

Veille de la catastrophe de Vaison-la-Romaine. Plus de 300 mm sur le Gard.

Quelques épisodes majeurs ayant touché le Sud-Est dans le passé

24 au 26 octobre 1915

Pyrénées Orientales

On enregistre à l'Observatoire de Perpignan 464 mm en 59h dont 435 mm en 24h.

23 septembre 1924

Vaucluse

Dans l'après-midi du 23 septembre, un orage éclate sur Orange et sa région. La pluie tombera pendant 14h consécutives. Au total, on recueillera 288 mm sur Orange.

Octobre 1940

Roussillon

1000 mm le 17 octobre et jusqu'à 2000 mm en 5 jours !

14 et 15 décembre 1953

Corse

La nuit du 14 au 15 décembre 1953, l'observateur de Prunelli di Fium'Orbo en Corse observera 570 mm de pluie, valeur sous estimée car le pluviomètre débordait à chaque relevé !

22 septembre 1992

Vaucluse

Vaison-la-Romaine. 300 mm en moins de 6h. Débordement de l'Ouvèze.

Novembre 1993

Corse

400 à 900 mm en 36h sur toute la façade orientale de la Corse.

12 et 13 novembre 1999

Tarn, Hérault, Pyrénées Orientales, Aude

Les "fameuses" inondations de l'Aude avec plus de 600 mm en 36h à Lézignan.

1.2 - L'EPISODE CEVENOL DU 8 AU 10 SEPTEMBRE 2002

Cet épisode a principalement affecté le Gard, le Vaucluse, l'Hérault, la Lozère, et dans une moindre mesure les Bouches-du-Rhône, l'Ardèche et la Drôme. Outre certains cumuls extrêmes observés pendant cet épisode, l'importance de la superficie touchée par les fortes précipitations est exceptionnelle, les 2/3 du département du Gard ayant été affectés par des cumuls de plus de 300 mm, avec un maximum de 687 mm à Anduze. Rappelons que les normales mensuelles pour la région nîmoise sont de l'ordre de 60 à 80 mm, tandis que les normales annuelles ne dépassent pas 800 mm.

http://meteonew.free.fr/Images/evenements/inondations_gard_9sept2002/isohyetes.gif = carte des cumuls

2 - ANALYSE DE LA SITUATION METEOROLOGIQUE

2.1 - LE REGIME DE TEMPS

Les cartes ci-dessous représentent l'analyse du modèle américain AVN des géopotentiels à 500 hPa et de la pression au niveau de la mer du 5 au 10 septembre 2002. On y voit très bien la descente d'une goutte froide de l'Islande vers la Grande-Bretagne provoquée par la poussée d'un haut géopotentiel (= anticyclone d'altitude) sur l'Atlantique, et la présence d'un autre sur la Russie. Cette goutte froide est à son maximum de latitude Sud le 9 septembre, et se prolonge par un thalweg (= extension de basses valeurs) jusque vers la Catalogne. Ainsi, sur la France, un courant perturbé de SW succède à faible un régime de NW.

Rtavn00120020905.gif

Rtavn00120020906.gif

Rtavn00120020907.gif

Rtavn00120020908.gif

2.2 - ANALYSE SYNOPTIQUE DE LA SITUATION METEOROLOGIQUE

preiso_090902_12h.gif

Un anticyclone est positionné sur la Scandinavie et laisse la France soumise à un flux de sud-ouest perturbé dans lequel un front ondulant progresse lentement d'ouest en est du pays. A l'avant de ce front, des remontées d'air chaud de basses couches de Méditerranée rentrent en conflit avec de fortes anomalies d'altitude, et engendrent la formation d'orages violents, stationnaires et d'une ampleur exceptionnelle (cellules en V) sur le Sud-Est du pays du 8 au 9 septembre 2002. D'autre part une dépression à 1000 hPa se creuse de la Bretagne à la Manche et s'éloigne vers l'Angleterre en se comblant dans la journée du 9.

radar_090902_06h00.jpg

Ci-dessus, on peut voir les précipitations observées par la couverture radar de Météo-France le 9 septembre 2002 à 06 TU (soit 8h loc.), au plus fort de l'épisode. La couleur rouge correspond à des intensités de précipitations > 365 mm/h, l'orange foncé > 115 mm/h. Pendant plus de 12h, les précipitations et les orages associés se forment sur place par régénération arrière dans le Gard, c'est ce qu'on appelle une cellule en V, du fait du panache de précipitations en forme de V ainsi que du panache des nuages visible sur l'image satellite infra-rouge ci-dessous le 9 à 06h30 TU.

Les impacts de foudre que l'on peut voir ci-dessous sont concentrés dans une zone très restreinte, centrée sur le Gard, et qui correspond aux plus fortes précipitations.

http://meteonew.free.fr/Images/evenements/inondations_gard_9sept2002/impacts_densite.gif

L'animation des images radar du 8 septembre 2002 sur le Gard de 8h à 15h :

anim_radar_sept080815.gif

L'animation des images radar du 8 septembre 2002 sur le Gard de 15h à 24h :

http://meteonew.free.fr/Images/evenements/inondations_gard_9sept2002/anim_sept09.gif

2.3 - LES PLUIES DILUVIENNES DE LA NUIT DU 8 AU 9 SEPTEMBRE 2002

Pour qu'un tel phénomène puisse se produire, plusieurs éléments dynamiques sont nécessaires. Ce sont les mêmes éléments que l'on retrouve lors des inondations de l'Aude les 12 et 13 novembre 1999, ainsi que lors du drame de Pourtalès à Strasbourg le 6 juillet 2001.

Une circulation d'altitude très dynamique provoquée par la succession d'anomalies de tropopause (incursions d'air strastophérique dans la troposphère et génératrices de mouvements rotationnels appelés "tourbillon").

Une nette advection d'air chaud et humide de basses couches (16 à 18°C en theta'w au niveau 850 hPa, paramètre appelé "température pseudo-adiabatique du thermomètre mouillé", qui permet de prendre en compte la température et l'humidité d'une masse d'air ; en comparaison, on avait 14 à 15°C lors de la situation de l'Aude, et autour de 20°C lors de la situation de Pourtalès).

L'organisation d'un jet de basses couches de sud à sud-est, renforçant l'advection chaude et la convergence en surface. Cet élément semble être indispensable à la formation de cellules en V.

De l'instabilité verticale, qui se traduit par une CAPE (énergie potentielle convective disponible) élevée.

Un cisaillement vertical de vent en direction (le vent tourne du sud-est au sud-ouest en augmentant en altitude).

Une advection d'air plus froid et sec en couches moyennes.

On retrouve la plus grande partie de ces éléments sur le radiosondage de Nîmes, prévu par le modèle Arpège base 00 TU du 09/09/02 échéance 09h (source : Météo-France)/ ci-dessous

rs_nimes_09.jpg

3 - LA PREVISION

L'événement a été très bien prévu par Météo-France. Dès dimanche matin, une première carte de vigilance place 5 départements du Sud-Est en orange (niveau d'alerte 3 sur 4), à savoir le Tarn, l'Aveyron, la Lozère, l'Hérault et le Gard.

Cette vigilance est ensuite étendue à la mi-journée à 4 autres départements (Haute-Loire, Ardèche, Vaucluse, Bouches-du-Rhône).

vigilance_20020908_0558.gif

En soirée, c'est l'Ardèche qui est ajoutée en vigilance orange alors que les précipitations ont déjà débuté sur les autres départements, avec des cumuls déjà conséquents.

Puis à 01h37, dans la nuit du dimanche 8 au lundi 9, Météo-France, pour la première fois depuis le lancement de la carte il y a 1 an, place le département du Gard en niveau de vigilance rouge, alerte maximale de niveau 4 sur 4, au vu des observations (200 à 300 mm relevés) et des prévisions alarmantes (stationnarité des orages sur ce département pendant encore 10h environ).

vigilance_20020909_0137.gif

Dans ce cas, c'est l'expérience des prévisionnistes qui a permis de déclencher la première alerte, puisqu'au vu des modèles numériques de prévision, les cumuls de pluie n'atteignaient au mieux que 100 à 150 mm sur une zone très imprécise, se situant soit vers le Massif Central, soit vers la valée du Rhône, soit plus à l'est ou plus à l'ouest... Ce sont les éléments décrits ci-dessus qui ont permis d'appréhender le phénomène et en déduire des bulletins d'alerte.

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Posté(e)
Le Cailar (30) Capitale de la Petite Camargue

Je tiens à te tirer mon chapeau pour ce post. Certes ces infos n'ont pas été construites par toi-même et ont été tirées de site mais bravo. J'ai toujours voulu creer un dossier comme celui-ci en expliquant en détails la nature, la violence et les conséquences de ces épisodes cévenols qui nous frappent assez régulièrement. Mais par manque de temps et de connaissances, je n'ai jamais osé creer cela.

Je pense que c'est important d'informer les gens qui ne sont pas de notre région de la violence de ces phénomènes car je pense que peu de gens se rendent réellement compte de la violence des précipitations à caractère continu sur plusieurs heures observées sur le relief des Cévennes. Comme j'ai toujours dit de toute façon il faut le vivre pour le croire. Ceux qui n'ont jamais vu un épisode cevenol ne peuvent pas comprendre.

Pour ma part, je me souviens (et je me souviendrais toujours) que mon voisin agriculteur n'avait relevé que seulement 47 mm sur l'épisode. Difficile de croire qu'une cinquantaine de kilomètres au Nord plus de 500 mm ont étés enregistrés et difficile d'imaginer la vague d'eau qui nous a submergé alors qu'on avait reçu un très maigre 47mm.

Je me souviendrais aussi toujours du bruit de la digue d'une petite rivière (le Rhôny vieux) qui se remplissait de l'autre côté par els eaux du Vidourle et qui a cédé sous la pression de l'eau. Et le bruit de la vague qui arrivait à toute allure alors que je me situe qu'à 500m à vol d'oiseau de la digue. L'eau qui montait à vue d'oeil, pas le temps de monter les meubles, juste assez de temps pour monter à l'étage. Les pompiers qui viennent nous chercher en bateau (et avec le recul) on se rend réellement compte des risques qu'ils nous ont fait prendre en étant à 4 à tenir le bateau qui portait les femmes et les enfants dans 1 mètres 50 à 1m80 d'eau et avec un courant monstre.

Désolé du blabla mais je ne peux m'empêcher de repenser à tout cela. Des souvenirs (bons ou mauvais) pleins la tête. Ces inondations resteront à jamais gravé.

Merci, franchement. default_thumbup.gif

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