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Il y a 20 ans : Nîmes 03-10-1988


Vincent_L
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Voici le repère de crue place Montcalm (près des arènes):

repere_crue_place_Montcalm_1_sln5.jpg

repere_crue_place_Montcalm_2_djj4.jpg

Lundi, je vais prendre le repère de la gare, de la rue Richelieu puis je vais faire un tour à l'hotel de ville pour demander des renseignements sur l'emplacement d'autres repères.

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Hop je fais remonter le sujet pour les 30 ans... même si de nombreux liens vers les images ne sont désormais malheureusement plus actifs.   A lire notamment, le témoignage d'un foromer qui é

Et bien, l'option spoiler aurait été utile ici, mais je poste tel quel ce témoignage; cela dit, AMES SENSIBLES S'ABSTENIR. Je ne cherche pas à exhiber de l'insolite mais en revanche, je tiens assez

On commémore aujourd'hui les 20 ans de la catastrophe du 3 Octobre 1988 où Nîmes fut ravagée par ses cadereaux en furie. Près de 500 mm en quelques heures sur les garrigues au Nord de la ville et 9 vi

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st yrieix le déjalat (19) 750 m / 1800 mm annuel

je viens de recuperer d'autres données pluvio

nimes kennedy 310.5 mm

dont 100.5 mm entre 3h et 6h

dont 124.5 mm entre 6h et 9h

dont 85.5 mm entre 9h et 12h

nimes courbessac 263 mm

-35 mm

-160 mm

-68 mm pour les memes intervales que kennedy

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Posté(e)
Congénies en Vaunage; Gard; entre Nîmes et Sommières

Dans mon secteur , 339 mm à Calvisson et 320 pour ma commune ( record inégalé à ce jour ) et des dégâts monstrueux ; j'avais 9 ans mais je m'en souviens comme si c'était hier ... Cette nuit fût particulièrement angoissante ( notamment le bruit d'une grosse averse de grêle sur les coups de 4h du matin ... ) . Nous avions été en fait les premiers à être touchés par cette cellule ; d'ailleurs , à 10h du matin il ne pleuvait plus contrairement à Nimes ....

Ce qui est certain, c'est que cet événement a été le déclencheur, chez moi, d'un fort intérêt pour la météo ...

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  • 3 weeks later...

En passant dans les rues de Nîmes, difficile de passer à côté des niveau de crues.

Pour l'instant, j'en ai repéré 6 mais il y en a plein. Ceux-ci ont été placés par rapport aux photos parus dans le Midi-Libre notamment. Résultat, il y en a un à l'entrée de mon lycée, que je n'ai pas pris en photo encore et dont je n'ai pas fait la mesure. Mais après celui de la place Montcalm (environ 30cm), voici 3 autres niveaux:

J'ai été faire un tour rue Richelieu, la plus touchée. Voici le repère du 60 rue Richelieu. Niveau: 1.70m.

rad5AD53.jpg

200 m plus loin, on débouche sur la rue Catinat, et nouveau repère de crue encore plus haut et surement le plus haut de la ville. Niveau: Pas mesuré car trop haut default_laugh.png mais on doit être aux 2.10-2.20m.

rad281FD.jpg

Regardez rue Catinat, sur la facade d'un restaurant ces deux ouvertures entourées.

rad06871.jpg

Et voici une image du Midi-Libre. Toujours le même restaurant, et les deux ouvertures entourées. Le point rouge est le niveau du repère. Admettez que c'est drolement haut...

rad4E470.jpg

On se dirige maintenant à l'entrée de la gare, avenue feuchères. Niveau: 95cm. (J'avais pas l'air bète à mesurer avec ma règle devant tout ce monde default_laugh.png ).

rad90B6F.jpg

Toujours avenue feuchères, plus loin pour se faire une idée du niveau.

radC6662.jpg

Je vais prendre celui avenue Dhuoda et un autre dont je ne connait pas la rue, mais près de l'avenue Talabot, qui débouche à la gare.

Bonne soirée.

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Posté(e)
St-Étienne-du-Valdonnez (Lozère) - 885 m d'altitude au pied du Mont Lozère et du causse de Sauveterre. A 9 km au SE de Mende

Sympa Cyclone on va essayer d'en mettre d'autres !

Il y en a un Route d'Alès sur un pilier du viaduc des Neufs Arcades à environ 1.2 de haut, là c'est un coin bien en pente mais on est quasiment dans le lit du cadereau d'Alès, j'irais le photographier à l'occasion.

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Posté(e)
Congénies en Vaunage; Gard; entre Nîmes et Sommières

Oui , c'est vraiment une super idee cyclone de nous montrer ces repères . Il est juste dommage que l'on en retrouve pas plus ailleurs dans le Gard , notamment pour les crues plus anciennes ou encore celle de 2002 , ....

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Posté(e)
Sainte-Croix-aux-Mines (68) - 340 m

Super initiative! default_happy.png/emoticons/happy@2x.png 2x" width="20" height="20"> Le niveau atteind rue Catinat est incroyable default_huh.png

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Posté(e)
St-Étienne-du-Valdonnez (Lozère) - 885 m d'altitude au pied du Mont Lozère et du causse de Sauveterre. A 9 km au SE de Mende

Oui , c'est vraiment une super idee cyclone de nous montrer ces repères . Il est juste dommage que l'on en retrouve pas plus ailleurs dans le Gard , notamment pour les crues plus anciennes ou encore celle de 2002 , ....

Il n'y a pas d'opération de marquage officielle et généralisée comme pour Nîmes mais on trouve quand même des marques (officielles sous formes de plaques) ou plus artisanales (marquage peinture, gravure...) des crues historiques (1907 / 1958 / 2002 etc...) dans pas mal de coins le long des rivières à Anduze, Dions, Sommières par exemple.
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Oui , c'est vraiment une super idee cyclone de nous montrer ces repères . Il est juste dommage que l'on en retrouve pas plus ailleurs dans le Gard , notamment pour les crues plus anciennes ou encore celle de 2002 , ....

Pour 2002, je ne connais que Remoulins pour le Gardon, avec je crois un autre repère. La bàs, il est assez élevé, il doit bien y avoir 2m au dessus du sol, soit un niveau du Gardon étant 8 à 9m supérieur de son niveau actuel.
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Oui c'est vrai ces repères sont très intéressants et il est fort dommage que les collectivités locales ne placent pas un peu plus. Après tout ces inondations font partie de notre patrimoine.

Sinon j'en connais à Valleraugue pour la crue de 1900, à la mairie de Goudargues (2002) et aussi à Quissac prés de l'ancien pont où sur une maison il y a les repères de toutes les crues du Vidourle.

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Posté(e)
Anduze (Gard, piémont Cévenol)

Il n'y a pas d'opération de marquage officielle et généralisée comme pour Nîmes mais on trouve quand même des marques (officielles sous formes de plaques) ou plus artisanales (marquage peinture, gravure...) des crues historiques (1907 / 1958 / 2002 etc...) dans pas mal de coins le long des rivières à Anduze, Dions, Sommières par exemple.

Oui excate il y a quelques temps j'avais fait un sujet sur la crue de 2002 à Anduze, et j'avais pris des photos des ces repères au niveau du parking du Gardon pour ceux qui connaissent.

Les photos des repères sont vers la fin du sujet:

/index.php?showtopic=16500&hl='>http://forums.infoclimat.fr/index.php?show...c=16500&hl=

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Enorme le pont à Anduze en 2002 default_ohmy.png/emoticons/ohmy@2x.png 2x" width="20" height="20"> quand on compare à maintenant...

Alors, j'ai repéré un nouveau repère rue clovis, à 100m de mon lycée. J'en ai donc 3 a photographier cette semaine si j'ai le temps default_wink.png/emoticons/wink@2x.png 2x" width="20" height="20">

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Posté(e)
Briord (Vérizieu) - Ain - 281 m

Quelqu'un a t'il le Midi-Libre d'hier encore? Il y' a quelques photos de Bessèges où l'on voit les dégâts des inondations d'il y'a 15 jours.

Mes grands parents ont jeté le journal. default_dry.png Par contre, ils m'ont gardé celui d'il y'a 15 jours. default_happy.png/emoticons/happy@2x.png 2x" width="20" height="20">

PS: belle journée sur le Gard aujourd'hui, ça change du Nord-Isère lol et désolé pour le léger HS.

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Désolé, je ne l'ai pas... Sur le site du Midi-Libre, il appartient à la zone payante, il faut donc s'abonner... Peut-être qu'il sera gratuit quand quelques jours, quand l'article sera parti aux oubliettes (pas pour nous default_laugh.png ).

Sinon ,je suis tombé sur des photos de Montpel de cet automne, mais quand?

http://www.midilibre.com/DIAP_211.php5

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  • 8 months later...
Posté(e)
St-Étienne-du-Valdonnez (Lozère) - 885 m d'altitude au pied du Mont Lozère et du causse de Sauveterre. A 9 km au SE de Mende

En faisant une recherche qui n'avait rien à voir je suis tombé sur ce reportage de la chaîne télé locale :

Images d'archives (certaines inédites) + témoignages de victimes.

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En faisant une recherche qui n'avait rien à voir je suis tombé sur ce reportage de la chaîne télé locale :

Images d'archives (certaines inédites) + témoignages de victimes.

Merci Vincent
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  • 1 month later...

Bonsoir!

Je me suis inscris ici car je tenais à remercier les divers participants à ce topic, qui m'a donné beaucoup d'info.

J'ai vécu les inondations de Nîmes et je cherchais des images, des vidéos sur Google à ce sujet, et je suis tombé sur ce topic donc. Je voulais mettre mon témoignage par écrit ( sur un site "social" bien connu)et j'y ai aussi mis des photos, récoltées de ci de là. J'ai même pris de photos de photos, prises sur des éditions spéciales.

mais en parcourant ce sujet j'ai trouvé mon bonheur et voilà, je vous dis merci!

je ne suis pas particulièrement calé par la la météo technique, mais bon, j'ai vécu de très prés les conséquences d'un méchant cumulo nimbus, si c'est bien cela dont il s'agissait, en ce triste 3 octobre 88.

Je n'ose pas poster d'emblée mon témoignage ici, il est long et détaillé. Enfin je ne sais pas, ça peut vous intéresser mais je parle surtout des conséquences humaines d'un drame météorologique exceptionnel. Et c'est pas joyeux joyeux comme post :/

En tout cas, chapeau à tout le monde default_wink.png/emoticons/wink@2x.png 2x" width="20" height="20"> Je suis impressionné par vos connaissances et votre passion.

a bientot j'espère

electron

( lol quel pseudo j'ai choisi moi mdr)

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Posté(e)
St-Étienne-du-Valdonnez (Lozère) - 885 m d'altitude au pied du Mont Lozère et du causse de Sauveterre. A 9 km au SE de Mende

Salut Electron.

Ton témoignage est forcément intéressant, tout ce qui peut contribuer à ne pas oublier, pour être mieux préparé à la prochaine catastrophe est bon à prendre. Je t'incite à poster ton récit sur ce sujet si tu le souhaite.

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Posté(e)
Alès - St Hilaire de Brethmas (30)

Hello,

J'ai hâte également de voir un tel témoignage qui, certainement émouvant, permettra j'espère à chacun de modérer son excitation.

Les passionnés, bien souvent, rêvent éveillés sans savoir que ce qu'ils souhaitent (à trop haute voix) à chaque automne peut se révéler catastrophique.

Je ne rentrerai pas dans la polémique stérile et souvent relancée de la passion et la raison ; mais un témoignage tel que le tien sera lu avec un intérêt non dissimulé sur ce forum, pour ce qu'il peut apporter comme information sur la chronologie des évênements, la durée, quantité... et/ou les difficultés souvent graves qu'apporte le ciel lorsqu'il se déchaîne sous notre climat.

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Et bien, l'option spoiler aurait été utile ici, mais je poste tel quel ce témoignage; cela dit, AMES SENSIBLES S'ABSTENIR.

Je ne cherche pas à exhiber de l'insolite mais en revanche, je tiens assez à ce que les nîmois lisent ce texte car eux en tout cas doivent savoir ce qu'il s'est passé dans cette ville. Savoir et faire savoir. Les vidéos déjà postées ici sont significatives( surtout celle des pompiers, moi même je n'avais pas revu cela) mais même là, quand on n'a pas vécu un tel sinistre, on ne soupçonne pas la force de l'eau, ou même les lois de la physique. La loi de la gravité, celle de l'osmose...

Qui seulement ici sait ou se souvient que l'eau est un élément incompressible?^^ moi même je ne savais pas ce que cela représentait avant les inondations.

Voilà tout d'abord des images qui situent le contexte historique des crues à Nîmes:

oups désolé, elles sont peut-être un peu grandes.

wtc1.jpg

wtc0001a.jpg

wtc0002l.jpg

J'ajouterai que cette chronologie ci dessus ne donne que + de crédits à toutes les louables intentions de décoder les mécanismes de la nature, pour lesquelles vous manifestez ici un intérêt certain.

Après tout, quoi de plus important que de pouvoir prévoir et anticiper sur de tels phénomènes. La prévention vaut toujours mieux que la réaction. Et je ne sais pas si " les passionnés rêvent éveillés", mais... ce sont eux qui peuvent nous sortir du cauchemar default_smile.png/emoticons/smile@2x.png 2x" width="20" height="20"> Pour ma part je les remercie pour ce qu'ils font.

Les météorologues sont souvent montrés du doigt et culpabilisés, mais par des médias ou des gentils discours de comptoirs. Croyez-moi, en cas de réel problème, personne n'est montré du doigt. Ou alors ceux qui ont distribué des permis de construire là où il n'y avait pas lieu de le faire, par exemple. Mais dans des phénomènes exceptionnels, l'humain n'est responsable de pas grand chose. Il l'est de plus en plus c'est vrai, à cause du réchauffement climatique par exemple. Mais on a tous un problème de mesure, d'évaluation du risque. Peut-être dans 50 ans, les moyens techniques feront qu'on saura réellement prévenir certains phénomènes, un peu comme les animaux...

En attendant, la transmission du "savoir" de bouche à oreille reste de mise...même s'il y a internet default_smile.png/emoticons/smile@2x.png 2x" width="20" height="20">

Et voilà donc mon propre témoignage, et d'autres recueillis auprès de ma famille ou d'amis.

Bonne lecture, et merci default_wink.png/emoticons/wink@2x.png 2x" width="20" height="20">

En ce jour d’inondations, comme tout le monde, je ne m’attendais pas à vivre tout ça et 21 ans après je vais essayer de faire un point chronologique sur tout ce que j’ai vu et entendu.

Tant de nîmois ont été tellement choqués, que beaucoup de responsables politiques (les maires qui se sont succédés depuis 88, les ministres d’alors), relayés par les médias, ont clamé que des « rumeurs folles sur le nombre des victimes s’étaient propagées »… Des rumeurs ? Possible ; mais je pense qu’il y a plusieurs vérités…et, comme beaucoup de nîmois, j’ai des témoignages directs qui tendent à faire penser que le nombre des victimes a été bien plus élevé que les chiffres officiels. Quelques indices aussi laissent penser ça, j’y reviendrai.

J’expose ci dessous la chronologie de ces terribles inondations que j’ai vécu de mon petit bout de lorgnette. Chaque nîmois a son histoire, son témoignage parfois insoutenable de douleur.

Cela fait longtemps maintenant mais pourtant je me souviens de tout quasiment, lors de cette journée où un véritable tsunami de boue a envahi la ville. Le terme inondation ne suffit pas pour définir ce cataclysme. Un Tsunami vient d'une onde et la pression et la masse de l'eau maritime sont peut-être plus forte, quoique, si Nîmes avaient eu des constructions de type Banda Aceh, peut-être qu'il ne resterait rien aussi. Le débit approximatif cumulé dans les rues de Nîmes ce jour là correspondait à celui du Rhône à Beaucaire. 2000 m3 par seconde, un truc ds le genre.

Je me souviens de la veille, le 2 octobre au soir, que la carte de France de la météo à la télé indiquait une ligne est ouest séparant 2 masses d’air, et cette ligne passait pile poil sur Nîmes. Je me souviens m’être dit : tiens c’est bizarre, comment savoir quel temps il va faire. Pourquoi je me souviens de ça ? je ne sais pas. Peut-être c’était une sorte de prémonition diraient certains. Cette carte m’avait donné un sentiment étrange. Mais je pensais juste à savoir « comment s’habiller pour le lendemain avec cette limite en plein sur Nîmes »

Au niveau général, "ils" avaient vu juste à la météo, il s'agissait d'un front entre une masse d'air froide et une masse d'air chaude remontant du sud, mais "ils" n'avaient pas vu juste au niveau intensité. Le souci c'est que le front ne s'est pas déplacé, et la cellule orageuse est restée plantée pendant 6 heures sur les hauteurs de Nîmes, au dessus des bassins versant. Le nuage en question ( cumulo nimbus) mesurait plus de 10 kms de haut.

-le 3 octobre, aux environs de 7h :

les orages me réveillent – comme beaucoup de nîmois-

Succession d’éclairs, coups de tonnerre incessants. Rien de spécial, à part ce nuage noir. J’habite en hauteur. Pas d’inquiétude particulière. J'apprendrai plus tard que le chat d'un ami est sorti de la maison en pleine nuit et en plein orage. Il n'est revenu que 3 jours après.

8h :

je décide d’aller au centre ville en voiture pour acheter des clopes au bar Pantel. J’étais étudiant et les cours de la fac n’avait pas encore commencé.

8h 15 :

ma vieille Lada cale dans une espèce de dos d’âne exceptionnellement rempli d’eau. En face, des voitures étaient elles aussi immobilisées dans la flaque, moteur calé. Les conducteurs ne sortaient pas, il pleuvait des cordes. L'intensité de la pluie n'était pas exceptionnelle en soi, bien que très forte. C'est juste que cela durait depuis beaucoup trop de temps.

Patient et méthodique, j’enlève mes chaussettes et remet mes chaussures afin de marcher dans l’eau pour démonter les bougies de la voiture, les essuyer un peu et attendre que la voiture redémarre. J’étais assez satisfait de moi, car au moins j’aurais des chaussettes sèches en retournant dans la voiture. Evidemment, je ne savais pas encore à quel point cela allait être ridicule par la suite !

8h 30 :

Je descends la colline et j’arrive à un stop, une intersection que je n’avais jamais vu ainsi : de la gauche venait un torrent d’environ 20 cm d’eau marron avec des remous, de l'écume blanche et très rapide, mais en pente légère. Pente légère mais eau rapide, il y devait y avoir beaucoup de pression. Je ne comprenais pas d’où venait toute cette eau. En fait, cette rue ( rue du Vallon) serpentait en amont entre 2 collines et faisait tout simplement office de ruisseau, mais ça je l’ai compris bien après. Les égouts, les évacuations d’eau devaient déjà être saturés, mais je n’avais jamais entendu parler d'une telle situation auparavant.

Sur le coup, je pensais que c’était une rupture de canalisation, ou des égouts ... Il n’y a pas de rivière à Nîmes. Et je ne pouvais pas concevoir qu’il s’agissait d’eau de pluie…c’était impossible à réaliser. J’ignorais qu’il pleuvait depuis 1 ou 2 h du matin. Je ne savais pas que la pluie pouvait faire ça. D’autant plus que la rue où je me trouvais (rue Henri Revoil) était tout à fait normale, alors que celle que j’allais traverser était complètement inondée…. Probablement un ancien cadereau….Mais sur le coup, inconscient de ce qu’il se passait réellement, je n’ai pas du tout senti le danger, ni même le phénomène en cours.

Je m’engage. J’avais confiance en cette Lada, pourrie mais si robuste !

Et là, j’ai eu un premier frisson…en traversant le ruisseau, l’eau était tellement rapide qu’elle est venue taper sur le bas de la portière et a remonté jusqu’à la vitre, heureusement fermée. Sinon j’aurais pris 50 ou 100 litres d’eau sur le visage et dans la voiture. J’ai voulu regarder à gauche, et j’ai vu la fenêtre marron, presque entièrement recouverte par l’eau …C’est incroyable ce que 20 cm d’eau courante peut faire. J’ai compris que c’était dangereux car elle filait très vite, j’ai accéléré pour sortir de ce cours d’eau de 3 mètres de large, afin de continuer tout droit sur la rue Revoil.

Et le pire, c’est que juste après ce ruisseau, la rue était de nouveau normale…c’était juste un torrent localisé dans une rue perpendiculaire. Dire que ce torrent filait au centre ville… mais je n’y ai même pas pensé sur le coup. Je n’avais toujours pas réalisé. J’ai juste traversé en soufflant de soulagement après coup.

Mais, toujours inconscient de ce qui se passait, j’ai continué mon chemin.

Puis, peu à peu, la rue disparaissait dans l’eau, mais une eau calme, et peu profonde. Environ 10 cm d’eau recouvraient la chaussée. Rien à voir avec le torrent bouillonnant que je venais de traverser. Donc je continue, la voiture était assez haute. Au bout d’un moment je vois que les trottoirs avaient disparu sous l’eau, et j’aperçois des voitures stationnées sur le côté, dont le pot d’échappement sortait à peine de l’eau…Là je me suis dit que je risquais d’avoir de sérieux soucis de moteur si je continuais. Je regarde plus loin et à une dizaine de mètres devant moi, je vois des gens avec de l’eau jusqu’aux genoux.

J’ai eu la sage précaution de garer la voiture et de continuer à pied, mais par curiosité surtout.

J’avance… j’avance… une cinquantaine de mètres. Puis je vois des gens arrêtés dans un virage à angle droit, en train de regarder dans la même direction. Une dizaine de personnes.

Là, à leur attitude figée, j’ai compris qu’il se passait quelque chose d’anormal.

Je les rejoins et là…j’ai vu l’horreur.

Aux alentours de 9h :

Je joins mon regard aux leurs et, je vois alors ce que je n’arrive encore pas à oublier.

A une quinzaine de mètres, des flots marrons, bouillonnants, à une vitesse incroyable, qui dévalaient un boulevard de gauche à droite. Le boulevard Georges Pompidou, descendant tout droit de la route d’Ales. Je revois ce feu tricolore, dont seul le feu rouge émergeait de l’eau et étrangement, il fonctionnait encore…Au moment où je fixe ce feu surréaliste, je vois une voiture passer au dessus, le capot avant à moitié enfoncé dans l’eau, et les roues arrières en l’air, et à une vitesse…incroyable…le temps de cligner des yeux, elle n’était plus là et je n’ai pas pu savoir s’il y avait quelqu’un dedans. Cette voiture m’avait permis d’estimer sa vitesse à environ…entre 60 et 80 km/h. Très rapide en tout cas. Même sur la chaussée en temps normal, je n’avais jamais vu une voiture passer aussi vite…

Là je réalise l’horreur, et de là où j’étais situé, le niveau de l’eau au loin me semblait plus haut que moi. J’ai eu une fraction de seconde de peur, une montée d'adrénaline, en pensant que l’eau allait venir dans notre direction, c’est logique.

Je me retourne, je regarde les gens, sans réaction, visage livide, sans parole. Je les ai regardés comme si eux auraient pu avoir une explication. Comme s’ils allaient tout m’expliquer. Comme un besoin subit de se raccrocher à n’importe quel morceau de réalité. Mais leur silence était tout ce qu’il y a de plus significatif. Je revois encore leurs visages dépités, tristes, sous leurs parapluies.

Et j’ai compris qu’apparemment, l’eau sauvage ne pouvait pas venir ici mais filait tout droit le long du boulevard. Elle suivait son propre courant. Pourtant, nous étions « en dessous » du niveau d’eau qui coulait au centre du boulevard. Ce sont ces remous énormes et bouillonnants qui donnaient cette impression que l’eau était bien plus haute que nous. J’avais de l’eau à mi cuisse. Une eau calme.

Je regarde à nouveau le boulevard et je vois une autre voiture passer au dessus des flots, à plat, en tanguant sur le côté, toujours à environ 2 mètres de haut, charriée dans un courant que je n’ai jamais vu ailleurs, et pourtant, j’avais fait du kayak, du rafting, j’avais déjà vu l’océan en colère mais ça…c’était…presque surnaturel. J'oserais une image mythologique, c'était comme un gigantesque serpent qui avale tout sur son passage. C’était ...quel mot employer...irréel? non...hélas. C'était un chaos monstrueux. Incompréhensible. Le bassin de la Fontaine ne pouvait pas propulser autant de d'eau. Je ne comprenais rien. Il n’y a rien à comprendre. On subit. Le cerveau essaie d'interpréter, d'expliquer les informations que les yeux et le bruit lui envoient, on n'a pas le temps d'analyser les causes quand les conséquences se déroulent sous vos yeux, on se fige de stupeur.

Où filaient ces voitures emportées ? Combien de kilomètres parcourus, combien de voitures, sur l’eau et sous l’eau ? Combien de temps peut flotter une voiture ?

Comment accepter l’idée qu’il y ait eu des gens dedans….Comment imaginer l’horreur de se retrouver emporté dans un fleuve déchainé, coincé et balloté…avant de sombrer ? Comment concevoir que des voitures se sont retrouvées écrasées comme des brindilles, ou propulsées dans des magasins aux murs éventrés par l’eau et tous les objets qui venaient taper sur les murs.

Comment concevoir que des gens chez eux, ont été écrasés par des voitures et des citernes.

Comment pouvoir imaginer les eaux rentrer d’un côté d’une maison, et sortir d’un autre en emportant tout…

Puis j’ai aperçu une voiture immobilisée au bout de la rue, juste avant l’intersection du boulevard devenu fleuve, et cette voiture rouge était à moitié dans l’eau, le capot avant recouvert et surtout il y avait une personne dedans, accrochée à son volant et peut-être la tête posée contre celui-ci. Elle était immobile.

Cette voiture était à quelques mètres du flot en furie et des vagues venaient recouvrir un peu le pare brise… et j’ai eu peur qu’elle soit entraînée peu à peu dans l’enfer.

Encore une image difficile à oublier, et là, j’ai essayé de me rapprocher de ce p****n de monstre déchainé afin d’essayer d’aider la personne. Ce n’était pas pour jouer aux héros mais c’était vraiment comme un instinct, je ne pouvais pas imaginer laisser quelqu’un dans cette situation sans rien tenter. Il n’y a pas de héros là…toute initiative est bonne, et n’a pas à être jugée.

Je me suis mis sur le trottoir, pour avoir un peu plus de hauteur. Je longe les grilles de l’EDF. Je m’y accroche main après main. J’avais déjà l’eau jusqu’au dessus de la taille, et il me restait une bonne dizaine de mètres à faire. La personne à l’intérieur ne bougeait pas. Peut-être priait-elle. Je ne réfléchis pas, j’essaye de progresser prudemment et lentement.

Puis, devant moi, sur le trottoir, à 5 mètres, je vois un tourbillon de 50 cm de diamètre en train d’aspirer l’eau vers le fond…Je me suis arrêté et j’ai fait demi-tour. Pas d’autre choix. Ca devait être une plaque d’égout qui avait été soulevée et emportée.

Je sais qu’en revenant sur mes pas, les gens me regardaient et cette fois je m’en foutais. Je commençais à avoir envie de pleurer, ou de hurler, et je sentais comme une colère, comme un dégout d'impuissance. Il était hors de question que je reste là les bras croisés, comme les riverains le faisaient. Ils avaient de l'eau chez eux, entre 50 cm et un mètre, mais c'est pour vous dire à quel point ce n'était même pas préoccupant, comparé au "monstre" qui arrachait tout à quelques mètres de là...Eux aussi, impuissant et inquiets, tournaient le dos à leur propre maison sinistrée et observaient le boulevard. Je ne voulais pas voir la suite sans rien faire. Pas même une corde. C’était horrible, ce sentiment d’impuissance. Personne ne peut rien faire.

J’ai préféré rentrer chez moi et expliquer à mes parents ce qu’il se passait ici.

Rien d’autre à faire. Voies d’accès coupées, circulation impossible.

Je suis remonté dans la voiture complètement stressé, et j’ai remonté la rue en sens interdit, sous cette pluie incessante. Un peu d'eau était rentré dans la voiture, 5 cms insignifiants qui se déplaçaient de gauche à droite. J’ai retraversé le petit ruisseau de la rue du Vallon sans y prêter attention cette fois. Il ne m’a fait aucune impression sur le retour, je ne me souviens même pas de l’avoir retraversé…

En y repensant...j'ai été chanceux...il ne faut pas se retrouver au mauvais endroit au mauvais moment dit-on...un tronc d'arbre ou un objet lourd aurait pu venir choquer la voiture par le côté. Et alors là...soit on part en tête à queue soit il y a un tonneau, enfin bref, la loi du chaos c' est la loi de l'imprévisibilité, quelque chose comme ça.

Je n’ai pas été victime de l’inondation ; je ne me suis pas retrouvé coincé par les flots. Mais je me suis retrouvé face à face, alors que j’aurais pu ne pas sortir de chez moi à ce moment-là. J’ai juste été témoin de l’horreur, et sans pouvoir rien faire. Chacun était isolé sur sa colline. Comme des îles sans issues. On dît que Nîmes, comme Rome, possède 7 collines.

Donc, 8 vallées, qui deviennent des réceptacles naturels d’eau de pluie.

Jusqu’à ce jour, je pensais que les inondations étaient un phénomène relativement lent. Je pensais que les eaux montaient lentement, paisiblement…

Qui aurait pu imaginer qu’en 6h de pluie, des fleuves déchainés pouvaient tout raser. Tout ! Plier des voitures comme du papier aluminium, emporter des pylônes, dissoudre le goudron. Faire tomber les murs de pierre. Soulever des bus et des camions. Les déplacer sur plusieurs kilomètres. Modifier le schéma des rues. Soulever des boulevards, dont les égouts avaient explosés sous la pression. Mettre la roche à nu. Nîmes porte encore des stigmates. Des jardins entiers ont été emportés, des arbres énormes ont été couchés et arrachés, et le calcaire apparu sur les bords de quelques routes n’a plus jamais été recouvert par la suite.

Environs de 9h30 -10 h :

Mes parents me regardaient étrangement, lorsque je leur racontais tout ça. Muets, limite incrédules. Forcément.

J’allume la radio et j’écoute France-Info.

Je me souviens bien qu’ils annonçaient 16 victimes…

On entend des hélicoptères.

Je vois un hélico tout blanc se poser sur un stade de foot pas loin de chez moi, sur le Stade Municipal. On avait une vue dessus. Et toujours cette pluie…

A la radio ils annoncent la venue du ministre de l’intérieur (Pierre Joxe ?), et aussi un autre ministre, je ne sais plus lequel. On avait des sinistres et ils nous envoient des ministres.

Ils annoncent également une réunion avec le préfet (ou à la préfecture, je ne me souviens plus) et divers responsables.

A partir de là, le nombre de victimes annoncé par France-Info n’a plus grimpé. Il est même redescendu !

Vers 11h, France Info annonce le chiffre de 8 victimes.

Pourtant, la décrue n’était pas encore amorcée…Etrange non ? Pourtant les parkings n’étaient pas encore vidés, le bassin du jardin de la Fontaine pareil, l’eau était partout encore, dans les maisons du centre ville, et toutes les caves.

Les autres morts avaient-ils ressuscités ??? Qu’on m’explique cela…

Et à partir de là, le nombre des victimes n’a plus bougé.

Je n’ai jamais compris ça. Enfin je ne vois qu’une seule explication, mais bon…passons.

Plus tard, on annonce la venue du président Mitterrand.

Ca en faisait du beau monde à Nîmes. 2 ministres et un président. Je me demande même s’il n’y a pas eu un 3ème ministre. J’ai su ensuite que d’autres hélicos ont déposé des personnalités dans d’autres coins de la ville.

Avant midi : un coup de fil de ma nièce, paniquée, qui dit qu’ils vont être noyés. En fait, 1 mètre d’eau avaient envahi leur jardin, à Clarensac, à 10 kms de Nîmes. Heureusement, la villa était surélevée de...1 mètre.

A cette époque, ma sœur hébergeait ses beaux parents, qui dormaient dans leur caravane dans le jardin. Ils ont tous vu la caravane emportée contre la clôture du voisin, mais pas d’autres dégâts. L’eau n’était pas rentrée chez eux, contrairement à leurs voisins qui n’avaient pas surélevé leur villa…

Ma sœur était infirmière à l’hôpital et c’est elle qui nous a dit plus tard qu’une morgue qui n’avait plus servi depuis 1945 avait été rouverte pour l’occasion. Mais bon…officiellement…ces inondations n’ont fait que « 8 morts ».

Que dire ?...Vous, cher lecteur, remettriez-vous en doute la parole de votre propre sœur ?

Aux environs de 14heures : décrue totale. La pluie avait cessé complètement en fin de matinée.

C’est à ce moment là que j’emmène ma mère en ville pour constater les dégâts.

On repasse par cette rue Revoil. Et cette fois, on traverse le boulevard défoncé, le boulevard Pompidou, dans lequel coulait encore un petit filet d’eau de 3 mètres de large. L’ancien cadereau avait repris son lit. L’ancien ruisseau, quasiment toujours à sec, n’avait plus débordé depuis bien longtemps et il avait été recouvert dans les années 60 par la chaussée et transformé en boulevard. Seules 2 petites buses minuscules étaient censées canaliser les eaux de ruissellement. Avant les 60's, c'était des fossés, toujours à sec, sauf quelques heures par an où les pluies les remplissaient d'eau torrentueuse.

Arrivés là, j’ai eu vraiment un grand soulagement : la voiture que j’avais tenté d’approcher le matin n’avait pas bougé, et il n’y avait plus personne à l’intérieur. Elle avait donc pu s’en tirer…Elle avait vu la mort de près celle-là.

Evidemment, le boulevard ne ressemblait plus à rien. D’entrée, une voiture était retournée sur le toit à l’intérieur de la Société générale qui n’avait plus de vitrine. D’énormes branches étaient posées dessus. Des ordinateurs, des bureaux étaient répandus sur la route. On slalome. On traverse, le bitume avait disparu. Ce n’était qu’un tas de gravier, de galets, avec des plaques de goudron enchevêtrées, et des rocs venus de je ne sais où. Mais aussi des matelas, des armoires, des câbles. Plus loin, un trou dans le boulevard et un camion dedans. Sous le camion, 2 voitures écrasées... On essaie de continuer vers le centre. On ne parle même plus dans la voiture. Je roule sur une porte. Des fils électriques touchaient le sol. Puis je fais demi-tour car un arbre coupe la route. Circulation impossible. De toute façon, le malaise devenait de plus en plus fort.

15h :

Une fois à la maison, on a un coup de fil de ma tante qui n’avait pas de nouvelles de mon cousin depuis le matin. Elle me demande d’aller sur la route de Sommières afin de voir si …je trouvais son fils. Une bonne montée d’angoisse...

Je n’ai pu faire que 4 ou 5 bornes, la route était coupée, trouée et je me souviens qu’un camion toupie était tombé dans le trou. Ici aussi, à l’extérieur de Nîmes, tout était désolation. Impossible d’aller plus loin et déjà j’avais mis beaucoup, beaucoup de temps à parcourir quelques kilomètres. Tout était jonché de divers objets. Poubelles, poussettes, pavés, arbres, palettes, fauteuils, frigos. Voitures abandonnées. Le chaos.

A certains endroits de Nîmes, les eaux ont charrié des objets divers tels que des cercueils provenant d’une maison des pompes funèbres, mais aussi des pianos, flottant dans les flots.

16h :

Je fais donc demi-tour, et le temps que je revienne à l’entrée de Nîmes, des motards de la police nationale barraient la route et contrôlaient les identités. Il fallait montrer patte blanche pour rentrer sur Nîmes. Ils voulaient empêcher trop de monde de venir. Je ne sais plus comment mais je suis passé, toujours en slalomant.

J’arrive à la maison, et plus de téléphone. Coupés du monde. Plus d’eau au robinet. Je ne me souviens plus si on avait encore l’électricité, ça ne m’a pas marqué ça. J’ai oublié. Et ça devient secondaire. J’étais inquiet pour mon cousin…je me sentais impuissant à nouveau. Je n’apprendrais que bien plus tard qu'il était sain et sauf et qu'il avait emprunté une autre route pour se rendre sur son lieu de travail.

Le stress commençait à nous peser, bien que nous n’ayons eu aucun dégât, juste 10 cms d’eau dans les caves. Ca avait niqué tous mes dessins. Mais cela était bien entendu complètement accessoire.

La nuit suivante :

Pourquoi ai-je voulu aller au centre cette nuit-là, je ne sais plus. Par curiosité certainement.

Mais de nouveau, l’accès était infernal. J’ai pas mal marché. Dans le noir. Il n’y avait plus de courant. Des petites lueurs au fond des magasins ou des appartements témoignaient de la présence de vie. Des bougies pour la lumière, mais comme de bien tristes veilleuses.

Le noir total était entrecoupé de gyrophares bleus, oranges.Quelques sirènes. Des lampes torches balayaient des rues au silence total, et aux voitures renversées, broyées.

Comme une guerre…je suppose. Des pleurs. Des gens qui toussent. Plus de bruit. Des troupes de CRS, dont certains m'avaient sommé fermement de dégager, alors que je regardais des voitures empilées anarchiquement. Il ne faisait pas bon traîner par ces temps qui courent. Des pilleurs sévissaient. Partout ces odeurs de mazout, ce fioul qui s’était répandu hors des caves. Il y avait quelque chose de malsain. Je ne me suis pas attardé. Je n’avais rien à faire là. Mais ce silence…était terrible…Pas de musique, pas de télé, pas de bruit de vaisselle, pas de moteurs. Et pourtant, qui a pu trouver le sommeil cette nuit-là, au sein du centre ville massacré ? Et sur quoi dormir ??? Que manger ? Que boire ? Comment s’habiller ? Comment se laver de cette sale boue ? Paradoxalement, il n’y avait plus d’eau saine, juste encore des flaques.

La guerre doit ressembler à ça. Je ne vois pas ce qu’il peut y avoir de pire…

The days after :

Je chausse les bottes et je pars en ville. Tant pis pour les partiels de la session d’octobre. Ca tombait mal. Mais on relativise dans ces conditions…surtout la littérature portugaise du 18ème siècle…

J’étais à peine arrivé au début du centre ville que je débouche sur une rue où le silence régnait, entrecoupé par des sanglots. Le goudron avait disparu, et par endroit la rue n’était plus qu’un trou, une immense tranchée profonde de 3 voire 4 mètres, longue d'une dizaine de mètres. Ca parait incroyable que l’eau ait pu faire ça. Un missile ferait autant de dégât je pense. Comme un cratère d'impact. Une femme bloquée sur son perron, immobile devant l’abîme, la main sur la bouche et qui tentait de contenir des larmes.

Des échelles avaient été disposées au dessus de la tranchée, enfin, à la place de l'ancien goudron, de l'ancienne rue. Tranchée à l’intérieur de laquelle étaient agglomérés des véhicules et divers objets. Des conduites d’eau, des tuyaux, apparaissaient sous les appartements, suspendus dans le vide. Des gens hagards, hébétés, et toujours ce silence pesant. C’était un moment très pénible. J’en avais les larmes aux yeux mais on doit ravaler tout et agir. On ne peut pas ne rien faire. L’idée de faire des photos ne m’avait même pas effleuré l’esprit.

Sans un mot, j’aide le premier venu à soulever un four. Des gens âgés qui sortaient tout leur mobilier pourri de chez eux. Il y en avait du boulot. Tout est fichu. Peut-être une assiette à récupérer, tout ce qu’on peut sauver apparait bien dérisoire de toute façon. Il n’y avait même pas d’eau pour laver. Les meubles gondolés, les matelas irrécupérables. Tout l’électro ménager fichu, tout les papiers et document sont irrécupérables, tout est mort. Un simple vélo recouvert par des branches tellement comprimées par le courant que l’on ne peut pas le dégager. Il n’y avait rien à récupérer. Pas une seule chaussure. Comment garder son sang froid quand on a tout perdu…comment ne pas devenir fou…On se sent tellement inutile qu’on ne sait pas quoi faire…juste un regard sombre. Je me souviens d’avoir pris une dame âgée par la main et de l’avoir emmenée à des pompiers, sans échanger un mot. Juste l’aider à marcher dans les décombres.

J’ai quitté cet endroit. On ne peut pas aider tout le monde, je voulais aller plus loin dans le centre mais on s’arrête au premier drame. Les gens ne parlaient pratiquement pas. Le job était évident, partout il fallait débarrasser les rez-de-chaussée des objets et meubles foutus, pour les mettre dans les rues, qui n’étaient bien sûr pas encore dégagées.

Le lendemain j’y retourne, une sorte de QG s’était mis en place dans plusieurs quartiers. Des gens essayaient de recenser les bonnes volontés afin de les dispatcher dans les endroits où il fallait.

Du matériel était déjà arrivé. On a livré du pain, du lait, de l’eau, de la nourriture, des habits, des couvertures à des gens qui n’avaient plus rien. Même plus un slip. Même plus la parole. Un autre jour, ma Lada a été carrément réquisitionnée afin de livrer des provisions à des personnes isolées. L’aide se mettait en place et les engins de l’armée étaient de plus en plus présents. Les rues fourmillaient d’activité, et c’est dingue mais malgré la désorganisation et l’anarchie apparente, en une semaine, toutes les rues étaient dégagées. En y repensant après coup, je ne comprends pas comment les USA n’ont pas été capables de s’occuper de la ville de New-Orleans lors du cyclone Katrina. Les gens ici, les nîmois ont été vraiment impressionnants pour cela. Les autorités aussi ont fait un super boulot. Armée, police, tout le monde aidait. Et on ne se sentait pas inutile.

Un de mes plus mauvais souvenirs fut la levée des voitures hors du bassin du Jardin de la Fontaine. Une longue avenue en descente sur plusieurs kilomètres, très fréquentée, débouche en plein sur le bassin, et à cet endroit là, l’avenue ( route de Sauve) a une forme de coude, contournant le bassin. Mais évidemment l’eau dévalant la colline n’a pas emprunté le coude et est allé tout droit dans le bassin, en emportant toutes les voitures sur son passage. La voiture du père à un copain a fait partie du lot. Profond de plusieurs mètres, long de 50 mètres au moins et large de 20 mètres environ, ce bassin a été aménagé il y a 2000 ans par les romains, c’est en fait la prolongation d’une source, la source Nemausa, d’ailleurs à l’origine de la cité romaine. ( Nemausus, puis Nismes, puis Nîmes)

Tous les nîmois se doutaient d’une catastrophe à cet endroit là, sachant que des dizaines de voitures avaient été propulsées à l’intérieur, défonçant le petit parapet de 1 mètre de haut.

J’avais voulu voir ça…Mais le secteur était bouclé par les CRS.

Alors j’ai eu l’idée de contourner le barrage en pénétrant dans le jardin par derrière, par la Tour Magne, assez loin du bassin. Je n’étais pas le seul à avoir eu cette idée. Les flics avaient bouclé les rues conduisant au bassin mais ils n’avaient pas pu boucler entièrement tous les accès piétons de cet immense jardin.

Je me suis retrouvé donc sur l’autre rive du bassin, à peine à quelques mètres des policiers et des grues qui étaient donc situés au Quai de La Fontaine. Et personne n’est venu nous dire de partir, ils étaient assez occupés.

Là, je regrette d’avoir eu une attitude de curieux, de voyeur si je peux dire.

Des hommes grenouilles étaient dans l’eau et apparemment ils câblaient les chaînes des treuils aux voitures, qui devaient être enchevêtrées les unes sous les autres sous l’eau. Au total, environ 100 voitures ont été sorties du bassin.

Je vois alors des hommes grenouilles faire un geste et se reculer de la chaîne, à la nage.

Puis la chaîne se met en tension…

Et là… j’ai eu une vision d’horreur. Une sorte de bouillon violet, mauve, couleur vin, couleur sang, est remonté à la surface de l’eau et s’est étalé, s’est dilué sur plusieurs mètres, autour de la chaîne.

Je me souviens avoir mis la main sur la bouche et avoir regardé l’autre témoin. Il faisait comme moi : la main sur la bouche. On ne peut pas dire ce que c’était mais on a eu le même sentiment je crois.

Au moment où la voiture sortait de l’eau, elle ruisselait de partout, et toujours cette couleur bizarre. « Ca » sortait des portières, enfin, de l’intérieur de la voiture.

J’essayais d’être objectif et rationnel, et aujourd’hui encore je me dis que ça devait être de l’essence, qui a cette couleur un peu rosée. C’est juste le volume de la tâche à la surface qui me fait dire que si c’était de l’essence, elle en avait beaucoup. Je ne veux pas trop penser à ça. J’ai déjà tendance à escamoter ce passage de ma mémoire.

Mais il est clair qu’il s’agissait peut-être d’un reste de corps.

Pourquoi un reste ?

Parce que ma sœur, de par sa profession, fréquentait des médecins, forcément, et m’expliquait qu’il paraît que des hommes grenouilles travaillaient les nuits suivantes pour sortir les corps des voitures, sous l’eau.

Les corps étaient « plombés », afin qu’ils ne remontent pas à la surface.

Evacués en douce, en discrétion. Ensuite, en journée, ils enlevaient des voitures.

C’est horrible. Je ne veux plus chercher à savoir si je peux accepter cette réalité. Et malheureusement, je crois que c’est ça la réalité.

En effet, comment se fait-il, que, officiellement, « aucune victime n’ait été retrouvée dans les dizaines de voitures propulsées dans le bassin » ? Quel miracle ! C’est dingue, une chance pareille!

Alors, moi je crois ce que j’ai vu…Je suis reparti de suite, je tremblais et avais mal au ventre.

C’était peut-être un animal, c’était peut-être de l’essence (quoique ça n’est pas censé s’écouler par l’intérieur de la voiture) c’était peut-être un tonnelet de vin, oui, oui, ça devait être ça hein…J’ai bien regretté d’assister à ça. Il y a des choses qu’on ne devrait pas voir. Ca ne me hante pas mais c’est une image gravée en moi et c’est dur de raconter cela par écrit, je ne l’avais jamais fait auparavant.

Ailleurs, non loin de mon quartier, les tombes du cimetière protestant ont été déplacées par le courant et se sont déposées sur le stade de foot en contrebas. Je n’oublierai jamais ça. Un stade de foot parsemé de tombes grises, et ouvertes. Le gravier du terrain avait été emporté aussi et s’était déposé sur la route et la voie ferrée en aval. Tout s’était déplacé. Des corps de ce cimetière avaient été emportés par les flots. Ca je me souviens l'avoir lu dans le journal. Ce qui donnera d'ailleurs un argument à ceux qui considèrent que le nombre de victime n'a pas excédé 10. Certains ont probablement crû voir des cadavres dus à l'inondation alors que les corps venaient de cimetières éventrés.

Dans ce même quartier, Saint Césaire, j’ai su après que des copains, des amis à moi avaient fait la chaîne pour évacuer des gens coincés dans leurs voitures en plein courant, dont une femme et ses enfants.

Malheureusement, environ 7 personnes ont péri à cet endroit-là.

D’autres amis me confirmeront ça.

Mais bon…officiellement… « 8 morts », « 9 morts » sur toute la ville…

J’avais des amis d’enfance au Mont du Plan, un autre quartier de Nîmes.

Leur mère était concierge d’une école primaire et cette école avait servi de refuge.

Dans ce quartier, particulièrement sinistré, ils me raconteront plus tard qu’une dame âgée prenait sa douche lorsque le flot, la vague, a déboulé chez elle. Elle s’est retrouvée en quelques secondes immobilisée dans sa douche, avec de la boue jusqu’au menton, les bras accrochés à la barre du rideau de douche. Des heures après, les pompiers l’ont retrouvée comme cela, vivante. Plusieurs personnes ont péri dans ce seul quartier.

Un peu plus loin, à proximité du bar de l’importation (visible sur les photos; record de hauteur connue, + de 3 mètres ), un homme, emporté par le courant, s’était accroché à une grille d’un magasin mais une voiture est arrivée sur lui et l’a littéralement coupé en 2.

Ce ne sont pas des rumeurs. Mais des témoignages…

Un commerçant des halles a vu un enfant emporté par les flots sans rien pouvoir faire.

Une amie de Montpellier me dira plus tard qu’une de ses amies nîmoise a vu le flot rentrer chez elle par la fenêtre et tout emporter par la fenêtre opposée. Tout emporter, y compris le lit du bébé, et avec le bébé dedans.

Alors c’est si facile de dire que ce sont des rumeurs. Pour moi, ce sont des témoignages directs ou indirects. Je ne sais pas pourquoi le chiffre réel des décès a été minimisé, mais cela est juste une des nombreuses anecdotes de cette catastrophe naturelle. Je ne cherche pas la polémique, je raconte juste des témoignages. Mais au final, il se peut que le nombre des victimes ait avoisiné le chiffre de 100, rien que sur la ville de Nîmes.

De toute façon, les chiffres officiels sont difficilement crédibles. Il n’y a qu’à regarder les vidéos qui ont été postées ici pour voir les contradictions, les versions différentes sur le nombre de victimes décédées.

D’autre part, pour 50 000 sinistrés, je trouve étrange et bien chanceux qu’il n’y ait eu que « 1 » disparu…

Mais encore une fois je ne cherche pas la polémique, elle est secondaire aux drames. Peut-être que tous les nîmois qui ne croient pas au bilan officiel se sentent juste en deuil quelque part. Comme un besoin de reconnaissance?

A cette époque là, je n’aimais pas les militaires, j’étais en instance d’incorporation mais dans l’urgence, on était tous unis. Et heureusement qu’ils sont venus avec tout leur matériel. On ne les remerciera jamais assez pour ça. Ces gens sont capables de raser une ville mais aussi de la reconstruire en quelques jours.

Je me souviens avoir fait la queue au camion citerne les jours suivants, pour avoir de l’eau potable. Les files étaient longues.

Je repense aussi à ce commerçant de mon quartier, un épicier dont je tairais le nom, qui a voulu profiter du sinistre pour tripler les prix des bouteilles d’eau. Ma propre mère l’a maudit.

Peu de temps après, en guise de représailles, son magasin a été saccagé et en plus il a été condamné par la justice. Double peine. Et c’est bien fait. Comment le plaindre ? On n’a plus jamais entendu parler de lui. C’était comme la guerre, j’vous dis.

Au bout de quelques jours, l’aide affluait de toute la France et d’ailleurs, et chaque quartier avait son QG si je peux dire. Distribution de biens et nourritures.

C’était tellement bien organisé qu’à ce qu’il paraît, des gars sont venus de Marseille, pour dire qu’ils étaient sinistrés et pouvoir ainsi récupérer des télés, ou je ne sais quoi…pour aller les revendre.

Il y avait bien sûr des faux sinistrés. Ou comme les pilleurs…c’est le côté animal, le "mauvais" côté de l’Homme qui ressort dans les moments de crise.

Des propriétaires de magasins, au centre ville, avaient veillé toute la nuit à l’intérieur de leur boutique, avec un fusil chargé.

Des coups de feu avaient été tirés, à l’extérieur de la ville, du côté de la Bastide.

Une commerçante de mon quartier, une amie à ma mère, avait un fils qui était pompier à cette époque. Ils ont retrouvés plus de 50 corps à des kilomètres de Nîmes, dans le Vistre, petite rivières des costières. Tous les cadereaux descendant des garrigues et traversant l’agglomération de Nîmes se jettent dans cette toute petite rivière.

Il y aurait même eu des corps retrouvés en mer.

Plusieurs témoignages racontent que les bouches d’égout ont aspiré des gens. Des fois, pour les recracher un peu plus loin, sains et saufs. Et des fois non, ils ne ressortaient pas. Et ça, je sais que c’est vrai, j’ai vu les tourbillons, les siphons qui se créaient dans les flots.

Je crois que j’ai dit tout ce que je savais. J’ai probablement oublié encore des choses. La mémoire occulte les mauvais souvenirs. Je tenais à écrire tout ça quelque part. Non pas pour prévenir ou me plaindre mais pour informer sur ce que l’espèce humaine a tendance à oublier : la récurrence des crues terribles, ou le pouvoir insoupçonné de la « nature ».

Je n’ai pris conscience du choc psychologique que bien des années après. Le fait de vouloir tout nettoyer de suite, tout gommer, tout effacer ne suffit pas à réagir contre ça. Il faut du temps, et au fond, je comprends pourquoi les gens oublient ce genre d’événements.

Alors gardez toujours des chaussettes au sec default_wink.png/emoticons/wink@2x.png 2x" width="20" height="20">

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Alès - St Hilaire de Brethmas (30)

Que dire après la lecture de ce terrible témoignage. C'est si bien retranscrit que les larmes montent aux yeux.

Effroyable moment que celui des inondations de Nîmes, une chose somme toute pas si banale à la lecture du bel historique (merci !) mais toujours autant destructeur si ce n'est plus !

Il est dommage que ce que nous raconte l'histoire ne permette pas de mettre à mal une certaine conception de l'urbanisme, l'homme travaille toujours à l'encontre de la nature, cherchant à la domestiquer, la narguer, même si cela doit conduire à de multiples sacrifices.

Le bilan des victimes ? effectivement le chiffre à l'air faible... combien de mort également en 2002 ?

Une telle catastrophe fait peur ; personnellement elle me fait redouter la pluie qui tombe pourtant chaque automne par ici, même si je n'ai pas eu à souffrir (même indirectement) de 1988.

La famille (Nîmes, Clarensac) garde de nombreux souvenirs de cette période pas si lointaine, de nombreuses coupures de journeaux... De mon coté j'ai connu l'inondation de 88 à travers mes cours d'environnement bien loin de là, à Amiens, en 1993. Une catastrophe décrite par mon prof comme la conséquence de l'urbanisation ridicule du XXième siècle, où l'on croit bon "boucher" les fossées qui n'ont jamais d'eau mais qui pourtant étaient bien là pour quelque chose... une conséquence qui, d'après ce même prof, ferait encore parler d'elle dans les années à venir, sur la majorité des villes de méditerrannée.

Merci pour ce témoignage, merci !

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