Des données climatiques pour la Cerdagne et le Capcir ?

[acrid vintaquatre]

Bonsoir,

Comme précisé dans le titre, je souhaiterais savoir si des données climatiques fiables existaient pour les régions de la Cerdagne et du Capcir dans les Pyrénées-Orientales.

Connaissant très bien la région depuis une quinzaine d'années je cherche à avoir davantage de précisions et surtout des chiffres, surtout pour ma culture personnelle, mais pourquoi pas pour d'autres choses à l'avenir, des travaux climato, etc.

Par exemple, on entend souvent dire que la Cerdagne serait la région la plus ensoleillée de France, ce qui ne m'étonnerait aucunement étant donné qu'elle bénéficie du "balayage" de la tramontane, qu'elle ne subit pas les entrées maritimes que connaît le Roussillon, et comme toutes les régions montagneuses est avantagée en hiver par son altitude. Mais voilà, pour autant, les chiffres ne sont pas vraiment fiables : "plus de 3000 h", mais encore ? D'où viennent les données ? Sur quelle période ? Etc.

Donc voilà, toute info et tous chiffres seront les bienvenus

[gaet34]

Salut Acrid,

Je connaissais la réputation de la Cerdagne pour son ensoleillement exceptionnel, beaucoup moins pour le Capcir. La cuvette de la Cerdagne cumule à la fois l'effet méditerranéen, montagnard et de vallée abritée : peu de perturbations atlantiques, qui s'arrêtent au col de Puymorens, ou alors très atténuées; pas de grisaille en automne contrairement à la plaine roussillonnaise; très peu d'orages en été, et en plus de cela une ouverture de la vallée du Segre vers le sud-ouest.

J'ai à ma disposition des fiches climatologiques assez anciennes pour Sainte Léocadie en Cerdagne et Formiguères dans le Capcir (respectivement 81/2000 et 83/2000), mais pour aucune il n'y a de données d'ensoleillement ..

On peut quand même se faire une idée de la clémence du climat à Sainte Léocadie (située à 1320 mètres d'altitude): tm 9.5°, RR 580 mm : très certainement l'un des endroits les plus secs de France pour une telle altitude.

Formiguères est un endroit plus froid et plus humide: à 1520 mètres, tm de 6.8° et RRm 756 mm.

[acrid vintaquatre]

Si tu peux me fournir les moyennes mensuelles de T° et de pluvio ce serait déjà super !

J'ai réussi à trouver pas mal de documents PDF sur le net avec des données MF, mais il doit s'agir de données assez anciennes vu l'âge des documents (années 90 au + récent), ça donne déjà une idée mais ça n'est pas toujours très détaillé...Et c'est pour tout le 66, mais j'ai remarqué qu'il y a très peu de postes sur le plateau de la Cerdagne, à chaque fois c'est Font-Romeu en référence, hors c'est déjà à une altitude plus élevée et aux portes du Capcir !

Pour les données du Capcir que j'ai pu avoir, on a en moyenne entre 700 et 900 mm annuels, ça n'est pas énorme non plus remarque pour des altitudes autour de 1500 m !

En ce qui concerne le Capcir, en effet l'ensoleillement n'y est pas aussi élevé qu'en Cerdagne en raison d'une convection estivale + importante (l'altitude étant + élevée en moyenne), et aussi parce qu'en toute saison certaines perturbations restent comme bloquées sur ces massifs et n'atteignent que peu la Cerdagne (les perturbations neigeuses notamment). Très souvent en hiver, je suis revenue des stations de ski du Capcir sous une quasi tempête de neige et en arrivant sur la Cerdagne c'était 15° et grand soleil ! Bref, mais le Capcir reste de toute façon + ensoleillé que la plaine de Roussillon et doit tourner je pense autour des 2800 h (j'avais entendu ce genre de chiffres pour Mont-Louis, ça n'est pas très précis mais ça doit être dans ses eaux là...)

Bref, la Cerdagne bénéficie en effet d'un climat très abrité : abritée au Nord-Ouest par Andorre et le col du Puymorens, au Nord et au Nord-Est par le Capcir et au Sud par la Sierra del Cadi. Ce qui "choque" le plus là-bas, et je ne m'y suis jamais vraiment habituée en 15 ans de vacances, c'est la sécheresse de l'air qui est extrême, surtout en hiver, tramontane ou non...D'ailleurs il y a beaucoup de centres de santé qui y sont implantés pour cette raison...

Les données pluvios que tu donnes pour Sainte-Léocadie ne m'étonnent pas, mais c'est vrai que quand on y pense c'est impressionnant cette sécheresse pour l'altitude du plateau sous nos latitudes tempérées !

J'exposerai d'ici peu quelques données pluvio que j'ai pu collecter sur le 66, même si comme je le dis il doit s'agir de moyennes anciennes ^^

En gros, la Cerdagne serait donc aussi sèche voire + sèche que la plaine du Roussillon, viendrait ensuite le Conflent à moyenne altitude, ensuite le Capcir, puis les régions bordant les Corbières, et enfin le Vallespir qui cumule + de 1000 mm annuels.

[gaet34]

Pour ma part je ne me suis rendu que deux fois là bas et ta description rejoint bien l'impression qu'on a là bas: douceur du climat, faiblesse des précipitations.

Voici les moyennes mensuelles pour Sainte Léocadie (1981/2000)

Mois tnm tm txm RR

Janvier -2.0 2.3 6.5 35.6

Février -1.4 3.4 8.3 21.7

Mars 0.3 5.7 11.0 26.8

Avril 1.8 7.0 12.2 46.0

Mai 5.5 10.9 16.3 71.9

Juin 9.0 14.7 20.5 63.6

Juillet 11.8 18.2 24.6 45.3

Août 11.8 18.0 24.2 62.8

Septembre 9.1 14.7 20.4 60.7

Octobre 5.3 10.3 15.3 52.4

Novembre 1.5 5.9 10.3 53.0

Décembre -0.7 3.4 7.4 40.3

Année 4.3 9.5 14.8 580.2

95.8 jours de gel en moyenne et 39.3 jours de chaleur. Seulement 5.6 jours sans dégel!

On remarque que le climat est d'abord montagnard avec des maximas en mai-juin et août-septembre. Octobre n'est que le sixième mois le plus humide, ce qui n'est jamais le cas pour des stations purement méditerranéennes. On retrouve quand même des influences de ces climats pour les évènements extrêmes. Ainsi le record de pluviométrie en 24 heures est de 100 mm et date du 7 novembre 1982 qui fut un épisode méditerranéen mémorable.

[acrid vintaquatre]

Merci beaucoup pour ces précieuses données !

Oui en effet, pour la pluvio le maxi est atteint en Mai et Juin, ce qui limite en partie la sécheresse de surface (en partie car il suffit d'un bon épisode de vent d'Espagne (vent de Sud qui a un effet de foehn) quelques jours après pour que tout soit asséché...Et il suffit que la température baisse brutalement pour se retrouver avec un épisode neigeux de fin de printemps alors qu'il n'est rien tombé de l'hiver ! De même qu'après un orage estival on peut facilement passer de 30° à 10° en quelques heures (la plupart des orages restent sur les sommets de la Sierra Del Cadi mais il y en a quand même qui descendent sur le plateau). Bref, c'est là qu'on voit l'influence montagnarde quand même présente !

On voit aussi cette influence sur les Tn, car ce sont surtout elles qui font baisser les moyennes, car les Txm de l'hiver sont tout de même élevées pour l'altitude (>6°) et équivalent à ce qu'on trouve sur des régions très tempérées de plaine en France...

Sinon, j'ai déjà vu un épisode méditerranéen en Mars 2006 (si je ne me trompe pas d'année), hors il faisait encore froid, résultat : 50 cm de neige fraîche le matin sur la terrasse alors qu'il n'y avait pas un seul flocon la veille au soir ! Mais en général c'est vrai ils arrivent diminué là-bas...On peut quand même remarquer qu'au printemps 2011, quand toute la France était sous la sécheresse et que le Roussillon essuyait des épisodes à répétition avec des cumuls très costauds, la Cerdagne a vécu également un printemps très humide (l'herbe ne pouvait même pas être tondue à cause d'une terre détrempée, c'est un comble pour la région !)

[rcnm]

Je vais souvent skier dans ce coin que je connais bien depuis tout petit étant à 2h de route. Le capcir reçoit plein pot en flux de Nord-Nord-ouest et j'ai vécu un épisode où on a eu 50cm à formiguères ( qui est d'ailleur un coin froid par rayonnement) ainsi qu'à Puyvalador, 30cm aux Angles puis quasiment plus rien entre Bourg-Madame, St pierre del Forcat et Enveitg puis de nouveau la tempête au Pas de la Case qui est d'ailleurs une des coins où il ne vaut mieux pas s'attarder lors d'épisode neigeux!

Quand on voit les données pluvio de St-Léocadie, on comprend pourquoi c'est risqué de louer là-bas uniquement pour skier. Néanmoins toutes les stations sont relativement proche et on peut bouger facilement chercher la meilleure neige .

Pour l'anecdocte je n'ai jamais connu un orage de grêle aussi violent (en quantité de grelons au sol) qu'à Mont-Louis!

[acrid vintaquatre]

J'avais oublié à l'époque de publier mes quelques "travaux" de présentation de la région...^^

Voilà un petit topo sur la Cerdagne :

(La 1ère photo doit être prise en fin d'hiver et la 2ème en été vu l'état respectif de la végétation - la 1ère fait apparaître le "blocage nuageux" sur les montagnes andorranes et la vallée de l'Ariège et la 2ème laisse apparaître le massif du Capcir en arrière-plan)

Superficie : 1086 km² (50,3 % en Espagne et 49,7 % en France)

Altitude : 1200 m en moyenne

Historique : la moitié Nord-Est a été cédée à la France en 1659, mais géographiquement (en suivant les barrières montagneuses alentours), toute la Cerdagne est en Espagne.

Remarques : avec 24 habs/km² c'est une des régions les moins peuplées d'Europe occidentale (ville la plus importante dépassant à peine 10.000 habs à la frontière franco-espagnole)

Relief :

Ligne noire : limite de la Cerdagne / Ligne rouge : frontière France-Espagne

Climatologie à la station de référence (Sainte-Léocadie, 1350 m d'altitude, 1981/2000) :

Précipitations annuelles : 580,2 mm

Mois le plus humide : 71,9 mm en Mai

Mois le plus sec : 21,7 mm en Février

Record de pluviométrie en 24 h : 100 mm le 7 Novembre 1982

Tmm annuelle : 9,5°

Tnm annuelle : 4,3°

Txm annuelle : 14,8°

Mois le + chaud : 18,2° en Juillet (Tnm : 11,8° ; Txm : 24,6°)

Mois le + froid : 2,3° en Janvier (Tnm : -2° ; Txm : 6,5°)

Jours de gel : 95,8 jours

Jours sans dégel : 5,6 jours

Jours de chaleur : 39,3 jours

Vous remarquerez donc la douceur du climat à cette altitude, surtout visible sur les Tx davantage que sur les Tn. Mais le phénomène le plus marquant est tout de même la sécheresse avec un cumul annuel parmi les plus faibles de France ! Si on corrige avec l'altitude, la même région située à une altitude de plaine serait tout simplement semi-désertique...

Cette sécheresse pluviométrique s'explique par la situation très abritée du plateau. En effet, comme cela est visible sur la carte topographique, le plateau est cerné de quasiment tous les côtés par des chaînes montagneuses qui bloquent les perturbations, quel qu’en soit leur provenance et la saison. De plus, le relief très plat (plateau) et la sécheresse de l'air limite la convection estivale, qui reste généralement cantonnée aux massifs environnants.

Une explication sur cartes sera sans doute plus claire...

Voilà un schéma de la situation par rapport aux reliefs :

Voilà cette situation face aux principaux apports pluviométriques hypothétiques :

Et pour expliquer la sécheresse de l'air, le régime des vents dominants est également importante :

Évidemment, la sécheresse pluviométrique couplée à des vents dominants secs entraînent un assèchement des sols importants, eux-mêmes accentuant la sécheresse de l'air, etc, etc.

Les paysages grillés s'expliquent par 5 facteurs :

- la sécheresse pluviométrique

- une période de gel d'environ 3 mois (3 mois complets mais seulement la nuit évidemment)

- la sécheresse pluviométrique atteint son pic en hiver durant la période de gel

- les 2 vents principaux sont secs quel que soit leur effet thermique

- l'ensoleillement y est le + élevé de France (estimé à 3000h annuelles)

En raison de son régime pluviométrique typique des climats d'abri (maxima en Mai/Juin et minima en hiver), la période la plus verdoyante est le début de l'été.

[acrid vintaquatre]

Voilà qui apportera de l'eau au moulin, et c'est le cas de le dire car il s'agit des cartes de pluviométrie !

Pluviométrie annuelle :

En terme de cumul annuel, on remarque donc une grande disparité des précipitations essentiellement le long de la chaîne pyrénéenne avec dans le détail :

- un minimum sur le "plateau" de la Cerdagne à proprement parler avec moins de 600 mm

- 2 zones relativement sèches que sont la plaine du Roussillon ainsi que le reste de la Cerdagne

- Puis vient le Conflent au centre du département et la région des Corbières au Nord avec une pluviométrie "moyenne"

- Celle-ci devient plus importante sur les massifs du Capcir, mais reste modérée vu l'altitude moyenne

- Et enfin vient le Vallespir au Sud qui cumule + de 1000 mm par an, l'écart avec le reste du département étant surtout sensible au printemps et en été (cf. cartes correspondantes).

Pluviométrie de l'hiver :

Pluviométrie du printemps :

Pluviométrie de l'été :

Pluviométrie de l'automne :

Pour cerner de + près le Vallespir très arrosé, et en constatant que les cumuls printaniers et estivaux y sont particulièrement importants, on devine facilement le facteur convectif de ces précipitations, le secteur est donc une sorte de "cuvette à orages", les massifs bordant la partie Sud étant particulièrement abruptes sur cette partie de la chaîne pyrénéenne. De plus, les épisodes méditerranéens pénètrent sans problème à l'automne et il se produit le même phénomène de blocage orographique que lors des orages printaniers et estivaux. Le fait que la différence avec le reste du département soit moins importante à la saison hivernale, justifiée par le fait que l'intégralité du département est plutôt protégé des perturbations atlantiques, donne une importance d'autant plus importante aux précipitations du reste de l'année, et donc à leur caractère la plupart du temps torrentiel (par effet orographique).

Je pense donc que cette partie du département est d'autant plus à étudier que les autres en ce qui concerne la climatologie orageuse qui se personnifie davantage là-bas qu'ailleurs.

C'est d'ailleurs dans ce coin qu'a été enregistré en 1940 lors d'un épisode méditerranéen le record de pluviométrie sur 24h en France avec 1000 mm à St Laurent de Cerdans (probablement davantage car le pluviomètre débordait apparemment), situé donc dans le Vallespir. C'est la ville la + méridionale de France métropolitaine d'ailleurs pour information.