Lolox Posté(e) 4 février 2006 Remiremont - Porte des Hautes Vosges (400 m) Partager Posté(e) 4 février 2006 Bonjour à tous! Le but de ce topic est d'évoquer ou de relater des épisodes climatiques marquants ainsi que leurs conséquences sur les populations humaines et l'environnement. Bien sûr, il s'agit également d'analyser, commenter les situations évoquées et l'avis de tous est le bien venu. Lien à poster Partager sur d’autres sites More sharing options...
Lolox Posté(e) 4 février 2006 Remiremont - Porte des Hautes Vosges (400 m) Auteur Partager Posté(e) 4 février 2006 LE DELUGE DE LA SAINT-CREPIN en octobre 1778 dans le Bassin Versant du Rhin : Il s’agit là d’évoquer un funeste épisode climatique qui toucha toutes les régions de l’Est et du Centre-Est de la France. Nous sommes en l’an de grâce 1778 et l’automne jusque là clément va éprouver les populations humaines de l’Est du Royaume de France. Vers la mi-octobre, le temps se dégrade et des précipitations se produisent assez fréquemment dans une ambiance extraordinairement douce pour la saison. Jusque là, les propriétaires des moulins et scieries présentes le long des rivières Vosgiennes, se plaignent de la sécheresse qui ralenti fortement les roues hydrauliques de leurs installations. Le 20 octobre 1778, le vent s’oriente au secteur O.S.O. et les pluies se généralisent et se renforcent sur la région. Aucune accalmie n’intervient, bien au contraire. Le vent devient tempétueux tandis que de violents orages se développent et accentuent les cumuls de précipitations qui sont qualifiées de diluviennes du 23 au 25 octobre. C’est là que les évènements prennent une tournure dramatique. Le 25 octobre 1778, en Alsace, la rivière Ill sort de son lit et emporte avec elle les ponts et autres maisons qui la bordent sur tout son cours. A cette même date, ce sont toutes les rivières de l’Est du Royaume qui sortent de leur lit. La Meurthe provoque de nombreux dégâts dans la région de Nancy et dès 23 h, l’ensemble des ponts de la ville est renversé par les flots de la rivière. Au matin du 26 octobre, vers 7 heures, le niveau maximal est atteint et l’eau arrive au seuil de la porte Ste. Catherine (pourtant placée plus haut qu’aujourd’hui). Parallèlement à cela, son affluent, la Vézouze déborde et emporte maisons et ponts à Lunéville. La Sarre quant à elle détruit une majorité des moulins et des pont qui la jalonnent. Pendant ce temps, ce sont les affluents de la Moselle (Moselotte, Cleurie, Vologne et Madon) qui enflent rapidement. Dans la journée du 25, à Epinal, on constate une forte hausse du niveau de la Moselle. Vers 17 heures, le Grand pont du Cours est enlevé par les flots et ses débris emportent le pont du Corps de la Garde. A 18 heures, ce sont les quatre ponts situés sur le canal le long du faubourg des Capucins qui connaissent le même sort. La crue se poursuit jusque vers minuit où l’on relève 4,98m au dessus du niveau d’étiage. De nombreuses maisons et ce qu’elles comportent sont emportées. Par la suite, les ponts en aval sont renversés par la lame de crue et tous les débris que celle-ci entraine. En effet, de partout, les eaux charrient pêle-mêle du bois de chauffage, des matériaux de construction, des poutres, des arbres, des meubles rompus qui s’entrechoquent avec fracas et contribuent aux destructions par les chocs et la formation d’embâcles. Le 26 octobre, la ville de Pont à Mousson est touchée de plein fouet vers 16 heures. A Metz, la crue cause d’importants ravages dans l’ensemble de la ville basse qui se retrouve submergée, la cote maximale est atteinte à 5,28 m en fin de soirée. C’est vers 21 heures, que les habitants de la région de Thionville s’alarment de la rapide montée des eaux. Dans la soirée, les villages environnants et la ville commencent à être submergés l’on évacue une partie de la cité et le moulin de la Porte de Metz est en partie détruit. Vers 3 heures du matin, le 27 octobre, on y relève un niveau maximal de 5,44 m au dessus de la normale. Le paroxysme de la crue est atteint vers 5 heures, à Sierck où la Moselle atteint 7 m au dessus de l’étiage. Le sillon Mosellan est dévasté par cet épisode amplifié par l’addition de la crue de la Meurthe qui s’est rajoutée aux flots de la Moselle. A l’époque, cela fait plus de deux siècles que l’on n’avait pas vécu pareille catastrophe. Le 28 octobre, le cours inférieur du Rhin connaît à son tour une crue extraordinaire, sur l’ensemble de son parcours. C’est suite à ces évènements restés dans la mémoire populaire sous le nom de « Déluge de la Saint-Crépin » que des scientifiques parisiens, dont M. de Cotte (membre de l’académie des Sciences), émettent l’idée selon laquelle on pourrait expliquer mais aussi prévoir ce genre de faits grâce à des observations et prévisions météorologiques régulières. Selon eux, dans ce cas, il s’agissait de la combinaison de plusieurs facteurs tels que la fonte des neiges dans les montagnes, un automne très pluvieux accompagné d’une forte poussée de chaleur entraînant la formation d’orages et de pluies diluviennes. Cependant, les explications qu’ils avancent quant à ce phénomène ouvrent une controverse avec M. Lecreulx, ingénieur en chef de la Lorraine et du Barrois, qui relate en détail cette catastrophe dans ses rapports de l’époque. Il nie l’aspect pluvieux de l’automne et la présence de neige en octobre 1778 dans les Vosges, qu’il avait parcouru quelques jours avant les faits. Pourtant, il admet les idées émises par les scientifiques à propos des observations météorologiques. Voilà, j'éspère que ce petit récit vous inspirera... N'hésitez pas à poser toutes sortes de questions, j'y répondrai avec plaisir! Prochainement, le récit de ce même épisode pour le Bassin Versant du Rhône... Lien à poster Partager sur d’autres sites More sharing options...
Lolox Posté(e) 18 février 2006 Remiremont - Porte des Hautes Vosges (400 m) Auteur Partager Posté(e) 18 février 2006 Allez, puisque vous avez été sages, et face au succès de ce topic /emoticons/biggrin@2x.png 2x" width="20" height="20"> , je vous livre une deuxième partie consacrée à cet épisode climatique historique. C'est le fruit de pas mal de recherches mais des compléments d'information peuvent y être apportés... Lien à poster Partager sur d’autres sites More sharing options...
Lolox Posté(e) 18 février 2006 Remiremont - Porte des Hautes Vosges (400 m) Auteur Partager Posté(e) 18 février 2006 Le « déluge de la Saint-Crépin » en Franche Comté et Dauphiné : Dans les écrits contemporains, ce phénomène est décrit comme d’abondantes pluies survenues à la suite d’un vent chaud qui dura plusieurs jours et amena des précipitations en telles quantités que tous les ruisseaux et rivières débordèrent et emportèrent ou firent crouler la plupart des ponts… Cet épisode datant d’octobre 1778, nous n’avons que peu de descriptions météorologiques mais en revanche, ses conséquences sont détaillées dans de nombreux écrits de l’époque. Ce sont ces dernières que je vais, ici, relater. En Franche-Comté, la ville de Besançon fut partiellement submergée par la crue du doubs. En rapport avec ces évènements, voici ce que l’on retrouve dans les documents de l’époque sous la date du 25 octobre 1778 : « La crue fut lente et mesurée, mais ce qui précipita le désordre sous les murs de Besançon, c’est le désastre produit à Rivolte (port au bois à l’entrée de la ville). Les amarres qui coupaient la rivière ayant été rompues, le bois flotté, dont la masse dépassait 4000 cordes, se précipite comme une avalanche sur les ponts et les moulins qu’elle entraîne ou endommage. La ville est aussitôt envahie ; les poternes vomissent l’eau à torrent dans les rues et sur les places, et dans la partie N.-E. de la ville, la circulation n’a plus lieu qu’en barque. » L’ensemble de la vallée du Doubs subit de graves dégâts et des villages sont même entièrement détruits. Mais de toutes les régions touchées, c’est le Dauphiné qui paye le plus lourd tribut. Ainsi, de nombreux torrents se transforment en laves torrentielles qui détruisent tout sur leur passage. On retrouve l’exemple du bourg d’Aime près de La Plagne qui est dévasté par la subite crue de l’Ormente, dans la nuit du 25 au 26 octobre 1778, qui emporte le pont inauguré quelques jours plus tôt. L’exemple de la ville de Grenoble, laisse imaginer l’ampleur des dégâts sur l’ensemble de la région puisque la zone est ravagée par les flots du Drac et de l’Isère. Lors de cette inondation, décrite comme la plus sévère depuis celle de 1219, la confluence des deux cours d’eau est évoquée comme un grand lac agité de forts courants qui emportent les pavés de la ville, les infrastructures et de nombreuses habitations. La crue débute lentement dans la journée du 25 octobre puis s’accélère dans la nuit et la se poursuit dans la journée du 26 où le niveau atteint 5.04 m au dessus du niveau d’étiage. Ces moments sont ainsi décrits dans « les affiches du Dauphiné » n°28 du 6 novembre 1778 : « D'abondantes pluies, survenues à la suite d'un vent chaud qui soufflait depuis plusieurs jours, firent croître et déborder l'Isère, à Grenoble, au mois d'octobre 1778. Cette rivière, déjà forte toute la journée du 25 de ce mois, commença, la nuit du 25 au 26, à pénétrer dans le faubourg Très-Cloîtres, qui, étant le quartier le plus bas, fut toujours celui où l'inondation se fit d'abord sentir. Jusqu'à 4 heures du soir, les progrès de la rivière furent peu sensibles ; à partir de ce moment et en moins de trois heures, les eaux se répandirent partout ; elles augmentèrent jusqu'au mardi 27, à une heure du matin. ».Seuls les abords de la place du Palais (aujourd’hui place St André) furent épargnés. Selon les lettres du botaniste Villars, alors présent, la ville était entièrement cernée par les eaux qui déposèrent un limon si fin qu’il fut très difficile de s’en défaire après la décrue. La plupart des magasins, des caves et rez-de-chaussée ont subit d’importants dommages. Un service par bateaux fut organisé pour le ravitaillement des familles isolées par les eaux un peu partout dans la ville. C’est suite à ces crues que la décision fut prise d’édifier des digues et de corriger le cours de l’Isère à l’amont de la ville. Suite aux désordres politiques des années qui suivirent, elles ne furent achevées qu’ au 19° siècle. La vallée du Rhône ne fut pas épargnée et la ville de Vienne est durement touchée. En effet, parallèlement aux débordements du Rhône, la Gère grossit extraordinairement dans la nuit du 28 au 29 octobre 1778. Son écoulement est entravé par les hautes eaux du fleuve, la Gère déborda dans les forges, les moulins, les tanneries et fit de grands dégâts sur tout son cours. Le faubourg de Pont-Evêque fut complètement submergé. Dans le même temps, le Rhône était à 16 pieds au-dessus des eaux ordinaires. La partie supérieure de son cours connu de gros ravages, des maisons croulèrent, des bestiaux furent emportés en masse ainsi que les foins et blés entreposés dans les granges. Les canaux débordèrent et les champs furent couverts d’une hauteur de limon considérable alors même que les vallons voyaient leurs sols délavés et ravinés. Le Bas Rhône ressentit également les effets de cette crue. Aussi, le journal manuscrit de Michel Forest, conservé aux archives départementales de la Drôme, relate ainsi les faits : « Cette inondation fut causée par les pluies continuelles qu’il fit pendant tout le mois d’octobre ; elle fut furieuse, toute la basse ville de Valence fut submergée ; l’eau couvroit la place des Jacobins. Le pont en bois fait sur l’Isère fut emporté le 27 octobre. ». Enfin, on peut regretter l’absence de relevés climatiques précis lorsque l’on évoque ce « déluge de la Saint-Crépin » qui ne permettent pas d’appréhender fidèlement les origines d’un tel déchaînement des éléments. On sait qu’à l’époque, les déboisements croissants avaient été évoqués au rang des causes de pareils désastres mais la contribution d’un contexte climatique spectaculaire doit certainement y prendre part. Avec pas mal d’imagination, on peut se représenter les conséquences d’un tel évènement de nos jours compte tenu du développement des activités humaines (extension des habitats, infrastructures industrielles, routières, hydrauliques, … .). Mais ça, c’est une autre Histoire… Lien à poster Partager sur d’autres sites More sharing options...
jtomtom Posté(e) 18 février 2006 Malbosc, piémont cévenol du 07 en limite du 30 (alt. 226m), le long du ruisseau de Maubert, affluent de la Ganière Partager Posté(e) 18 février 2006 génial lolox54 ! une bonne quantité d'infos ( pour une période datée de quand même trois siècles), qui met bien en relief le potentiel de violence des cours d'eau alpins... on peut supposer des remontées chaudes et humides de méditerranée en contact avec peut-être un air plus froid venu de l'ouest...cette situation s'est produite en juin 1999 et avait déversé à plusieurs reprise des trombes orageuses très organisées dans un flux de SO, alors j'imagine avec un blocage des centres d'action ... mais pour que le nord-est soit touché, il aurait fallu une composante plutôt sud...le mystère reste entier ! Lien à poster Partager sur d’autres sites More sharing options...
Lolox Posté(e) 23 octobre 2009 Remiremont - Porte des Hautes Vosges (400 m) Auteur Partager Posté(e) 23 octobre 2009 Bonsoir, la St crépin tombe Dimanche prochain, et un ami du forum m'a demandé de rafraichir les mémoires avec ce sujet. Pour ceux qui ne connaissaient pas, c'est l'occasion de voir ce qu'il s'est passé il y a 231 ans de ça /emoticons/wink@2x.png 2x" width="20" height="20"> Lien à poster Partager sur d’autres sites More sharing options...
manteaublanc Posté(e) 29 octobre 2009 Partager Posté(e) 29 octobre 2009 Bonsoir, la St crépin tombe Dimanche prochain, et un ami du forum m'a demandé de rafraichir les mémoires avec ce sujet. Pour ceux qui ne connaissaient pas, c'est l'occasion de voir ce qu'il s'est passé il y a 231 ans de ça /emoticons/wink@2x.png 2x" width="20" height="20"> Hey Lolox, super ce topic crée il y a 3 ans déjà, et dire que je ne l'avais pas encore vu, heureusement que tu as posté aujourd'hui, et d'ailleurs je comprends pas qu'il n'ai pas eu de succès depuis le temps, t'as raison de le faire remonter, je pense qu'il y a matière à l'alimenter et sans faire concurrence à Pattok Bien raconté le déluge de la St Crépin (euuuh, c'est de là que vient le nom "crépine" ? Petite pièce sur un raccord de tuyauterie ), blague à part, , vachement instructif, on va tâcher de trouver d'autres récits, bien bien Lien à poster Partager sur d’autres sites More sharing options...
manteaublanc Posté(e) 29 octobre 2009 Partager Posté(e) 29 octobre 2009 Sans être un épisode lointain et remarquable, je vous fais lire une annale de géographie, de Jean-Paul Rothé sur les causes météo des innondations de décembre 1947 : On sait que les inondations désastreuses qui, de temps en temps, en hiver, ravagent l'Alsace et la Lorraine sont dues à de fortes chutes de pluie auxquelles s'ajoute la fonte brusque de la couche de neige des Hautes Vosges. Le phénomène avait été particulièrement net en décembre 1919; il s'est reproduit presque exactement en décembre 1947, avec des effets un peu moins graves en Alsace, plus violents au contraire dans le bassin de la Meurthe^- Moselle. Le Comité météorologique consultatif du Bas-Rhin en a entrepris l'étude sur la proposition de son président, Mr H. Baulig. I. Les circonstances météorologiques1 Le 19 décembre, le vaste anticyclone des latitudes moyennes (l'anticyclone dit « des Açores») se trouve sur l'Irlande : la France, baignée par l'air polaire continental qui circule sur la face E de cet anticyclone, a des températures relativement basses ( 2°5 à Strasbourg, 8°0 au lac Noir, à 920 m. d'altitude) ; il neige le 19 en Alsace et dans les Vosges. La situation va se modifier rapidement ; l'anticyclone reculant lentement vers le S, la zone dépressionnaire dite «d'Islande» va envahir progressivement des latitudes de plus en plus basses, entraînant avec elle des masses d'air chaud et humide d'origine atlantique et même tropicale. Un premier dégel se produit dans les Vosges à partir du 22 décembre ; la couche de neige, qui, au-dessus de 1 000 m. d'altitude, avait atteint 70 cm. d'épaisseur, diminue un peu. Le couloir dépressionnaire, qui s'étend maintenant de la Floride à l'Islande et à la Scandinavie, se creuse tout en continuant à se déplacer vers le S ; un chapelet de cyclones profonds se forme, et l'ensemble se déplace rapidement dans un mouvement général du SO au NE. Les nouveaux cyclones sont alimentés par de l'air de plus en plus chaud, et le désastre du 28 décembre est dû à l'arrivée sur les Vosges d'une lame d'air tropical chaud entraînée par un noyau dépressionnaire rapide qui s'est formé le 23 dans la basse vallée du Mississipi (vers 35° N, 90° O). Le 24, à 0 h., le centre de ce cyclone est à l'Est de New York vers 40° N, 70° О ; le 25, il s'est creusé et son secteur chaud s'est renforcé en s'alimentant d'air tropical maritime chaud aspiré de la zone atlantique tropicale (fig. 1). La vitesse de translation vers ГЕ s'accentue et cette masse d'air chaud sans avoir le temps de se refroidir va se trouver entraînée vers l'Europe occidentale à une vitesse de 1 500 à 2 000 km. en 24 heures, soit 60 à 80 km.-h. Le 26, le cyclone passe au Sud du Groenland, succédant à des zones cycloniques moins profondes et moins chaudes qui, elles, donnent le 26 et le 27 des chutes de neige sur les Vosges : l'altitude limite de l'enneigement s'abaisse jusqu'à 600 m. où la couche atteint 10 à 20 cm. ; au-dessus de 1 000 m., il y a une couche de 60 à 80 cm. de neige1. Le coin d'air tropical s'approche le 26 de l'Irlande, balaie la France le 27 et atteint les Vosges le 27 au soir. La tempête qui sévissait sur les Vosges depuis plusieurs jours s'accentue. Il n'a pas été fait de mesure précise de la vitesse du vent, mais l'intensité exceptionnelle de cette tempête est illustrée par le fait suivant : deux bons skieurs furent bloqués trois jours sans nourriture dans un baraquement au sommet du Hohneck sans pouvoir atteindre le refuge du Schaef ertal où les attendaient leurs camarades situé seulement à quelques centaines de mètres de là. A l'arrivée du front chaud, la hausse de température est considérable (tableau I) ; il pleut en plaine et jusqu'à 1 000 m. le 27; le 28, il se met à pleuvoir de façon intense sur toute la crête des Vosges; la température ,*j qui était au lac Noir (920 m.) de 1<> le 26 au soir, atteint -fc- 7°6 le 28 ; à Strasbourg, on note + 15°3 ! Des torrents d'eau à + 7° ou + 8° se précipitent sur toutes les pentes, s' engouffrant sous la couche de neige; au-deseus de l'eau qui ruisselle, des ponts de neige se forment, qui s'effondrent rapidement ; attaquée par-dessus et par-dessous, la couche de neige fond brutalement. A 12 h., le 28, le sol apparaît déjà sur les parties exposées des crêtes des Vosges. Le 29 au matin, on peut estimer qu'une lame d'environ 40 à 50 cm. de neige a fondu en moins de 24 h. sur les crêtes des Vosges au-dessus de 1 000 m. ; 20 à 40 cm. de neige ont disparu sur les surfaces montagneuses d'une altitude comprise entre 600 et 1 000 m. : cela fait de 30 à 50 mm. d'eau qui viennent s'ajouter à la pluie tombée dans la journée du 28. Or cette pluie est particulièrement forte : elle s'explique à la fois par l'approche du front froid qui succède au secteur chaud du cyclone dont nous venons de suivre la trajectoire de la Floride aux Vosges et par l'effet classique de relief dû à la barrière des Vosges : d'une part, l'air froid lourd oblige, pour prendre sa place, l'air chaud à s'élever et, d'autre part, le relief des Vosges oblige lui aussi et comme d'habitude les masses d'air humide du secteur chaud à s'élever, deux causes de condensation qui s'ajoutent. La carte (fig. 2) montre la répartition de la hauteur de pluie recueillie du 28 au 29 décembre dans les stations du réseau climatologique d'Alsace. Elle fait ressortir deux zones de maxima correspondant aux deux principaux massifs rencontrés de plein fouet par les masses d'air humide arrivant de l'OSO : au S, la crête des Hautes Vosges du Ballon d'Alsace au Hohneck (lac d'Alfeld, 152 mm. 9 ; Wildenstein, 185 mm. 5 ; Mittlach, sur le versant méridional du Hohneck, 129 mm. 1); au N,le massif du Donon (Marcarerie, dans la haute vallée de la Sarre', 123 mm. 4 ; Glacimont, au pied du Donon, 93 mm. 8). Les chutes de pluie restent très importantes sur tout le plateau lorrain (75 mm. 5 à Diemeringen, /70 mm. 1 à Mittersheim, 72 mm. 1 à Nancy). La carte qui totalise les chutes de pluie recueillies du 26 au 30 décembre conduit aux mêmes remarques. Le 29, le front froid à l'arrière de la dépression atteint à son tour les Vosges et l'Alsace. La chute de température est encore plus brutale que la hausse : à Strasbourg^ le 29 à midi, la température est de 12 degrés inférieure à celle de la veille à la même heure. Il regèle et reneige en montagne ( 3°5 le 29 au soir au lac Noir, contre -+- 7°4 vingt-quatre heures avant). Ce qui reste de neige cesse de fondre ; la crue est freinée. Elle reprendra le 2 janvier à la suite d'un nouveau dégel en montagne. II. Les phénomènes classiques accessoires 1° La zone à « l'ombre de la pluie » le Regenschatten des auteurs allemands est particulièrement nette : il tombe, du 28 áu 29, 22 mm. d'eau seulement à Strasbourg, 10 mm. 9 à Ebersheim, au débouché de la vallée du Giessen près de Sélestat, 8 mm. 4 à Colmar, 1 mm. 4 à Neuf-Brisach (à 40 km. seulement à vol d'oiseau de Wildenstein !). La zone pluvieuse, d'autre part, s'arrête au Sud des Vosges : la station de Saint-Pierre-Kiffis dans le Jura alsacien ne mesure le 29 que 2 mm. 4. Ce même phénomène d'ombre se retrouve sur le total de pluie du 26 au 30 décembre : 20 mm. à Colmar, contre 281 mm. au lac d'Alfeld, quatorze fois moins 1 L'année 1947 aura été finalement particulièrement sèche à Colmar : 356 mm.1, contre 2 259 mm. au lac d'Alfeld. 2° Le fhn des météorologistes suisses est un vent qui, primitivement humide et chaud, s'est débarrassé de sa vapeur d'eau par condensation en franchissant un relief ; devenu sec, il se réchauffe plus rapidement en descendant qu'il ne s'était refroidi en montant, ce refroidissement ayant été en partie compensé par la chaleur de condensation. Il arrive donc, à altitude égale, plus chaud de l'autre côté du relief. C'est ce qui se passe à Colmar et e)a partie à Strasbourg dans la journée du 28. La moyenne de température à Colmar, le 28, atteint + 13°9, contre 11°9 à Strasbourg, 11°2 à Rothau et 8°5 seulement à Zinswiller, localité des Vosges du Nord où la barrière montagneuse n'existe plus, A Strasbourg, le phénomène de fhn se marque, nettement le 28 au matin : il ne pleut pas, la température oscille entre + 13° et + 15°, l'état hygrométrique de l'air tombé à 70 p. 100. Mais ce régime de fhn n'est que partiel ; il est interrompu vers 13 heures : une masse d'air humide et plus froide déborde les Vosges du Nord et atteint Strasbourg, il se met à pleuvoir et la température tombe à moins de 9°. Puis à nouveau le phénomène de fhn se rétablit dans la soirée pendant quelques heures. 1. 1934 a été l'année la plus sèche à Colmar, avec 343 mm. '. IIL COMPARAISON AVEC LA GRUE DE 1919 , La crue de 1947 est-elle exceptionnelle ? Non, si l'on considère qu'en 1919 le même phénomène forte pluie et brusque fonte des neiges s'était produit : les inondations en Alsace furent même alors plus fortes qu'en 1947. C'est qu'en effet le total de pluie en décembre 1919 avait atteint au lac d'Alfeld 858 mm., contre seulement 464 mm. en 1947. Le maximum en 24 heures, mesuré le 25 décembre 1919 au matin donc même analogie de date , avait atteint 167 mm. 4, contre 152 mm. 9 en 1947. A Mittlach il tombait 163 mm. le 25 décembre 1919, contre 129 en 1947 ; à Oderen* 131 mm. 5 en 1919, contre 85,0 en 1947. Il a donc nettement moins plu dans les Hautes Vosges en 1947 qu'en 1919. En revanche, le réchauffement et la fonte des neiges ont été plus intenses en 1947. La température moyenne, qui était au lac d'Alfeld de 3°0 le 15 décembre 1919, atteint + 6°1 le 24 (en 1947 : Wl le 19, + 10°2 le 28). En 1919, c'est seulement une couche de neige d'environ 20 cm. (sur les 80 cm. existant alors) qui disparaît au Grand Ballon (où il reneige aussitôt) ; au contraire, au lac d'Alfeld, la couche (30 cm.) avait fondu entièrement*. Enfin, le record de pluie en 24 heures, mesurée dans une station du réseau climatologique d'Alsace (lac de la Lauch, 192 mm. 4 le 19 janvier 1910), n'a pas été atteint en 1947 (Wildenstein, 185 mm. 5). IV. La crue de 1947, sur le versant lorrain Si la crue de 1947 a été, en Alsace, moins forte que celle de 1919, il n'en a pas été de même en Lorraine, où les inondations ont pris l'aspect d'une véritable catastrophe. Gela tient-il à ce qu'une plus grande quantité de neige a fondu sur le versant lorrain? Comme l'enneigement, le 27, commençait à une altitude d'environ 600 m., j'ai, pour répondre à cette question, cherché à comparer les surfaces d'une altitude supérieure à ce chiffre appartenant dans îes Vosges aux quatre bassins de ГШ, de la Sarre, de la Moselle et de la Saône. Les surfaces supérieures à 600 m. drainées vers 1*111 ou vers la Moselle sont très comparables. Ce n'est donc pas la fonte des neiges qui a joué le rôle prépondérant, mais bien la quantité de pluie effectivement tombée. On constate en effet que la zone où il a été mesuré, le 29 au matin, plus de 75 mm. d'eau couvre tout le plateau lorrain jusqu'aux environs de Nancy, tandis qu'en Alsace, par suite du phénomène d'ombre relaté plus haut* la courbe de 75 mm. n'intéresse qu'une bande très étroite des départements du Bas- Rhin et du Haut-Rhin (fig. 2). ' ♦ D'autre part, si dans les Hautes Vosges les hauteurs de pluie sont loin d'avoir constitué un record, dans les Vosges moyennes au contraire la hauteur de pluie recueillie du 28 au 29 à la Glacimont au pied dû Donon (93 mm. 8) suit de près le maximum mesuré en cette station (102 mm. 8 le 21 septembre 1925), et surtout la hauteur totale (192 mm. 8) recueillie en décembre 1947 à Mittersheim sur le plateau lorrain n'avait pas enoore été atteinte à cette station au cours des cinquante mois de décembre d'observations pluviométriques dont nous disposons. Ceci explique sans doute la crue particulièrement violente de la Sarre. Le corps pluvieux venu d'O et qui ne débordait pas les Vosges au S a intéressé relativement davantage le plateau lorrain et les Vosges moyennes que les Hautes Vosges. Les chiffres suivants confirment cette explication : 24 DÉCEMBBE 1919 29 DÉCEHBBE 1947 Alfeld 167,4 mm. 152,9 mm./ Mittlach 162,8 129,1 *> Hautes Vosges Oderen 131,5 85,0 ) Rothau 100 , 3 90 , 0 Vosges moyennes Zinswiller 47,4 35,8 Vosges du Nord Gondrexange 42,6 (80,0) ) „, , . Mittersheim 38,8 - 70,4 { Plateau lorrain Colmar 12,7 6,4 / _, . ,,., Strasbourg 15,1 22,6 j Plame d Alsace Ainsi il a plu beaucoup plus dans les Vosges du Nord et sur le plateau lorrain en 1947 qu'en 1919. V. Conclusion II est probable que l'eau tombée sous forme de pluie a joué en 1947 le rôle principal, mais l'existence d'une couche de neige à partir de 600 m. d'altitude a favorisé un ruissellement rapide et a, par sa fusion, ajouté une quantité d'eau non négligeable. Les phénomènes qui se sont produits en 1919 et en 1947 peuvent se reproduire : l'Alsace et le Nord-Est de la France sont, en hiver, menacés d'inondations désastreuses dès que s'est constituée dans les Vosges une couche de neige dépassant 50-cm., cette couche étant susceptible de fondre rapidement au passage d'un corps doux et pluvieux donnant lui-même de fortes précipitations au moment où il franchit la barrière des Vosges. Il n'est pas exclu que le phénomène puisse atteindre une intensité plus grande encore qu'en 1919 et en 1947. Annexe La crue secondaire du 15 janvier 1948. Une nouvelle crue, surtout sensible sur la Sarre, la Zorn et la Moselle, a provoqué des inquiétudes ; elle a en particulier causé le 15 janvier 1948 de nouveaux dégâts au canal de la Marne au Rhin entre Lutzelbourg et Saverne, dans le département du Bas-Rhin. Cette crue est due uniquement aux fortes précipitations tombées sous forme de pÊiie du 13 au 15 janvier et provoquées par le passage d'une masse d'air maritime tropicale. Les rivières n'avaient pas encore retrouvé leur débit normal, le sol était complètement saturé. La neige n'a joué aucun rôle, car il n'existait plus de couche de neige que dans les Hautes Vosges à partir de 1000 m., et cette couche était d'ailleurs très faible. Plus encore que le 29 décembre 1947, le corps pluvieux intéresse surtout le plateau lorrain et le massif du Donon. Cette fois, c'est la station de Mittersheim qui recueille le plus d'eau le 15 janvier au matin (74 mm. 2) précédant même de peu il est vrai la station du lac d'Alfeld (73 mm. 8) ; les stations de Rottiau (66 mm.) et de Glaci- mont (51 mm. 4) dans le massif du Donon viennent immédiatement ensuite. D'ailleurs un front froid a atteint les Vosges le 14 au soir et dans les Hautes Vosges, à partir de 700 m., une partie des précipitations mesurées le 15 est tombée sous forme de neige et est restée sur place, tandis que dans les Vosges du Nord toute la précipitation s'écoulait immédiatement : ces faits expliquent suffisamment que la crue du 15 janvier 1948 ait intéressé plus particulièrement les rivières des Vosges du Nord et du plateau lorrain (Sarre, Zorn, etc.). Le refroidissement très sensible (6 à 10 degrés) qui commence le 15 et qui durera jusqu'au 26 arrête définitivement les inondations. Le lien est ICI Lien à poster Partager sur d’autres sites More sharing options...
grecale2b Posté(e) 4 novembre 2009 Partager Posté(e) 4 novembre 2009 il y a 16 ans, du 31 octobre au 1er novembre 1993, la corse connaissait un déluge d'une rare ampleur. en plus de 36h, les valeurs de précipitations ont dépassé les 300mm sur un bon tiers de l'île (soit pas loin de 3000km²), et ont atteint des valeurs exceptionnelles, comme à Torra-Vescovato (haute-corse, castagniccia) avec 701mm (où il était déjà tombé plus de 120mm le 30), ou au col de bavella (corse-du-sud) avec 906mm ! (dont 780mm pour la seule journée du 31 octobre). les crues centenales qui en ont résulté ont causé la mort de 6 personnes. plusieurs centaines de personnes ont du être secourues. des ponts ont été emportés, des zones entières inondées et des villages coupés du monde pendant plusieurs jours. des épisodes d'une telle ampleur ont pu être observées par le passé en 1892, mais aussi en 1844 et 1855 (à chaque fois en novembre). vous trouverez beaucoup plus d'informations sur ce site et notamment sur la page consacrée à cet épisode exceptionnel. j'ai également retrouvé plusieurs videos des JT de l'époque: video 1 (la fin de la video est particulièrement impressionnante). video 2 video 3 et d'autre en lien sur la même page. Lien à poster Partager sur d’autres sites More sharing options...
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