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Point de non-retour (tipping points)


charles.muller
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Messages recommandés

L'édito du dernier Nature est consacré à la notion de "point de non-retour" (ou seuil de basculement : tipping point), devenue populaire depuis quelques années, notamment dans le domaine climatique.

Les animateurs de la revue en acceptent l'augure, mais y voient trois défauts :

- la notion reste spéculative au regard du caractère encore rudimentaire de notre compréhension de tous les phénomènes physiques impliqués dans le climat ;

- se focaliser sur les points de non-retour risque de limiter nos efforts pour s'adapter à de futurs changements climatiques (et non seulement minimiser les émissions) ;

- les points de non-retour favorisent la mentalité du tout-ou-rien et le fatalisme.

J'en profite pour poser une question : quelles sont les données factuelles concernent ces fameux seuils de basculement dans le passé climatique ? C'est-à-dire : à quelles époques a-t-on vu le climat terrestre s'emballer et quelles étaient les proportions de cet emballement (rapidité, températures, hausse des mers notamment) ? Un lien vers un bon texte de synthèse en libre accès me suffirait.

***

Nature 441, 785 (15 June 2006) | doi:10.1038/441785a; Published online 14 June 2006

Reaching a tipping point

A popular new paradigm for the nature of change pertains more to the social and political worlds than it does to the physical one.

Rarely since Catch 22 has a book title made its mark on the language in such a way as The Tipping Point. The author, Malcolm Gladwell, made no claim to have invented the term, but his thought-provoking book brought the idea into common parlance. Since then, the view that incremental changes in a cause can suddenly produce a much larger effect has entered common currency. It is now being ever more frequently deployed in the debate about the world's climate.

In some respects, this is old wine in new bottles. For almost as long as people have been worrying about anthropogenic climate change, there have been warnings that, although the build-up of greenhouse gases may be slow and gradual, the effects they will have on the system need not be. The physical, chemical and biological responses that turn greenhouse gases into climate change are complex and subtle, and capable of responses that are surprisingly disproportionate. There are thresholds beyond which the past response of the system no longer predicts the future, and there are positive feedbacks through which change can feed on itself. All these possibilities are now being discussed under the rubric of tipping points.

It is reasonable to worry about such things, but there are three dangers attendant on focusing humanity's response to the climate crisis too much on tipping points. The first is the uncertainty of the science; the second is the tendency of such an emphasis to distort our responses; the third is the danger of fatalism.

The models through which our understanding of the climate system are channelled into assessments of how it might behave in the future are impressive by the standards of human investigation, but crude with respect to the details of the Earth system. All sorts of phenomena, from the formation of clouds to the respiration of soils, are hard to capture accurately, and it is on such details that an understanding of possible tipping points depends (see page 802). Anyone claiming to know for sure when a particular tipping point will be reached should be treated with suspicion — and so must anyone who suggests that no tipping point will ever be reached.

The second problem is that an emphasis on tipping points not yet reached increases the focus on the future. Such an increase tips the balance away from adapting to climate change and in favour of trying to avoid it. A rational response to the challenge of the twenty-first century's climate is to do both: to reduce the rate at which greenhouse gases force climate change, but at the same time build up the ability to cope with adverse climates.

The third issue is that tipping points can induce fatalism. The concept may encourage the belief that a complete solution is the only worthwhile one, as any other course may allow the climate system to tumble past the crucial threshold. This sort of all-or-nothing approach is already over-stressed in climate policy by the Framework Convention on Climate Change, which calls for the complete avoidance of dangerous anthropogenic climate change, rather than the more reasonable and more feasible goal of minimizing and controlling it.

The concept of the tipping point is, in fact, more pertinent to the climate crisis in the social sphere than in the physical world. The strength of Gladwell's book lies in its reasoned illustrations of the ways in which beliefs and behaviours change, and the rules and contexts that govern that change. It is possible to make people change their minds and behaviours, and for those changes to spread like a contagion. "Look at the world around you," Gladwell argues. "It may seem like an immovable, implacable place. It is not. With the slightest push — in just the right place — it can be tipped."

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L'édito du dernier Nature est consacré à la notion de "point de non-retour" (ou seuil de basculement : tipping point), devenue populaire depuis quelques années, notamment dans le domaine climatique.

Les animateurs de la revue en acceptent l'augure, mais y voient trois défauts :

- la notion reste spéculative au regard du caractère encore rudimentaire de notre compréhension de tous les phénomènes physiques impliqués dans le climat ;

- se focaliser sur les points de non-retour risque de limiter nos efforts pour s'adapter à de futurs changements climatiques (et non seulement minimiser les émissions) ;

- les points de non-retour favorisent la mentalité du tout-ou-rien et le fatalisme.

J'en profite pour poser une question : quelles sont les données factuelles concernent ces fameux seuils de basculement dans le passé climatique ? C'est-à-dire : à quelles époques a-t-on vu le climat terrestre s'emballer et quelles étaient les proportions de cet emballement (rapidité, températures, hausse des mers notamment) ? Un lien vers un bon texte de synthèse en libre accès me suffirait.

C'est un fil très intéressant auquel, par incompétence, je ne saurais apporter de réponse précise, mais je suis un peu étonné que l'article que tu cites, mélange des aspects purement scientifiques avec des aspects psychologiques ou sociétaux.

Il est déjà très difficile de répondre aux aspects "techniques" du point de non-retour, en restant concret et en évitant le spéculatif de la chose.

Sinon sur l'aspect climatique uniquement, il s'agit de bien définir le point de non-retour qui est le passage à une phase climatique s'auto-amplifiant jusqu'à atteindre des niveaux tels que toute rétroaction négative ne puisse faire revenir le système à son état initial.

C'est à différencier à mon sens des phases d'emballement climatique.

Parmi ces dernières on peut citer la " Terre boule de neige", les périodes glaciaires, ...

Le seul réel point de non-retour que la Terre ait connu est celui que nous vivons encore pour le moment.

En effet, depuis la Terre des origines, surchauffée par l'ES, les différents phénomènes physiques intervenus, en particulier la minéralisation du CO2, ont entraîné un refroidissement irréversible et ce malgré l'augmentation considérable du flux solaire.

Mais je suppose que tu veux parler des emballements et pas de vrais points de non-retour.

vrai point de non-retour que Vénus aurait également connu à peu près en même temps que la Terre mais en provoquant, au contraire une surchauffe infernale.

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Mais je suppose que tu veux parler des emballements et pas de vrais points de non-retour.

J'ai bien peur que ce fameux "tipping point" médiatique ne soit une notion scientifiquement aussi insaisissable (traduisez "creuse") qu'externalité, "développement durable" ou "risque des OGM".Ce terme a été popularisé pour la première fois, si je ne m'abuse, par Hansen, puis repris régulièrement par exemple lors d'une présentation devant l'American Geophysical Union (6 Dec 2005):

The Earth’s climate is nearing, but has not passed, a tipping point beyond which it will be impossible to avoid climate change with far-ranging undesirable consequences. These include not only the loss of the Arctic as we know it, with all that implies for wildlife and indigenous peoples, but losses on a much vaster scale due to rising seas.

Si on suit cette déclaration de Hansen, on a déjà dépassé le "tipping point" puisque jusqu'à preuve du contraire, je n'ai pas été au courant qu'on ait été capable "d'éviter les changements climatiques" (parce que des changements climatiques aux conséquences inculcalables tels que la famine en Europe, le déclin des pascuans ou la chute de certaines civilisations incas, il y en a eu un paquet!) default_smile.png/emoticons/smile@2x.png 2x" width="20" height="20">Mais bon, quand on sait que Hansen a dit en gros que "il était approprié d'insister sur des scénarios [climatiques] extrêmes. Maintenant, il s'agit de revenir à des scénarios plus objectifs", on sait ce qu'il faut penser de ce terme de "tipping point" et de son géniteur (méga lol).

Emphasis on extreme scenarios may have appropriate at one time, when the public and decision-makers were relatively unaware of the global warming issue. Now, however, the need is for demonstrably objective climate…scenarios consistent with what is realistic under current conditions.

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voila un lien qui donne des reférences d'articles qui peuvent etre interressant notement sur les variations rapide du niveau de la mer

lien

Sea level record from Tahiti corals and the timing of deglacial meltwater discharge. Nature 382, 241-244 (Bard E, Hamelin B, Arnold M, Montaggioni L, Cabioch G, Faure G, Rougerie F).

Hydrological impact of Heinrich events in the subtropical northeast Atlantic. Science 289, 1321-1324 (Bard E, Rostek F, Turon J-L, Gendreau

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Personnellement, je distingue soigneusement point de non retour et seuil climatique.

A mon sens il y a point de non-retour quand il est raisonnable de considérer impossible tout retour en arrière.

Dans le domaine climatique, il s'agirait -toujours à mon sens - du point à partir duquel le climat continuerait à se réchauffer même si il était mis un terme à toutes les émissions de GES d'origine anthropique. Cela pourrait - par exemple - se produire à partir du moment où l'effet de forcage des émissions de CH4 en provenance du permafrost dégelé ou des gisements sous-marins de clathrates dépasserait l'effet de forcage actuel de l'ensemble des émissions anthropiques de GES. Exactement comme James Hansen (mais je n'ai en aucune manière copié sur lui, mes premiers écrits sur la question dâtant de 2004), je pense que nous ne sommes plus guère éloignés de ce point. Ma modélisation en montre le risque de survenance aux environs de 2012 (plus exactement entre 2010 et 2015).

Mais même si la réalité devait confirmer mes craintes, celà ne devrait pas nous amener à baisser les bras. Même si une dégradation de la situation devenait alors inéluctable, il resterait toujours possible d'en atténuer la gravité par une politique environnementale plus efficace et plus décidée.

De plus, la notion climatique de point de non-retour telle que précisée ci-dessus suppose que l'homme ne dispose d'aucun moyen de contrôle du climat. Or rien ne prouve que nous ne serons pas capable de mettre en oeuvre un tel controle dans quelques années. Paul Alary et moi avons ainsi proposé un système (dérivé des tours aérogénératrices) permettant de générer des cyrus dans la stratosphère, accroissant ainsi l'albedo terrestre de manière sensible et réversible, sans aucune pollution additionnelle.

Quant à la notion de seuil climatique, je l'ai amplement précisée à plusieurs reprises dans les forums d'Infoclimat.

Alain

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Donc si je vous suis bien, soit le tipping point n'a pas de réalité (MiniTax), soit il désigne :

- "le passage à une phase climatique s'auto-amplifiant jusqu'à atteindre des niveaux tels que toute rétroaction négative ne puisse faire revenir le système à son état initial" (Meteor)

- "le point à partir duquel le climat continuerait à se réchauffer même si il était mis un terme à toutes les émissions de GES d'origine anthropique" (Alain).

Dans le même numéro de Nature, un article sur les tipping points en Arctique (Gabrielle Walker) les définit de la manière suivante :

"moment à partir duquel les dynamiques internes [d'un système] donnent leur impulsion à un changement précédemment induit par des facteurs externes".

Un exemple classique : la fonte croissante des glaces commence sous l'effet du réchauffement (ici supposé induit par l'homme, donc facteur externe) ; puis la perte de l'albédo en résultant accentue localement ce réchauffement (par le facteur interne du nouveau rapport glace / rayonnement).

En l'occurence, une éventuelle disparition complète des glaces au Pôle Nord n'aurait pas une conséquence énorme en terme de budget radiatif (le cercle arctique représente 4,5% des glaces terrestres, hors Groenland), mais pourrait en revanche induire des modifications imprévisibles dans la circulation générale océan-atmosphère (changements des courants jets et du "tapis roulant" thermohalin par exemple) et sur le niveau des mers (en cas d'accélération de la fonte du Groenland aux marges puis à l'intérieur).

J'ai d'ailleurs l'impression que les tipping points sont concentrés essentiellement sur l'avenir de l'Arctique (y compris dans le modèle d'Alain, dépendant des évolutions du permafrost).

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Donc si je vous suis bien, soit le tipping point n'a pas de réalité (MiniTax), soit il désigne :

- "le passage à une phase climatique s'auto-amplifiant jusqu'à atteindre des niveaux tels que toute rétroaction négative ne puisse faire revenir le système à son état initial" (Meteor)

- "le point à partir duquel le climat continuerait à se réchauffer même si il était mis un terme à toutes les émissions de GES d'origine anthropique" (Alain).

Dans le même numéro de Nature, un article sur les tipping points en Arctique (Gabrielle Walker) les définit de la manière suivante :

"moment à partir duquel les dynamiques internes [d'un système] donnent leur impulsion à un changement précédemment induit par des facteurs externes".

Un exemple classique : la fonte croissante des glaces commence sous l'effet du réchauffement (ici supposé induit par l'homme, donc facteur externe) ; puis la perte de l'albédo en résultant accentue localement ce réchauffement (par le facteur interne du nouveau rapport glace / rayonnement).

En l'occurence, une éventuelle disparition complète des glaces au Pôle Nord n'aurait pas une conséquence énorme en terme de budget radiatif (le cercle arctique représente 4,5% des glaces terrestres, hors Groenland), mais pourrait en revanche induire des modifications imprévisibles dans la circulation générale océan-atmosphère (changements des courants jets et du "tapis roulant" thermohalin par exemple) et sur le niveau des mers (en cas d'accélération de la fonte du Groenland aux marges puis à l'intérieur).

J'ai d'ailleurs l'impression que les tipping points sont concentrés essentiellement sur l'avenir de l'Arctique (y compris dans le modèle d'Alain, dépendant des évolutions du permafrost).

Mon cher Charles,

Ton post précédent est plein de bon sens et fait plutot bien le point sur la question.

Ma définition personnelle du point de non-retour appliquée à l'évolution climatique converge très exactement avec la notion plus générale proposée par Gabrielle Walker dans Nature. Ainsi le bilan des rétroactions (positives et éventuellement négatives), résulte des dynamiques internes alors que les émissions anthropiques de GES constituent un facteur externe.

Par ailleurs, il est vrai que j'attribue un rôle déterminant à l'Arctique et aux zones périphériques de l'Arctique (banquise, océan et mers arctiques, permafrost de Sibérie et d'Amérique du Nord, glaciers du groenland, risques lié aux gisements de clathrates à relativement faible profondeur, etc.) dans mon modèle évolutif. Avec la prise en compte originelle des effets de rétroaction, de synergie et de seuil, c'est un des éléments essentiels qui distingue mes travaux (et donc les prévisions qui en découlent) de ceux de la plupart des autres, y compris ceux du GIEC.

On peut mettre en cause (méthodologie et insuffisante précision des mesures, variations plus ou moins aléatoire ou périodiques) certaines des données sur les quelles je m'appuie (et c'est d'ailleurs pour ça que j'introduis des marges d'incertitude dans mes prévisions), mais il me parait difficile de nier la logique de ma démarche. Il me paraitrait aussi peu sérieux (tu n'es aucunement visé) de l'écarter par principe et sans examen...

Alain

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