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Evolution du climat et extinction des espèces


charles.muller
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Le spectre de l'extinction des espèces resurgit avec un travail de Camille Parmesan. Ou l'on vérifie qu'au moins une espèce n'est pas menacée : le serpent de mer climato-médiatique...

Dans une nouvelle étude, Camille Parmesan collecte 866 monographies sur la réponse des espèces au climat, dont 40% parues entre 2003 et 2006. Les trois-quarts du papier constatent ce que constataient déjà les précédentes méta-analyses : des modifications phénologiques liées au réchauffement, c'est-à-dire la réponse normale de la vie à un changement de milieu. Qu'une population modifie les événements de son cycle de vie indique qu'elle s'adapte, et c'est donc une bonne nouvelle pour cette population.

Mais Parmesan précise : "Les espèces à habitat limité, particulièrement polaires et de haute montagne, montrent de sévères contractions et ont été parmi les premiers groupes où des espèces entières ont disparu en raison du récent changement climatique".

Cela, c'est nouveau, et inquiétant.

Le chapitre "Extinction" de ce texte est censé justifier cette affirmation de l'abstract, réitérée en conclusion. Mais hélas, ou plutôt heureusement en l'occurrence, les extinctions rapportées au changement climatique ne sont pas au rendez-vous.

- MANIP 1 : Sont mentionnées comme éteintes à cause du changement climatique 67% des espèces de grenouilles arlequin des montagnes du Costa Rica. FAUX. Ces espèces, comme bon nombre d'amphibiens dans le monde hélas, se réduisent ou disparaissent à cause de l'agent parasitaire de la famille des chytrides (Batrachochytrium dendrobatidis), qui s'est répandu depuis l'Afrique à partir des années 1960 et qui a été identifié à la fin des années 1990 seulement. Le responsable de la disparition des atélopes d’Amérique centrale est donc l’introduction par l’homme de cet agent pathogène étranger dans un nouveau milieu pourvu de populations cibles. (L'homme est responsable car ce sont probablement les pratiques biomédicales qui ont répandu le parasite. Le B. dendrobatidis est endémique en Afrique, où il affecte les populations de Xenopus laevis. Ces batraciens sont porteurs sains et ne manifestent pas de morbidité particulière. En revanche, les xénopes africaines sont très utilisés en laboratoires, et l’on se sert notamment de leurs tissus pour fabriquer des tests de grossesse.) Bref, le changement climatique ne joue aucun rôle dans la disparition des batraciens américains. Quand un mouton meurt de la fièvre catarrhale alors que l'été était 1°C au-dessus des normales saisonnières, personne n'a l'idée d'accuser la météo. Il en va exactement de même pour les amphibiens, dont le parasite a un spectre d'adaptation thermique bien au-delà des variations de température constatées depuis 30 ans.

- MANIP 2 : "16% des coraux" ont disparu à la suite du El Nino 1997-98. D'une part, El Nino est une oscillation naturelle dont on ne peut rattacher avec beaucoup de certitude la vigueur au réchauffement anthropique. D'autre part, si de nombreuses populations ont souffert de blanchissement massif suite à l'événement de 97-98, exceptionnel dans les annales, le texte de Parmesan ne précise AUCUNE espèce ayant disparu. Et pour cause, les références citées n'en mentionnent pas non plus, notamment Wilkinsion 2004 - Parmesan cite en fait Wilkinson 2000, mais elle ignore apparemment que le Status of coral reefs of the world a connu une nouvelle édition, et ce rapport précise seulement que des "espèces rares pourraient disparaître" suite à la répétition de tels événements El Nino. Les coraux sont assurément menacés par diverses causes à court, moyen et long termes (les cyclones, la surexploitation, la pollution, les blanchissement thermique et l'acidification), mais l'extinction annoncée pour cause de réchauffement climatique n'est pas au rendez-vous

- MANIP 3 : aucune autre extinction n'est rapportée dans ce chapitre consacré aux extinctions, mais on mentionne simplement des espèces (papillon parnasse et pikas, ours blanc, manchot empereur) dont l'habitat se modifie rapidement et que l'on considère comme menacées - espèce déjà mentionnées ailleurs, de sorte que l'on comprend difficilement le sens de la redite.

En fait, qu'en est-il a juste de ces dernières espèces menacées ? Prenons deux exemples dans les habitats cités comme les plus critiques (pôles et montagnes).

Premier exemple cité par Parmesan : le manchot empereur (Aptenodytes forsteri), qui est passé de 300 à 9 couples reproducteurs dans la Péninsule antarctique et s'est réduit de 50% en Terre Adélie. Chiffres apparemment inquiétants, mais qui ne signifient rien. La zone géographique des populations d'empereur se situe entre 66°S et 78°S, de sorte que la Terre Adélie (66°S) est l'extrême nord de leur répartition. L'empereur est une espèce migrante, de sorte qu'elle s'adapte aux changements annuels et saisonniers pour la recherche de nourriture, l'accouplement, la ponte. Enfin, l'empereur n'est pas considéré comme menacé par l'IUCN, car sa population globale est considérée comme stable d'une génération sur l'autre. Et pour cause : en dehors de la Péninsule qui se réchauffe, l'Antarctique est globalement stable et le manchot empereur y est diversement réparti.

Second exemple d'espèce menacée, très différent : un papillon d'altitude, le parnasse Apollon (Parnassius apollo). Parmesan cite les travaux d'Henri Descimon. Dans une page très complète (lien plus bas)), on peut lire une synthèse des travaux de ce chercheur français sur les Parnassius. Concernant le parnasse Apollon, celui-ci a en effet régressé et le plus souvent disparu des basses vallées des Causses et de l'Auvergne, du Jura et des Vosges, en raison du réchauffement, car la limite inférieure de son cycle se situe vers 700-800 m, et les populations n'ont donc pas trouvé d'étage supérieur pour migrer (on note une adaptation locale au Ventoux cependant). L'espèce va-t-elle disparaître pour autant ? Non, car elle est également présente dans les Pyrénées et les Alpes, où elle dispose de l'espace nécessaire pour s'adapter. : "P. apollo restera répandu et abondant dans les Alpes et les Pyrénées, mais se confinera à la zone subalpine et aux éclaircies de l'étage montagnard. Peut-être restera-t-il quelques colonies dans les "noyaux durs" du Jura et du Massif Central ; elles risquent de subir une involution génétique progressive."

Et encore nous parlons-là de la France. Mais les amateurs de papillons savent que l'aire de répartition du Parnassius apollo va de l'Espagne à la Scandinavie, jusqu'à l'Oural et aux Carpates, partout où sont disponibles des étages 500-2500 mètres. Parler d'une menace d'extinction globale du parnasse Apollon est donc une aimable plaisanterie.

http://www.inra.fr/opie-insectes/re-parnass.htm#ii

Bref, l'assertion de l'abstract, répétée en conclusion, répétée dans le communiqué de presse (ci-dessous) n'est pas justifiée dans le texte. Hormis un passage en revue plus large, cet article n'apporte rien de fondamentalement nouveau par rapport à des travaux antérieurs sur les mécanismes d'adaptation aux changements climatiques. Rien, si ce n'est une démonstration supplémentaire de la manière dont la science se transforme facilement en propagande dès lors que l'on aborde la question climatique.

PS Un rappel de bon sens : beaucoup d'espèces sont malmenées et menacées par les conséquences des activités humaines, qu'il s'agisse de la surexploitation, de la pollution, de la fragmentation de l'habitat. Et le changement climatique peut assurément représenter une pression sélective supplémentaire pour les espèces les moins nombreuses ou les plus spécialisées. Mais la fin ne justifie pas les moyens : le rôle de la science est de décrire avec précision la réalité, pas de la déformer pour servir une cause.

Lien vers le communiqué (on peut charger l'étude en pdf en bas)

http://www.utexas.edu/opa/news/2006/11/biology14.html

Global Warming Increases Species Extinctions Worldwide, University of Texas at Austin Researcher Finds

Tuesday, November 14, 2006

AUSTIN, Texas—Global warming has already caused extinctions in the most sensitive habitats and will continue to cause more species to go extinct over the next 50 to 100 years, confirms the most comprehensive study since 2003 on the effects of climate change on wild species worldwide by a University of Texas at Austin biologist.

Dr. Camille Parmesan’s synthesis also shows that species are not evolving fast enough to prevent extinction.

(...)

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Posté(e)
La-Chapelle-Saint-Florent - 49 (proche 44, bord Loire)

PS Un rappel de bon sens : beaucoup d'espèces sont malmenées et menacées par les conséquences des activités humaines, qu'il s'agisse de la surexploitation, de la pollution, de la fragmentation de l'habitat. Et le changement climatique peut assurément représenter une pression sélective supplémentaire pour les espèces les moins nombreuses ou les plus spécialisées. Mais la fin ne justifie pas les moyens : le rôle de la science est de décrire avec précision la réalité, pas de la déformer pour servir une cause.

C'est ce que j'allais dire. Tu m'enlèves les mots de la bouche. Au niveau des extinctions, le climat ne me semble pas le responsable principal. L'homme par contre default_innocent.gif
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Je ne trouve pas le pdf. Par contre le video avec Dr. Pamesan n'est pas mal.

Oui elle est mignonne (mais tu parlais peut-être du fond, pas de la forme default_ph34r.png/emoticons/ph34r@2x.png 2x" width="20" height="20"> )

Excuse-moi, le lien vers le même communiqué, mais avec le pdf en bas, c'est ici :

http://cns.utexas.edu/communications/2006/...bal_species.asp

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C'est ce que j'allais dire. Tu m'enlèves les mots de la bouche. Au niveau des extinctions, le climat ne me semble pas le responsable principal. L'homme par contre default_ph34r.png/emoticons/ph34r@2x.png 2x" width="20" height="20">

Oui, le taux exact de disparition des espèces est très discuté en écologie et biologie des populations, car le calcul initial de Wilson (27.000 espèces par an, une toutes les cinq minutes) était à l'évidence simpliste. Et il est très difficile de classer une espèce comme disparue de manière empirique, car les mesures de terrain sont bien pauvres par rapport aux zones concernées : les budgets (publics) sont ridiculement faibles, ce sont souvent des fondations privées conservationnistes qui financent les travaux.

Il n'en demeure pas moins que la pression humaine est forte, et qu'elle est surtout dommageable dans certaines zones (tropicales primaires). Là comme ailleurs, des mesures volontaristes de prévention, de conservation et de restauration seraient utiles. Là plus qu'ailleurs, en fait, car si l'on tient à la biodiversité, ce n'est pas du côté du climat qu'il faut regarde les priorités d'investissement.

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Oui, le taux exact de disparition des espèces est très discuté en écologie et biologie des populations, car le calcul initial de Wilson (27.000 espèces par an, une toutes les cinq minutes) était à l'évidence simpliste.

Voyons voir. Officiellement, le nombre total d'espèces est estimée entre 5 et 80 millions. En supposant qu'on enlève 27.000 espèces/an estimée de l'estimation du dernier million des 80 millions, au bout de 37 ans à ce rythme estimé de disparition, on aurait un nombre total d'espèces estimée entre 4 et 79 millions. Terrible comme estimation !Par contre, on a une estimation un peu moins estimante, par exemple du rythme de disparition d'espèces lorsqu'on défriche à grande échelle. La forêt tropicale de la façade atlantique du Brésil par exemple a été rasée presque complètement au cours du 19e siècle pour loger et nourrir des centaines de millions d'humains. Il ne reste que 12% de la surface initiale mais constitué d'une forêt extrêmement fragmentée. Si on suit la logique de calcul (modèle ?) de Wilson, au moins la moitié de toutes les espèces devrait avoir disparu. La Société Brésilienne de Zoologie examiné la situation de tous les 171 espèces d'animal connus. Et elle a trouvé... zéro extinction (cf le livre Skeptical Environmentalist, page 255).

Mais bon, en climatologie, il faut se méfier des observations de terrain! Il vaut mieux se fier aux modèles qui donnent des résultats bien plus facilement paramétrables.

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